Poursuites « contraires à la constitution », « violation du principe d'égalité » : la défense du géant suisse UBS s'est lancée lundi, au premier jour du procès de la banque pour un vaste système de fraude fiscale, dans un combat juridique ardu.

Jusqu'à la veille du procès, prévu trois demi-journées par semaine jusqu'au 15 novembre, la banque suisse a tenté de s'opposer aux poursuites et à la tenue de l'audience. L'enjeu est immense pour UBS, qui encourt une amende pouvant se monter jusqu'à la moitié des dix milliards d'euros d'avoirs non déclarés estimés par les juges d'instruction. La maison-mère UBS AG comparaît pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale », sa filiale française pour « complicité » des mêmes délits. Sont également jugés six hauts responsables de la banque en France et en Suisse.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Après le rejet d'une demande de renvoi du procès déposée par un ancien banquier français qui estimait prescrite son implication dans certains faits mineurs, les avocats de la banque ont ouvert les hostilités. Ils se sont succédé à la barre pour poser des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), estimant que les poursuites engagées violaient la Loi fondamentale.

Rappelant que la primeur des poursuites pour fraude fiscale relevait de l'administration du fait du fameux « verrou de Bercy », Eric Dezeuze, l'avocat d'UBS France, a dénoncé une « violation du principe d'égalité » des citoyens devant la loi. Car, a-t-il estimé, « la loi pénale ne saurait instaurer une différence de traitement pour une même infraction ».

« Atteinte à la séparation des pouvoirs »

Jean Veil, l'un des avocats d'UBS AG, a concentré son feu sur l'Etat français, voyant dans les poursuites pénales d'une infraction fiscale une « atteinte à la séparation des pouvoirs ». Plein d'une colère rentrée, il a demandé « ce qu'a(vait) fait la Direction générale des impôts toutes ces années pour lutter contre la fraude », s'indignant que l'Etat vienne aujourd'hui « demander 1,6 milliard à la banque alors que l'administration fiscale n'a pas jugé bon d'engager des poursuites dans cette affaire ».

« Je demande la protection du parquet et du tribunal parce que je ne voudrais pas qu'en mesure de rétorsion, l'administration m'inflige un redressement fiscal », a-t-il ironisé. Sur le banc des parties civiles, l'avocat de l'Etat, Xavier Normand-Bodard, a secoué la tête, l'air affligé : « Tout ce qui excessif est insignifiant », a-t-il soufflé. « Ce n'est pas en taxant l'Etat français d'opportuniste qu'on réussira à échapper à la justice ». L'audience a été suspendue jusqu'à jeudi, pour la poursuite de l'examen de questions de procédure.