« La pierre, valeur refuge » ou « l’immobilier reste une valeur sûre ». Ce lieu commun est le fil rouge de très nombreux Français dans la gestion de leur patrimoine. A raison ?

L’immobilier rassure. « Investir dans la pierre » sera toujours psychologiquement vu comme un placement « sûr » et rentable à terme. Le prototype du placement en « bon père de famille », selon l’ancienne expression consacrée. Ce principe rassurant vaut surtout pour l’immobilier locatif, mais, indirectement, il s’applique aussi à deux autres familles d’investissement immobilier : la « pierre papier », et la résidence principale, l’acquisition de ses propres murs étant un investissement en soi.

D’où vient cette réputation de « valeur refuge » ? Au-delà de l’idée que les murs ne s’écrouleront pas, même en cas de crise mondiale, cette réputation vient de l’idée que le ratio rendement-risque sera toujours plus avantageux que pour un placement financier.

Est-ce réellement le placement le plus rentable à long terme ?

Cette réputation de « valeur sûre » est-elle justifiée ? Sur l’aspect rentabilité, difficile de livrer une conclusion définitive, tant l’analyse des études sur les placements diverge selon le commanditaire. De fait, les études comparatives entre les familles de placement ne portent que sur les performances passées, et ne présagent donc pas du futur. Ces études montrent tout de même la régularité des différentes familles de placement, malgré les crises.

L’IEIF (Institut de l’épargne immobilière et foncière) publie ainsi chaque année une étude comparative, sur des durées de 10, 20, 30 voire 40 ans, en s’appuyant sur le taux de rentabilité interne (TRI), indice intégrant les prix d’entrée et de sortie. Résultat : avantage aux sociétés foncières cotées, l’une des familles de la « pierre papier », sur une durée d’investissement de 5 ans (2012-2017), 20 ans (1997) et 40 ans (1977). Les actions affichent toutefois elles aussi un TRI moyen de plus de 10% par an sur la période 2012-2017 et sur le très long terme (30 et 40 ans). Par ailleurs, selon la période choisie, l’or, les SCPI ou l’investissement immobilier en direct reviennent dans le jeu des placements les plus rentables.

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Autre étude, autre conclusion : fin 2013, l’Autorité des marchés financiers (AMF) démontrait qu’un investissement réalisé en janvier 1998 aurait été multiplié par 5 en 25 ans avec réinvestissement des dividendes ! Contre une multiplication par 2,5 pour l’immobilier en direct sur la même période, et par 2 pour l’or. Dans une étude plus récente, en août 2017, l’AMF a estimé à 5,3% le rendement annuel moyen d’actions conservées plus de 20 ans, et investies sur la décennie 1988-1997.

« Sur le long terme, les actions me semblent difficiles à battre »

Impossible de décerner à une famille de placement la palme de l’investissement le plus rentable de façon irréfutable ! « En matière de performance sur le long terme, les actions me semblent difficiles à battre, à condition bien entendu de réinvestir les dividendes », juge toutefois Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. « Pour l’immobilier, tout dépend où l’on achète : il est bien plus délicat de donner une performance moyenne qui reflète des situations concrètes. »

Est-ce réellement un placement peu risqué ?

L’économiste Philippe Crevel poursuit sa remise en cause de la valeur refuge en nuançant l’idée d’un placement sans risque : « Il y a 20 ans, les prix de l’immobilier à Paris ont quasiment été divisés par deux, car les taux d’intérêt ont grimpé en flèche avant le passage à l’euro ! », rappelle-t-il. « L’immobilier est une tradition ancrée. Mais l’impression de valeur sûre est biaisée par l’évolution récente des prix : elle donne l’idée que la plus-value est forte mais aujourd’hui les perspectives sont incertaines. »

Pour poursuivre la comparaison avec les actions, critiquée pour leur volatilité, l’AMF affirme dans une étude de juillet 2017 que « depuis 1950, plus la durée du placement a été longue et moins souvent les placements en actions françaises ont été perdants ». A en croire cette étude, depuis plus d’un demi-siècle, investir sur 20 ans en actions a abouti à des performances moyennes comprises « entre -2% et +15% par an ».

« L’emplacement, l’emplacement, l’emplacement »

Malgré les démonstrations de l'AMF, lorsque l’on pose la question à un conseiller en gestion de patrimoine (CGP), l’immobilier conserve tout son lustre : « Ce n’est jamais totalement sûr, mais c’est ce qu’il y a de plus sûr », sourit Thierry Claeys, CGP du cabinet TCP Patrimoine à Rennes, en comparant avec d’autres produits financiers jugés volatils. Il poursuit avec un autre principe permettant d’éviter les pertes : « Tant que l’on n'a pas vendu, on n’a pas perdu ! En cas d’évolution défavorable des prix, s’il en a la possibilité, un propriétaire pourra attendre le bon moment pour valoriser son bien. » D’autant que l’attente de la plus-value éventuelle à la revente peut toujours être compensée par les revenus réguliers, les loyers.

Le risque doit toutefois être limité dès l’acte d’achat, en respectant la règle intangible de tout investissement immobilier, répétée en boucle par tous les conseillers patrimoniaux : « l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement ». Un logement mal situé ayant à la fois peu de potentiel à la location et à la revente.

Pas un « simple placement »

L’investissement en immobilier locatif implique toutefois de nombreuses contraintes : gestion des locataires et donc frais de gestion locative, taxe foncière, etc. Si vous souhaitez calculer la rentabilité annuelle (1) de votre investissement, ces charges doivent être prises en compte !

Il n’empêche. En comptant résidences principales, résidences secondaires et biens locatifs, l’immobilier représente selon l’Insee plus de deux tiers du patrimoine des ménages. Toujours selon l’Insee, près de 60% des foyers français sont propriétaires de leur résidence principale, et 18% possèdent un autre logement utilisé comme résidence secondaire ou pour des besoins locatifs. Car, valeur sûre ou non, l’immobilier a l’avantage de la souplesse : une résidence principale peut devenir un bien locatif au fil des évolutions familiales, et vice-versa.

(1) Pour calculer la rentabilité brute annuelle, il faut calculer le rapport entre le loyer annuel et le prix d’achat du logement. Pour obtenir un rendement net, il faut en premier lieu soustraire les charges (et éventuellement additionner l’avantage fiscal) du loyer annuel avant de calculer ce rapport.