Le principe de base de l’impôt à la source se veut simple : un taux et un prélèvement sur tous les revenus. Mais la réforme du mode de perception de l’impôt sur le revenu entraîne aussi de multiples complications.

Jusqu’à cette année, l’impôt sur le revenu impliquait un décalage d’un an : déclaration au printemps 2018 des revenus 2017, paiement de l’impôt en une ou plusieurs fois courant 2018. A partir de janvier 2019, l’impôt devient « contemporain » : vous payerez chaque mois l’impôt dû pour les revenus de ce même mois. Voilà pour le principe général, en théorie plus simple.

Mais la complexité du système fiscal empêche de se limiter à ce seul principe. Ainsi la majeure partie de l’impôt sera payée « à la source », mais le décalage d’un an demeure : pour les revenus 2019, vous ne vous acquitterez définitivement de l’impôt qu’à l’été 2020 lors du règlement annuel du solde de l’impôt. Le législateur a prévu de nombreuses mesures pour éviter que des contribuables soient perdants avec le passage au prélèvement à la source, notamment en ce qui concerne les crédits et réductions d'impôt. Mais cela crée indirectement des incohérences, incompréhensions et autres complications.

Acompte de 60% : certains devront rembourser le fisc

Début septembre, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé qu'une avance sera versée aux contribuables en janvier prochain pour une liste élargie de crédits et réductions d’impôt, y compris les avantages liés à l’investissement locatif, les dons aux associations, les frais d’Ehpad, etc. En clair : si vous avez profité d’une réduction d’impôt en 2018, le fisc va vous verser une avance équivalente à 60% de cette réduction dès la mi-janvier 2019.

Lire : Qui va toucher une avance sur les crédits et réductions d'impôt ?

Cette avance sera donc versée à tous ceux qui bénéficient de la réduction en 2018, sans que le fisc ne sache s’ils en profiteront encore en 2019. Chiffres à l’appui, dans les évaluations préalables au budget 2019, Bercy insiste sur la récurrence de ces crédits et réductions. Exemple pour le dispositif Pinel : « 88% des foyers qui bénéficiaient de cet avantage en 2015 en bénéficiaient également en 2014 et 2013 ». Pour l’avantage lié aux cotisations syndicales, cette récurrence baisse à 69%, puis à 61% pour les dons aux œuvres, et 55% pour la réduction Ehpad.

Conclusion : certains contribuables vont profiter d’une avance du fisc en janvier… puis devront la rembourser l’été venu, au moment du règlement du solde.

Une poignée de non imposables avec un taux de prélèvement

Les services de Bercy répètent un slogan avec insistance : « Si je suis non imposable, je serai prélevé en 2019 ? Non ! » Un slogan qui correspond effectivement à une réalité. Sauf dans un cas bien précis, lorsque vous êtes non imposable grâce au jeu des réductions et crédits d’impôt. Ces avantages fiscaux n’étant pas compris dans le calcul du taux, certains ménages se voient appliquer un taux de prélèvement même s’ils sont non imposables : ils profiteront de l’acompte de 60% et d’une restitution au moment du solde pour compenser.

Pourtant, la Direction générale des finances publiques (Dgfip) a prévu un dispositif pour ce cas spécifique : le taux est automatiquement de 0% si le revenu fiscal de référence (RFR) par part est inférieur à 25 000 euros, et si vous êtes non imposable « au titre des deux dernières années connues ». Il subsiste tout de même quelques perdants : par exemple un ménages aux revenus « moyens », imposable en 2017 mais non imposable en 2018 grâce aux crédits d'impôt...

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Les ratés de la mise en place : de mauvais choix de taux

Spots publicitaires, emails aux foyers fiscaux, messages à la fin de la déclaration, messagerie en ligne, numéro téléphone dédié… Bercy a déployé d’importants moyens pour faire œuvre de pédagogie sur le taux de prélèvement. Il n’empêche. Les informations contradictoires sur les taux, avec des appellations changeantes au fil des mois dans les communications gouvernementales, ont pu embrouiller les contribuables.

