Comme d’autres sociétés financières britanniques, Revolut pourrait perdre le droit d’exercer ses activités dans l’Union européenne en cas de Brexit sans accord. La néobanque londonienne, qui revendique 400 000 comptes ouverts en France, estime toutefois avoir prévu tous les scénarios.

Avec 400 000 comptes ouverts, Revolut, lancée officiellement il y a à peine 1 an et demi en France, y connait un vif succès. La néobanque a toutefois un problème à régler pour poursuivre sur sa lancée. Revolut, en effet, est une société de droit britannique, basée à Londres. Pour mener à bien son activité de compte de paiement multidevises, elle dispose ainsi d’un agrément d’établissement de monnaie électronique, délivré par le régulateur britannique du secteur financier, la FCA (pour Financial Conduct Authority). Actuellement, cet agrément l’autorise, dans le cadre du marché unique, à opérer dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, sans avoir besoin de demander un nouvel agrément, ni d’y être physiquement présent. C’est le principe du « passeport financier européen », dont profitent aujourd’hui des dizaines d’autres sociétés britanniques.

Problème : Revolut, comme les autres, va perdre prochainement le bénéfice de ce passeport. Une raison à cela : le Brexit, qui doit voir le Royaume-Uni quitter l’Union Européenne au plus tard le 29 mars 2019.

Exit le passeport financier européen

Les conséquences exactes du Brexit dans le domaine financier sont encore difficiles à décrire avec précision. Plus d’un an et demi après le déclenchement de l’article 50 du traité sur l’Union européenne, qui a marqué le début de la procédure, aucun accord n’a encore été signé sur les conditions de cette sortie. Plusieurs scénarios restent donc possibles.

« Un régime d’équivalences »

Une chose est toutefois certaine : les sociétés uniquement agréées outre-Manche vont perdre le bénéfice du passeport financier. Pour le remplacer, l’UE et les autorités britanniques travaillent à mettre en place un régime d’équivalences, qui permettrait, explique la juriste Blanche Sousi dans sa newsletter Banque Notes, à « des établissements situés dans des pays tiers dont les règlementations sont jugées équivalentes à celles édictées par l’Union européenne [d’] accéder au marché intérieur pour les activités relevant desdites règlementations ». Ce type de régime existe ainsi déjà avec les Etats-Unis ou le Japon. Dans ce scénario, les établissements de la City londonienne pourraient donc continuer à opérer sur les marchés des 27. Mais aux conditions de l’UE.

La Banque de France veille

Ce scénario, toutefois, nécessite que le Brexit soit encadré par un accord signé entre Londres et Bruxelles. Celui-ci existe, a déjà été approuvé par le Parlement européen, mais pas encore par le Parlement britannique, qui se prononcera sur le texte le 11 décembre prochain. Si ce dernier - comme c’est le scénario le plus probable aujourd’hui - rejette l’accord, le scénario d’un « hard Brexit », sans accord, referait surface. Et là, plus question pour les sociétés financières britanniques d’opérer hors de Grande-Bretagne : du jour au lendemain, les 400 000 comptes français de Revolut risqueraient de se retrouver bloqués…

Un « régime de transition » prévu par la Banque de France

La risque est d'ailleurs suffisamment sérieux pour que la Banque de France s’y penche. Dans une allocution récente, son gouverneur, François Villeroy de Galhau, a ainsi appelé à une « vigilance particulière » sur les établissements de paiement et de monnaie électronique », du type de Revolut. Selon lui, « seuls (…) 22% [d'entre eux] exerçant dans le cadre de la libre prestation de services souhaitaient obtenir un agrément d’ici fin 2018 ». Un scénario de crise a été prévu : « L’instauration d’un régime de transition adapté qui, pour la gestion extinctive des contrats, permette aux entreprises britanniques de poursuivre leurs activités initiées sous couvert de passeport européen, à condition de soumettre un programme de liquidation à l’ACPR », le régulateur français du secteur financier.

Revolut a un plan B

Revolut, toutefois, ne devrait pas en arriver là. Pour poursuivre ses activités dans l’UE, la néobanque s’est en effet rapprochée de la Banque centrale européenne (BCE), via le régulateur lituanien, pour obtenir un agrément d’établissement de crédit européen. Problème : près d’un an après le début de processus, il n’a pas encore abouti. « Ce n'est pas plus long que la normale », assure toutefois Emmanuel Boulade, en charge de la communication française de Revolut. « Le régulateur met en général 12 mois à donner sa réponse, nous avons débuté le process d'application fin 2017 et nous nous attendons donc à une réponse d'ici la fin de l'année. »

« Pas d’interruption de service » promet Revolut

Revolut dispose également d’un plan B. « Nous avons mis en place plusieurs plans d'urgence en fonction des différents scénarios possibles du Brexit, et nous nous sommes assurés que quelle que soit l'issue en juin, il n'y aura pas d'interruption de service », explique Emmanuel Boulade. Revolut a notamment « entamé des discussions avec plusieurs régulateurs de pays européens pour l'obtention d'une licence de monnaie électronique sur le continent, afin de [se] couvrir (…) en cas de Brexit sans accord ».