Ader Capital et sa promesse de cession de dettes, en France, c’est fini. La liquidation judiciaire a été prononcée cette semaine. Près d’un millier de clients emprunteurs sont toujours sur le carreau, avec de nouvelles dettes à rembourser. Le point sur l'affaire.

Rappel des épisodes précédents : fin 2016, la société Crédit Consulting lance l’activité de sa marque Ader Capital, au prétexte d'une récente législation sur la cession de dettes. Les représentants de cette enseigne, le plus souvent des mandataires commerciaux, démarchent des particuliers remboursant des crédits à la consommation. Leur promesse : effacer leurs dettes à l’aide d’un complexe montage financier.

Le montage financier annoncé

  1. Pour bénéficier de cette offre de « cession de dettes », il fallait souscrire un ou plusieurs nouveaux crédits conso. La majeure partie du montant touché est versée à Ader Capital Ltd, à Londres, pour frais de dossier et pour nourrir une « société d’investissement ».
  2. Cette somme transite par Londres pour être investie dans une « société d’investissement » à l’Île Maurice, une destination choisie pour sa fiscalité avantageuse. Les performances de cette société doivent ensuite permettre de rembourser les clients français.
  3. Les clients ayant signé le contrat de « cession » devaient ensuite percevoir des sommes régulières pour couvrir leurs précédentes mensualités de crédit conso, ou profiter d'un reboursement en une fois. Mais cela après une période de différé, par exemple au bout d'un an.

Lire ou relire notre enquête sur la « cession de dettes » publiée en avril 2018

Un montage initial peu protecteur des clients emprunteurs

Au-delà de sa complexité et de son caractère international, le montage annoncé ne protégeait pas les clients en cas de défaillance de la société. La « cession de dettes » telle qu’annoncée était en effet « imparfaite » de l’aveu même d’Ader Capital, puisque la banque prêteuse n’était pas mise au courant de l’opération, pas plus que les établissements de crédit conso sollicités pour le financement de l’opération. Une cliente - à qui il restait environ 25 000 euros de dette liée à des travaux - explique ainsi avoir signé trois crédits conso de 10 000 euros supplémentaires chez trois spécialistes du crédit conso. Les dossiers et démarches auprès de ces établissements ont été pris en charge par les représentants d’Ader Capital, et elle a signé – à l’été 2017 - ces documents, où la société Ader Capital n’est pas citée.

Parrainage à l'aide de chèques-cadeaux

Au-delà du démarchage auprès de particuliers identifiés comme endettés, certains clients ayant accepté de témoigner évoquent un système de parrainage, avec un chèque-cadeau pour le parrain. Un système rassurant de prime abord puisque certains des tout premiers clients auraient bel et bien été intégralement remboursés.

Sollicité au printemps 2018, le gendarme bancaire, l’ACPR, a appelé les clients à « être très vigilants », tout en en reconnaissant que cette activité n’entre pas dans le champ de sa régulation.

Fin d’activité en France et liquidation judiciaire

Les difficultés d’Ader Capital – notamment relatées sur le forum cBanque - ont commencé lors de l’été 2018 : selon les messages postés par cette entreprise, leur « partenaire bancaire » a « bloqué » leur compte « du jour au lendemain ». S’en suit, toujours selon leurs dires, de nouvelles clôtures dans d'autres banques, et l’impossibilité de mobiliser la trésorerie. Le 7 septembre 2018, Crédit Consulting – société française éditrice d’Ader Capital - est déclarée en cessation de paiement. Puis est placée en redressement judiciaire le 4 octobre.

La liquidation judiciaire a été prononcée cette semaine, comme nous l’a confirmé par email Damien Raut, gérant de Crédit Consulting depuis avril dernier, en remplacement d’Eric Guilloteau, qui a pris, lui, la direction de Ader Capital Ltd, à Londres, en mars 2018. « Ader Capital Ltd souhaite mettre un terme à ce projet sur le marché français, compte tenu des procédures qui ont été lancées », a par ailleurs précisé Damien Raut.

