Le commissaire européen Pierre Moscovici a prévenu jeudi qu'il pourrait ne pas y avoir d'accord début décembre entre les pays membres de l'UE sur la taxation des géants du numérique, estimant que « nous risquons d'être un tout petit peu courts ».

« Sur la taxation sur le digital, je pense que nous ne sommes pas loin d'un accord, (mais) que nous risquons d'être un tout petit peu courts », a reconnu le commissaire lors d'une audition devant la Commission des Affaires européennes à l'Assemblée nationale. « Je suis lucide et j'observe que l'atteinte d'un consensus n'est pas simple » d'ici la réunion des ministres des Finances de l'UE le 4 décembre prochain, date cruciale pour l'approbation de cette taxe sur le chiffre d'affaires des géants du numérique, a-t-il admis.

Face aux députés, Pierre Moscovici a évoqué deux scénarios qui pourraient conduire à l'échec de la directive proposée par la Commission européenne et soutenue avec force par le gouvernement français, mais qui se heurte aux réserves des autorités allemandes qui n'ont toujours pas dit publiquement si elles soutenaient ou pas cette taxe. L'absence d'un accord franco-allemand constitue d'ailleurs le premier scénario présenté par le commissaire européen. « Ce serait tout à fait regrettable parce que cette taxe est de l'intérêt général », a-t-il expliqué.

Paris pousse, Berlin freine

« Je souhaite vraiment que les discussions vraiment intensives entre Bruno Le Maire (et son homologue allemand) Olaf Scholz, et entre la chancelière (Angela Merkel) et le président Macron aboutissent à un accord », a-t-il affirmé. Il a toutefois reconnu que même si Paris et Berlin se mettent d'accord, cela pourrait s'avérer insuffisant, son deuxième scénario étant le rejet déjà annoncé par trois pays (Irlande, Danemark et Suède). Or, cette taxe doit être approuvée à l'unanimité par les 28 membres de l'UE. « On risque d'être trop court (...) parce c'est un peu compliqué pour eux d'approuver cela. », a-t-il expliqué. « Mais je souhaite aller le plus loin possible le 4 décembre et qu'on ne termine pas cette année sans des avancées décisives en matière de taxation du numérique », a-t-il ajouté.

Face à cette situation, Pierre Moscovici a annoncé son intention de présenter une mesure en début d'année prochaine pour que les principales décisions sur la fiscalité ne soient plus prises à l'unanimité par les pays membres, mais avec une majorité qualifiée. « Tant que l'on sera à l'unanimité, nous allons rester bloqués sur ces sujets-là », a-t-il reconnu, l'opposition d'un seul pays pouvant empêcher l'approbation de mesures fiscales. « C'est pourquoi je proposerai le passage du vote à la majorité qualifiée sur certains aspects de la fiscalité en début d'année prochaine », a-t-il affirmé, rappelant qu'il s'agissait d'un engagement pris par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours sur l'état de l'Union début septembre.

Pour convaincre les pays réticents à la taxe sur les géants du numérique, l'Allemagne en tête, Paris avait déjà accepté il y a quelques semaines de repousser à 2020 une entrée en vigueur de cette taxation portant sur les recettes (et non sur les bénéfices comme en général) générées par l'exploitation d'activités numériques. Berlin veut d'abord attendre la fin des travaux de l'OCDE sur le sujet, prévue pour l'été 2020.