Le volet immobilier de la finance participative s’est transformé sous l’impulsion des autorités publiques. Néanmoins, de grandes disparités existent toujours, entre les plateformes de crowdfunding, sur les montages financiers proposés. Sont-ils risqués ?

Très jeune, le marché du crowdfunding immobilier, à savoir le financement de la promotion immobilière via des plateformes de finance participative, connaît une croissance soutenue. Selon l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui régule les plateformes proposant de l’investissement en capital - arborant l’agrément de Conseiller en investissements participatifs (CIP) - ce secteur accapare 55% de la collecte 2017 des plateformes CIP, alors même qu’en proportion, les sites immobiliers représentent moins de la moitié des acteurs labellisés. Ainsi, à fin 2017, sur 52 intermédiaires CIP, 24 proposaient des projets immobiliers dont 11 finançaient exclusivement des promoteurs.

Cet engouement s’explique par l’appétence des épargnants pour l’investissement dans la pierre qualifiée souvent de valeur refuge, mais aussi, et surtout, par les taux d’intérêt promis sur les plateformes. Le crowdfunding immobilier mettant en jeu un effet de levier - les promoteurs ne s’endettent que pour financer une petite partie de leurs fonds propres et non la totalité du projet – les opérateurs peuvent promettre des taux d’intérêt annuels dépassant 10%. Mais, de tels taux reflètent également le danger réel de perte en capital, comme l'a rappelé la faillite du groupe Terlat début 2017.

10% de rendement pour rémunérer le double risque pris par l'épargnant

En misant sur le financement participatif immobilier, l’investisseur s’expose en effet à un double risque : sectoriel, tout d’abord, lié à l’évolution du marché immobilier, mais également à l’aléa inhérent au crowdfunding, à savoir le financement de sociétés, souvent récentes, via des instruments financiers non garantis (actions et obligations). Indépendamment du titre, le montage retenu par la plateforme influence également le niveau de risque pris par l’investisseur. D’où l’importance de bien s’informer sur le projet, mais aussi sur le statut juridique du véhicule.

Financer le projet...ou le promoteur ?

Concrètement, avant de participer à une levée de fonds, l’épargnant doit notamment s’interroger sur l’entité qu’il s’apprête à financer : ses fonds vont-ils aller à un projet immobilier donné ou au financement général d’un promoteur ? Dans le premier cas, l’épargnant finance une opération spécifique telle la construction d’une résidence ou la réhabilitation de bureaux. Il investit donc dans le périmètre de risque qui est celui de ce projet. « La défaillance ne peut donc venir que d’un problème relatif à cette opération immobilière : un permis invalidé, le retard des artisans ou encore des logements qui trouvent difficilement preneurs », nous exposait récemment Vincent Sillègue, le président de la plateforme immobilière Koregraf. « En revanche, quand l’épargnant achète un titre financier sur la maison-mère, l’analyse se complexifie. Le risque n’est plus cantonné à une seule opération immobilière et il faut désormais tenir compte de l’intégralité des projets en cours et futurs du promoteur », met en garde le président de Koregraf. Pour ce dernier, les plateformes ne sont pas toujours suffisamment claires sur la destination des fonds. Certaines qualifient leur levée de fonds de corporate (de la société) : « Je doute que tous les épargnants savent ce que cela signifie », estime Vincent Sillègue.

Veiller à la clarté des informations présentées aux investisseurs, c’est justement l’une des missions de l’Autorité des marchés financiers. « Quand la plateforme propose de financer directement l’activité d’un promoteur immobilier, elle ne doit pas présenter une opération immobilière particulière mais l’activité générale du promoteur. Si ce n'est pas le cas, l'AMF peut lui reprocher de fournir une information inexacte », avertit ainsi Julien Paille, responsable de l’unité prestataires de services d’investissement au sein de l’autorité de contrôle. « Il arrive que l’on constate des pratiques non conformes à la réglementation en matière d’exactitude et d’équilibre de l’information. Dans ce cas, nous intervenons auprès de l’acteur avec des échanges informels ou plus formels, selon la gravité, afin qu’il rétablisse une information appropriée et qu’il propose, en cas de préjudice avéré, un plan de remédiation », détaille le responsable de l’AMF.

Les SCI participatives de plus en plus rares

« L'investissement au travers de SAS est un mieux » par rapport aux SCI

Néanmoins, pour l'AMF, le secteur s'est bonifié avec le temps. Le régulateur souligne notamment le quasi abandon des opérations passant par la création de sociétés civiles immobilières (SCI) au profit de sociétés par actions simplifiées (SAS). « L'investissement au travers de SAS est un mieux qui a été apporté, car au démarrage du crowdfunding immobilier des montages sous forme de sociétés civiles avaient pu apparaître. Les montages en sociétés civiles pouvaient présenter un risque pour les épargnants dans la mesure où ils pouvaient être exposés à des pertes au-delà du seul capital investi », rappelle Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l’AMF.

Pour faire court, un investisseur détenant 10% du capital d'une SCI doit éponger 10% de ses dettes si la société périclite. Mais désormais le nombre de plateformes proposant ce montage se compte sur les doigts d’une main. L’AMF recense en effet trois intermédiaires – dont Dividom qui permet d’investir au travers de cercles restreints d’épargnants – qui présentent encore soit de façon exclusive, soit ponctuellement de l’immobilier locatif. Certaines plateformes, dont Homunity, qui proposaient à l’origine de la SCI ont préféré se convertir au modèle SAS. Un modèle d’investissement qui s'avère divisé en deux écoles.

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Les SAS créées par la plateforme, pas un problème pour l’AMF

D’un côté, des plateformes telles Homunity et Fundimmo qui créent elles-mêmes la société par actions simplifiées. De l’autre, des intermédiaires qui proposent d’investir dans un véhicule d’investissement créé par le promoteur. Le président de la plateforme immobilière Koregraf, qui mise sur ce second montage, se montre critique vis-à-vis des intermédiaires créant de façon ad hoc les SAS : « Selon nous, notre rôle de CIP est de conseiller les investisseurs, de sélectionner les meilleurs opérateurs et opérations, puis de suivre dans le temps les investissements réalisés. De notre point de vue la SAS émettrice de l'emprunt obligataire doit être détenue par le promoteur et non pas par la plateforme elle-même. C'est pour nous une position plus conforme à notre agrément de CIP et ainsi, en cas de difficulté de la plateforme, le promoteur peut, seul, assurer le remboursement de la dette », argumente ainsi Vincent Sillègue de Koregraf.

Pour le gendarme financier, il n’y a toutefois pas lieu de s’inquiéter. Ces SAS n’ont qu’un « rôle purement administratif qui est de faciliter la gestion des souscriptions », souligne à ce propos Julien Paille, le responsable de l’unité prestataires de services d’investissement de l’AMF. Par ailleurs, même si la société est détenue par la plateforme, cette dernière n’est pas dépositaire des fonds investis dans la SAS. « Pour les plateformes agréées, les fonds sont toujours déposés chez un prestataire habilité à proposer un service de tenue de compte. La plateforme n’encaisse rien si ce n’est ses honoraires évidemment », résume ainsi Claire Castanet, « ce qui protège l’investisseur du risque de non-restitution des actifs en cas de disparition de la plateforme », complète Julien Paille.