La lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale des entreprises a progressé ces dernières années en France mais doit encore être améliorée, en renforçant les outils anti-abus et la transparence, estime un rapport parlementaire publié mercredi.

En matière de lutte contre l'évasion fiscale, « la France dispose d'un arsenal robuste qui a fait ses preuves », souligne ce rapport, rédigé par la députée LREM Bénédicte Peyrol. Néanmoins, « il reste beaucoup à faire, au niveau national, mais aussi et surtout au-delà », ajoute le document. Le rapport, qui s'intéresse particulièrement à la « zone grise » située entre légalité et infraction pénale, dont profitent certaines entreprises, formule une quarantaine de propositions, inscrites dans une « feuille de route » sur 2 ans, qui prend en compte les textes législatifs à venir.

Première d'entre elles : la mise en place d'ici le début de l'année 2019 d'un groupe de travail mêlant économistes, parlementaires et membres de l'administration fiscale pour mettre au point une méthode d'évaluation de la fraude et de l'évasion fiscales « faisant consensus ». « De nombreux chiffres reposant sur différentes études sont avancés », a rappelé Bénédicte Peyrol lors d'une conférence de presse. Or « pour lutter efficacement » contre l'évasion fiscale, « il faut qu'on ait une bonne évaluation » du phénomène, a-t-elle souligné.

Permettre l'accès au « registre des trusts »

Autre mesure préconisée : permettre l'accès au « registre des trusts », mis en place par la loi Sapin 2, à « toute personne justifiant d'un intérêt légitime et autorisée en ce sens par un juge », notamment les journalistes et les ONG. Ce registre, créé en 2016 pour permettre de connaître les bénéficiaires effectifs de ces structures offshore, devait à l'origine être accessible au grand public. Mais le Conseil constitutionnel a retoqué cette disposition, au nom du respect de la vie privée.

Cette proposition constitue « un premier pas à l'heure où ce dossier est en train de s'enliser au niveau européen », s'est félicitée dans un communiqué l'ONG Oxfam, pour qui le rapport comprend « de nombreuses propositions » qui « permettraient de faire passer la lutte contre l'évasion fiscale à la vitesse supérieure ». « Mais il est impératif que chaque citoyen, salarié, actionnaire puisse avoir directement accès à ce type d'information », insiste l'ONG.

Poursuivre les discussions avec les géants du numérique

Sur le plan juridique, et au-delà de ce critère de transparence, le rapport propose d'assouplir l'abus de droit, qui permet de sanctionner les montages financiers ayant pour but d'échapper à l'impôt, pour l'appliquer aux opérations à motivation « principalement fiscale » et non plus « exclusivement fiscale ». Il appelle par ailleurs, concernant les géants du numérique, à poursuivre les discussions en cours à Bruxelles sur la taxe à 3% proposée par la France, tout en limitant à deux ans la durée de ce dispositif, pensé comme provisoire.

Ce projet, soutenu par la commission européenne, prévoit la mise en place d'une taxe sur le chiffre d'affaires des géants du net le temps qu'une solution soit négociée à l'échelle mondiale. Il suscite de vives réticences en Irlande mais aussi en Allemagne. « A défaut d'aboutissement dans le délai indiqué, la France se doit d'agir », souligne le document, qui avance notamment la piste d'une « nouvelle taxe anti-abus permettant de mieux appréhender les bénéfices détournés ».