Après une semaine d'épineux débats procéduraux, le procès du géant suisse de la gestion de fortune UBS, poursuivi pour avoir illégalement démarché de riches clients français, entre lundi dans le vif du sujet au tribunal correctionnel de Paris.

C'est le premier procès en France pour une fraude d'une telle ampleur : plus de dix milliards d'euros estimés d'avoirs non déclarés, des banquiers suisses soupçonnés de braconner une riche clientèle française repérée lors de réceptions, de parties de chasse ou de rencontres sportives. Après avoir rejeté la semaine dernière des questions prioritaires de constitutionnalité posées par la défense, le tribunal « a décidé de joindre l'ensemble des exceptions soulevées au fond », a déclaré la présidente Christine Mée. C'est-à-dire que toutes les questions portant sur la régularité de l'ordonnance de renvoi des prévenus devant le tribunal seront tranchées à la fin du procès.

C'est un rude combat qui débute devant le tribunal où vont donc comparaître, jusqu'au 15 novembre, la maison mère UBS AG pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale », et sa filiale française pour « complicité » des mêmes délits entre 2004 et 2012. Six hauts responsables de la banque en France et en Suisse, dont Raoul Weil, ex-numéro trois d'UBS AG, et Patrick de Fayet, l'ex-numéro 2 d'UBS France, sont sur le banc des prévenus, aux côtés des deux sociétés. L'enjeu est énorme pour la plus grande banque privée suisse, qui encourt une amende pouvant se monter jusqu'à la moitié des sommes blanchies, soit 5 milliards d'euros selon les calculs des juges d'instruction.

Une double comptabilité ?

Ces dernières années, UBS AG a par deux fois payé des amendes, notamment en 2009 en versant 780 millions d'euros aux États-Unis où elle avait permis à de riches clients d'échapper au fisc. En dépit de discussions amorcées avec le parquet national financier, elle n'est pas parvenue à un accord négocié en France. « Aux États-Unis, il y avait une violation de nos règles. En France, on n'a commis aucune faute », a expliqué à la presse Markus Diethelm, directeur juridique chez UBS AG, venu assister au procès de Paris.

La banque, qui a tout fait pour échapper aux poursuites, se félicite désormais de pouvoir « se défendre ». Ses avocats s'étonnent d'être accusés de démarchage illicite dans un dossier où « aucun chargé d'affaires et aucun client n'est identifié ». Ils contestent tout, y compris le montant estimé des revenus éludés. L'accusation va elle tâcher de démontrer que la banque suisse a non seulement démarché en France sans licence, mais qu'elle a mis en place une double comptabilité.