Indemniser les clients en cas de faillite de leur banque, telle est l'une des missions du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FDGR). Dans cette optique, ses ressources devront atteindre au moins 0,5% des dépôts bancaires à l'horizon 2024. Est-ce suffisant pour faire face à la faillite d'un établissement de crédit ? Les explications de Thierry Dissaux, président du directoire du Fonds.

Pouvez-vous présenter en quelques mots le Fonds de garantie des dépôts et de résolution ?

Thierry Dissaux : « Le FDGR a été créé en 1999 par la loi sur l’épargne et la sécurité financière. C’est un organisme doté d’une mission d’intérêt général et qui gère trois mécanismes de garantie : la garantie des dépôts, la garantie des cautions et la garantie des investisseurs. La plus connue du grand public est la garantie des dépôts qui couvre l’ensemble des dépôts d’un client, à hauteur de 100 000 euros par établissement de crédit. Tous les établissements de crédit agréés de la Place, toutes les banques, y adhèrent obligatoirement. Elles siègent à son conseil de surveillance, en présence également d’un représentant de la direction du Trésor en tant que censeur. Nous sommes un organisme chargé d’une mission d’intérêt général, doté d’une gouvernance bancaire, privée, et travaillant étroitement avec les pouvoirs publics, que ce soit le ministère des Finances ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution [ACPR, superviseur chargé de contrôler l’activité des banques et des assurances en France, ndlr]. »

Quelles sont vos prérogatives ?

T.D. : « Le FGDR intervient de deux manières. De façon préventive, l’ACPR peut nous demander d’intervenir auprès d’un établissement en difficulté, en ouvrant une ligne de crédit, en rachetant un portefeuille, ou encore en recapitalisant l’établissement, l’idée étant de sauvegarder les intérêts de la clientèle et de mener le reste de l’établissement à une liquidation ordonnée. Et, en cas de faillite avérée de l’établissement, nous intervenons pour indemniser ses clients en moins de 7 jours ouvrables. »

Quels sont les dépôts bancaires garantis ?

« Le FGDR peut intervenir de manière préventive et en cas de faillite avérée d'une banque. »

T.D. : « Les dépôts sont divisés en deux catégories faisant l’objet de deux couvertures distinctes. Les livrets d’épargne réglementée - à savoir le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le Livret d’épargne populaire (LEP) - bénéficient d’une garantie de l’Etat couvrant l’ensemble de ces dépôts. Sur ces livrets, nous ne sommes que l’opérateur de l’indemnisation, les fonds proviennent de l’Etat. S’agissant des autres dépôts (compte courant, livret d’épargne, Livret Jeune, PEL, CEL, la partie espèces d’un PEA…), le FGDR les garantit à hauteur de 100 000 euros (1). Ces 100 000 euros valent par établissement et par déposant. Cela signifie que si vous avez des comptes dans une banque A qui fait défaut, vous êtes indemnisé dans la limite de 100 000 euros, et si la banque B où vous avez également des comptes fait elle aussi défaut, là encore, vos avoirs dans cet établissement sont couverts à hauteur de 100 000 euros. En cas de compte joint, les avoirs sont partagés entre les cotitulaires et ajoutés à leurs comptes personnels, chacun bénéficiant individuellement d’une garantie jusqu’à 100 000 euros. »

Quid des dépôts dans les établissements de paiement comme Nickel ?

T.D. : « Les clients des établissements de paiement ne pensent pas toujours à s'interroger sur le statut et les modes de couverture de ces nouveaux acteurs. Ils ont l'impression d'utiliser des services de nature bancaire, mais derrière, ce ne sont pas nécessairement des établissements de crédit qui sont aux commandes. La garantie des dépôts couvre les seules faillites d’établissements de crédit. Sans agrément d'établissement de crédit délivré par l’ACPR, les dépôts ne sont pas couverts. Il existe d'autres mécanismes de protection des établissements de paiement, comme par exemple le compte de cantonnement propre aux actifs de leur clientèle et ouvert auprès d’une banque. »

Plus de détails : Néobanques : la garantie des dépôts ne couvre pas la faillite des comptes de paiement

Indemnisez-vous aussi les avoirs des professionnels ?

T.D. : « La garantie des dépôts couvre tous les clients des établissements. C’est-à-dire tous les particuliers, majeurs comme mineurs, et toutes les entreprises. Seules exceptions notables : les institutions financières et les autorités publiques. Une banque ou une entreprise d’investissement, en effet, sont considérées comme professionnels de la finance, en capacité de gérer leur risque. »

En pratique, comment se passe le versement des fonds ?

