Quitter son établissement bancaire, c’est facile quand le client y détient uniquement un compte. En revanche, couper définitivement les ponts avec sa banque devient impossible quand il souhaite conserver son assurance-vie. En cause, l’impossibilité de la transférer et l’obligation de conserver un compte support.

Les épargnants y ont cru quelques instants, mais le suspens a rapidement pris fin : l’amendement sur la transférabilité de l’assurance-vie, sans perte de son antériorité fiscale, a finalement été écarté de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Du coup, changer de banque en emportant son contrat reste impossible. Si c’est une assurance-vie bancaire, pour la conserver, il faut donc toujours la maintenir dans sa banque d’origine.

Mais, l’assurance-vie souscrite dans une banque va généralement de pair avec un compte courant support. Selon un responsable d’agence du Crédit du Nord, « ce compte courant sert à fluidifier les échanges liés à la gestion de l'assurance-vie : effectuer des rachats ou des versements. L'argent doit être déposé en amont par le client sur ce compte pour être ensuite viré sur l'assurance-vie ». Lorsque le client utilise ce compte également pour la gestion de ses dépenses courantes, la nécessité de le détenir devient transparente. En revanche, quand celui-ci souhaite changer de banque, il ne peut clôturer ce compte, et ce, même s’il ne veut plus alimenter son assurance-vie.

Un compte support imposé par les systèmes informatiques

Se passer d'un compte interne rallonge les délais de traitement.

Pourquoi les banques imposent-elles un compte support alors qu’il n’existe pas lorsque l’assurance-vie est ouverte via un courtier, une association d’épargnants ou encore directement chez l’assureur ? Réponse des banques : des contraintes informatiques. « Au Crédit du Nord, nous sommes pour le moment contraints par des aspects techniques, de lier systématiquement un compte courant à une assurance-vie. Nous ne pouvons renseigner un relevé d'identité bancaire externe dans notre système, sinon il y a un blocage informatique », détaille le salarié de l’enseigne.

Autre banque, mêmes explications. « Lors de la souscription, les sommes sont prélevées sur le compte courant du client (soit sur des sommes préexistantes, soit sur des sommes remises nouvellement par un dépôt de chèque ou un virement externe). C'est ce compte qui est enregistré pour recevoir les sommes en cas de sortie...le clôturer entraîne donc une anomalie technique au moment de la sortie. Il est possible de donner un autre RIB ou de demander un chèque à la compagnie d'assurance...mais là, les délais s'allongent puisqu'il y a un traitement administratif plus complexe que de faire un simple virement sur un compte déjà enregistré », expose à son tour un autre chargé de clientèle pour les particuliers.

Toutefois, ce fonctionnement pourrait être remis en cause. Au Crédit du Nord, « nous sommes en réflexion pour avancer rapidement sur la question et contourner cette contrainte technique afin de dissocier les deux », détaille notre interlocuteur. Au Crédit Agricole, le compte courant continue certes dans certaines banques à identifier le client et à conserver le lien avec lui, explique la communication du Crédit Agricole SA. Toutefois certaines caisses arrivent à se passer de compte support, poursuit-elle.

Un compte courant en principe sans frais

L'exonération de la tenue de compte « nécessite une intervention de notre part ».

Si ce fonctionnement peut surprendre, commercialement, il s’explique. Les banques sont les premières vendeuses d’assurance-vie. En effet, c’est souvent le conseiller qui est à l’origine de la souscription… celui-ci proposant à ses clients ayant un petit pécule d’ouvrir un contrat. De fait, au moment de la souscription, l’épargnant a nécessairement déjà un compte dans la banque.

Cette obligation pouvant être perçue comme une contrainte, les banques exonèrent en principe leurs clients de frais de gestion. « Par défaut, des frais de tenue de compte de 2 euros par mois sont facturés. Mais étant donné que c'est l'assurance-vie qui rend nécessaire la détention d'un compte courant, il est d'usage que nous n'appliquions pas de frais de tenue de compte dans ce type de situation », détaille ainsi notre source salariée du Crédit du Nord. Néanmoins, « cela nécessite une intervention de notre part pour demander une extourne définitive. Si on ne le fait pas, les 2 euros seront débités », nuance-t-elle. « Dans ce cas, même si le client n'a pas toujours ce réflexe, il doit nous rappeler que le compte courant a été ouvert pour gérer une assurance-vie et nous demander une prise en compte à titre commercial ».

Se passer d’assurance-vie bancaire : est-ce si grave ?

Par conséquent, si un client souhaite quitter sa banque, mais conserver son assurance-vie, il pourra a priori négocier l’absence de frais de tenue de compte. Ce changement de domiciliation bancaire peut aussi être l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé de conserver cette assurance-vie.

D’un point de vue financier, ces contrats sont en effet loin d’être les plus intéressants du marché. En cause : la faiblesse des rendements. D’après l’ACPR, les fonds euros des contrats bancaires ont ainsi rapporté 1,67% en 2017, contre 2,33% pour ceux des contrats de mutuelles et 2,66% pour les instituts de prévoyance. Autre argument qui plaide en défaveur des assurances-vie des banques : l’importance des frais prélevés. Par exemple, ces contrats intègrent systématiquement des frais de versement qui atteignent parfois le plafond légal de 5%. Ces frais pouvant rogner significativement la rentabilité du contrat.

De fait, si le client n'a pas besoin de récupérer tout de suite ses fonds, il peut conserver son assurance-vie, sans effectuer de nouveaux versements pour limiter les frais, en attendant sa maturité fiscale. Si celle-ci est encore loin et les gains non significatifs, il peut aussi fermer son contrat pour en ouvrir un nouveau, plus rémunérateur et moins coûteux.