Un exemple : faute d’accompagnement, une lectrice retraitée a choisi « ne pas transmettre [son] taux de prélèvement personnalisé » dans son espace en ligne. Un choix inutile puisque ses seules sources de revenus sont les caisses de retraite : aucune nécessité de confidentialité vis-à-vis d’un employeur dans son cas. Conséquence : cette retraitée s’apprêtait à payer bien plus que ce qu’elle ne doit chaque mois au fisc, la restitution n’intervenant alors qu’un an plus tard ! Heureusement pour elle, l’administration fiscale a repéré l’incompréhension et l’a contacté courant octobre pour l’inciter à revenir au taux personnalisé, plus adapté à sa situation. Un exemple illustrant les ratés d’une communication pourtant souhaitée simple et pédagogique.

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Décès en 2018 : pas d’impôt à régler pour les héritiers

Le passage au prélèvement à la source a une incidence : les revenus « non exceptionnels » de l’année 2018 seront effacés grâce à un mécanisme appelé CIMR. Or, jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’une personne décède, ses ayants droit règlent l’impôt dû par le défunt pour sa dernière année. En l’occurrence, comme l’ont confirmé les services de Bercy à CheckNews, les héritiers des « défunts 2018 » ne seront pas imposés en 2019 (sauf revenus exceptionnels), ce qui représenterait un manque à gagner d'un milliard d’euros pour l’Etat. Hormis cette situation étonnante, le prélèvement à la source évitera à l’avenir les mauvaises surprises fiscales pour les héritiers : « Les contribuables seront à jour de leurs dettes fiscales de l’impôt sur le revenu au moment de leur décès », résume la Dgfip auprès de CheckNews.

Défiscalisation : des logiques chamboulées en 2018

Cette année blanche chamboule totalement toutes les logiques habituelles de défiscalisation. Ainsi, avec le dispositif anti-optimisation des dispositifs d’épargne retraite, les contribuables versant sur les Perp ou contrats Madelin vont soit perdre leur déduction 2018, soit être encouragés à éviter tout versement en 2018 et 2019 !

En revanche, les habituels produits offrant une réduction d’impôt, comme les FIP ou FCPI par exemple, deviennent encore plus intéressants : dans le cas de ménages faiblement imposés, ces réductions peuvent même se transformer exceptionnellement en crédit d’impôt grâce au CIMR, mécanisme de transition spécifique aux revenus 2018.

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Immobilier locatif : la complexe gestion de l’année blanche

A l’image du Perp et des contrats Madelin, le législateur a prévu un mécanisme anti-optimisation pour les déficits fonciers, qui concerne donc les propriétaires de biens immobiliers locatifs. Objectif : éviter une double déduction fiscale, en 2019, pour des travaux réalisés en 2018 et 2019. Cependant, plusieurs cabinets de conseil fiscal mettent en avant la possibilité de profiter de ce système avec un « effet de levier fiscal de l’investissement à 150% de son montant », via une complexe stratégie impliquant d’imposants travaux en 2018. Les contribuables concernés sont ainsi invités à concentrer leurs travaux en 2018, ou à les reporter à 2020. La volonté du législateur était au contraire d’éviter de perturber le rythme habituel des travaux !

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2018, une bonne année pour les revenus exceptionnels

Les revenus 2018 se séparent en deux catégories : les revenus habituels, non imposés, et les revenus exceptionnels, imposés. Bercy voulait ainsi éviter tout optimisation de la part de contribuables pouvant jouer sur des revenus tels que les prestations de retraite perçues en capital, certains revenus de placement, les indemnités de clientèle…

Etonnamment, le complexe mécanisme du CIMR prévoit une taxation des revenus exceptionnels au taux d’imposition moyen et non au taux marginal d’imposition. Plus concrètement ? Pour un contribuable percevant 30 000 euros de revenus habituels, 5 000 euros de revenus exceptionnels lui « coûtent » 1 336 euros d’impôt supplémentaires en temps normal, et seulement 535 euros en 2018 par le jeu de ce mécanisme, pourtant censé décourager les optimisations...

Pour plus de détails : Revenus exceptionnels de 2018 : une imposition avantageuse pour les contribuables