« La seule chose que les déposants ont à faire est de s’assurer qu’ils disposent d’un autre compte bancaire. »

T.D. : « Les textes mis en place ces dernières années dans le cadre de l’Union Bancaire ont renforcé la protection des déposants. Le délai d’indemnisation est ainsi passé de 3 mois à 20 jours et maintenant à 7 jours ouvrables. Pour tenir ce délai, nous avons mis en place un processus de remontée et de traitement de l’information collectée auprès de chacun de nos établissements bancaires adhérents. Au plus tard dans les 7 jours suivant le défaut d’une banque, nous ouvrons sur notre site web un espace sécurisé d’indemnisation. Les clients sont invités à s’y connecter, s’authentifier et saisir le numéro d’un nouveau compte pour recevoir leur indemnisation. La seule chose que les déposants ont à faire est de s’assurer qu’ils disposent d’un autre compte bancaire pour toucher leur indemnisation. »

Comment sont calculées les contributions des banques au Fonds de garantie des dépôts ?

T.D. : « L’indicateur essentiel est la masse de dépôts que le FGDR doit couvrir si un défaut survenait. Ce faisant, plus la masse de dépôts d’une banque est importante, plus sa contribution est élevée. De plus, si un établissement bancaire apparait plus risqué qu’un autre – l’ACPR le mesure avec une série d’indicateurs dédiés – sa prime de risque en est accrue. A l’inverse, une banque adoptant une gestion saine de ses facteurs de risques bénéficie d’une décote. »

Les banques dénoncent-elles l'opacité du système, comme cela a été récemment le cas au niveau européen dans le cadre du Fonds de résolution unique ?

T.D. : « Nous levons les contributions. Nous ne les calculons pas. En cas de plaintes éventuelles, celles-ci sont adressées à l’ACPR. Les critères sont encadrés par l’Autorité bancaire européenne et les calculs opérés par l’ACPR sur la base des données prudentielles des banques. Les contributions n’ont donc bien sûr rien d’arbitraire. »

A l’horizon 2024, le fonds de garantie devra couvrir 0,5% de l’ensemble des dépôts bancaires, soit 5,5 milliards d’euros. Où en êtes-vous dans cette collecte ?

T.D. : « Au 31 décembre 2017, le FGDR dispose de 3,9 milliards d’euros. Nous allons lever 400 millions supplémentaires d’ici quelques semaines pour l’année 2018. Par ailleurs, nous avons négocié début 2018, auprès d’un groupe de banques, une ligne de crédit de 1,4 milliard d’euros qui s’ajoute à nos ressources disponibles. En termes de capacité d’intervention, nous atteignons donc dès à présent l’objectif cible de couverture des dépôts à l’horizon 2024. »

5,5 milliards d’euros : nous sommes plus proches des dépôts clients des banques en ligne que d’une banque traditionnelle…

« Activer le fonds de garantie pour les déposants d’un établissement de crédit systémique n’aurait pas de sens. »

T.D. : « Non, ce n’est pas le cas. La masse de nos ressources est supérieure à l’estimation des indemnisations qui pourraient être à réaliser, qu’il s’agisse d’une banque en ligne ou d’une banque traditionnelle. Par ailleurs, en cas de risque de défaillance d’un établissement de premier plan, le Mécanisme européen de résolution unique, via le Fonds de résolution unique – qui sera doté de 55 milliards d’euros d’ici 2023, soit 1% des dépôts des établissements de crédit – agirait en premier lieu. Il n’est pas question d’activer le Fonds de garantie pour les déposants d’un établissement de crédit systémique. Cela n’aurait pas de sens. »

Régulièrement mis sur le devant de la scène, la mise en place d’un fonds commun européen de garantie des dépôts achoppe pour le moment. Quelle est votre position ?

T.D. : « La question sous-jacente - est-il est souhaitable de mettre en place un système de solidarité entre les fonds de garantie des dépôts européens ? - est de nature politique. Nous n’avons donc pas vocation à nous prononcer sur cette question. En revanche, si un tel mécanisme devait entrer en vigueur, il y aurait différentes manières de le mettre en place. Et, là-dessus, nous pouvons offrir des recommandations. Nous menons d’ailleurs une réflexion conjointe avec les autres fonds de garantie des dépôts européens au travers de notre association, l’EFDI [European Forum of Deposit Insurers, ndlr]. Nous sommes ainsi en train de finaliser un document d’analyse du projet EDIS sous l’angle de la faisabilité technique. A titre d’exemple, nous insisterons sur le fait que, si l’option du transfert au niveau européen de toutes les ressources des fonds nationaux devait être retenue, alors chaque fonds national devrait aussi disposer d’un droit d’accès inconditionnel à ces liquidités, de manière à pouvoir mener à bien sa mission d’indemnisation dans le délai de 7 jours ouvrables. »

(1) Le plafond d’indemnisation est augmenté de 500 000 euros supplémentaires par événement en cas de circonstances exceptionnelles comme la vente d’un bien immobilier, le versement d’un héritage, d’indemnités de licenciement...