Une promesse de remboursement en avril

Face à la faillite de Crédit Consulting, les clients ont-ils une chance de récupérer leur argent ? Les clients contactés évoquent tous une absence de remboursements - et de signes de vie - au début de l’été. Dans le cas de la cliente évoquée plus haut, le différé d’un an prévu initialement venait de prendre fin : elle a perçu un versement d’Ader Capital, à hauteur de la mensualité prévue à la fin du printemps 2018, avant que la société passe aux abonnés absents. Un autre témoin remboursait initialement 230 euros par mois de crédit conso, et se retrouve aujourd’hui avec des échéances grimpant au total à 450 euros par mois, à cause des nouveaux prêts contractés en vue de la « cession de dettes ». Sur Facebook, le « collectif de soutien aux clients d'Ader Capital » regroupe un peu plus de 200 membres, avec pour objectif de favoriser les échanges entre les clients se retrouvant sur le carreau. Les membres partagent par exemple des documents type comme les déclarations de créances, à fournir au mandataire judiciaire pour espérer bénéficier d’un remboursement lors de la liquidation de Crédit Consulting.

Une mensualité doublée, de 230 à 450 euros !

Surprise, pour ces victimes présumées : les clients ont reçu un courrier daté du 7 novembre 2018 avec une promesse de remboursement, en y liant un communiqué appuyant la responsabilité des banques dans l’échec d’Ader Capital. Dans ce courrier, Ader Capital Ltd - la structure londonienne, donc – promet à tous les clients un remboursement « à échéance avril 2019 » grâce à un « débouclage de certains placements ainsi qu’une opération de levée de fonds ». Avec deux possibilités : remboursement intégral et majoration de 15% pour ceux « qui n’ont pas demandé de résiliation », et remboursement sec pour ceux « qui ont engagé une procédure ». Cette démarche visant donc à éviter de multiples procédures judiciaires…

« 800 clients » non remboursés

Pourquoi les clients feraient-ils confiance à une société défaillante ? Dans son email, Damien Raut affirme que c’est « bien sûr » Ader Capital Ltd qui va effectuer les remboursements, et non Ader Capital en France. « La levée a été lancée uniquement pour pallier le manque de liquidité à court terme », affirme le dirigeant d’Ader Capital en France. « (…) Une levée de 5 millions d’euros est suffisante, mais notre levée de fonds est beaucoup plus importante. Elle est destinée à alimenter notre fonds d’investissement. Elle permettra à Ader Capital Ltd de continuer à investir, sans que les fonds ne proviennent de la cession de dettes. » Une preuve de cette apparente bonne foi ? « La levée de fonds est en cours. Les informations seront données par Ader Capital Ltd pendant le processus afin de rassurer ses clients. »

« Une levée de 5 millions d'euros »

Il s’agit donc pour les emprunteurs français de faire confiance – ou non – à Ader Capital Ltd, la société londonienne qui figurait effectivement dès le départ sur les contrats comme « cessionnaire ». Dans le registre officiel des entreprises britanniques, cette société dispose d’un capital social de 1 000 euros, et son adresse renvoie à un centre d’affaires tenu par Régus, qui propose des bureaux ou une domiciliation commerciale, autrement dit une simple adresse postale. Au printemps dernier, Eric Guilloteau assumait déjà le fait que cette société londonienne soit un simple relais vers son activité à l’Île Maurice. Son nom figure parmi les fondateurs du tout récent fonds d’investissement Evergrowth Venture, localisé à l’Île Maurice.

En attendant la concrétisation de cette promesse d’indemnisation, en France, Damien Raut affirme que 1 108 contrats de cession ont été signés. Suite aux remboursements ou autres rétractations, « à ce jour il doit rester environ 800 clients » : « Je n’ai pas le chiffre que seul Ader Capital Ltd connaît. »

« On ne va pas s’arrêter là, on veut récupérer notre argent »

Parmi les clients contactés, certains n’hésitent pas à évoquer une « arnaque » dès l’origine, d’autres plaident pour une « incompétence » qui aurait engendré la faillite de l’activité française. L’UFC-Que Choisir de Nancy, qui avait publié dès août 2017 une mise en garde à ce sujet, dénonce désormais sans ambiguïté une « arnaque » et continue de conseiller les emprunteurs qui la contactent. L’UFC-Que Choisir au niveau national assiste son association locale mais n’envisage pas, à ce stade, d’action au niveau national. Selon l’UFC-Nancy, les victimes présumées viennent surtout de la région nantaise, du sud-ouest, et à un degré moindre de l’est de la France.

Certains clients ont ainsi lancé des actions judiciaires au civil et au pénal. Mais les procédures sont longues. La liquidation permettra peut-être de débloquer quelques fonds. « On ne va pas s’arrêter là, on veut récupérer notre argent », lance avec détermination un client. Le feuilleton Ader Capital n’est probablement pas terminé.