L’immobilier attire plus de 40% des fonds levés sur les plateformes de financement participatif. Mais les particuliers sont-ils toujours sensibilisés aux risques engendrés par les montages proposés ? La réponse est non, pour Vincent Sillègue, président de la plateforme Koregraf.

Vincent Sillègue

Vincent Sillègue est président de la plateforme de crowdfunding immobilier Koregraf lancée en 2014.

Dans une étude parue en début d’année, l’institut d’études Xerfi recensait 35 plateformes de crowdfunding immobilier actives en France. Parlent-elles toutes le même langage ?

Vincent Sillègue : « Dans le monde de la promotion immobilière, deux entités sont finançables : le promoteur d’une part, c’est-à-dire la maison-mère qui détient les salariés, les capacités commerciales, et d’autre part l’opération, c’est-à-dire le projet immobilier que le promoteur porte. On constate en conséquence deux types de financements : le financement corporate [de l'entreprise, NDLR] et le financement d’opérations. Selon moi, le financement d’opérations présente moins de risques pour les investisseurs. »

Pour quelles raisons ?

V.S. : « Lorsqu’un investisseur finance une opération, il investit dans un périmètre de risque qui est celui du projet. La défaillance ne peut donc venir que d’un problème relatif à cette opération immobilière : un permis invalidé, le retard des artisans ou encore des logements qui trouvent difficilement preneurs. A l’échelle d’un projet, ces risques peuvent être évalués. En revanche, quand l’épargnant achète un titre financier sur la maison-mère, l’analyse se complexifie puisqu’il faut désormais tenir compte de l’intégralité des projets en cours et futurs du promoteur. Le risque n’est donc plus cantonné à une seule opération immobilière. »

Est-ce que la distinction entre le financement projet et le financement corporate est claire sur les plateformes ?

« Le risque n’est plus cantonné à une seule opération »

V.S. : « Cela dépend des intermédiaires… Parfois il est effectivement écrit corporate pour présenter la levée de fonds, mais je doute que tous les épargnants savent ce que cela signifie. »

Est-ce que les taux d’intérêt avancés par les plateformes, par ailleurs très élevés, peuvent renseigner l’épargnant sur le degré de risque d’un montage financier ?

V.S. : « La dette émise dans le cadre d’une campagne de crowdfunding immobilier est techniquement qualifiée de mezzanine. C’est-à-dire que le rendement se situe entre le taux d’intérêt appliqué à la dette bancaire, de l’ordre de 2% actuellement, et la rentabilité des fonds propres du promoteur, oscillant entre 20 et 25%. Les promoteurs peuvent se permettre de payer des taux d’intérêt importants car le montage met en œuvre un effet de levier. En effet, comme sur les plateformes de finance alternative, le promoteur s’endette pour financer seulement une partie de ses fonds propres et non la totalité de l’opération, il peut se permettre de payer un taux d’intérêt élevé. Car rapporté à son chiffre d’affaires et à la marge générée, le coût du financement ne représente finalement pas grand chose. »

Les banques, qui participent aussi au financement de la promotion immobilière, prêtent-elles attention à la manière dont les opérateurs financent leurs fonds propres ?

« Le crowdfunding immobilier est nécessaire à la promotion immobilière »

V.S. : « Le crowdfunding immobilier est complémentaire au financement bancaire. La banque octroie un crédit au promoteur pour lui permettre d’initier les travaux. Ce prêt est conditionné au fait que la société apporte des fonds propres en quantité suffisante. Et si le promoteur n’a pas le cash disponible, il peut alors initier une campagne de crowdfunding pour obtenir le complément. Les banques font donc attention à la constitution des fonds propres et sélectionnent les promoteurs mais aussi les plateformes avec qui elles veulent travailler. »

Croyez-vous que nous allons bientôt assister à une consolidation du secteur ?

V.S. : « Certaines plateformes de crowdfunding immobilier vont fermer, d’autres se consolider. C’est évident… Toutefois, le financement alternatif a toute sa place dans la promotion immobilière. Il est même une nécessité compte tenu du besoin de logements et des contraintes réglementaires, en termes de fonds propres minimum, qui pèsent sur les promoteurs. »