Avant d'obtenir un crédit immobilier ou de louer un nouveau logement, votre interlocuteur – banquier, courtier ou agent immobilier – vous demande vos dernières fiches de paie. Avec la mise en place du prélèvement à la source, la somme effectivement versée par votre employeur sera plus faible qu’actuellement. Cela risque-t-il de diminuer vos chances de trouver un logement ?

Après quelques jours de flottement, l’impôt prélevé à la source, c’est-à-dire directement puisé sur votre salaire, entrera bel et bien en vigueur au 1er janvier prochain. Résultat : à partir de 2019, vous payerez vos impôts au fil de l'eau et non plus avec un an de décalage comme c’est le cas actuellement. Il s’agit a priori d’une bonne nouvelle, dans la mesure où une éventuelle baisse de vos revenus se répercutera de suite sur votre niveau d’imposition.

Néanmoins, la réforme ne fait pas l’unanimité. Certains observateurs craignent un effet psychologique négatif : « Même si 60 % des Français qui paient l’impôt sur le revenu sont mensualisés, certains pourraient avoir le sentiment de débuter le mois avec un salaire inférieur […] en particulier ceux qui payaient leurs impôts au tiers, souvent avec une épargne de précaution », a récemment expliqué Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, par communiqué. D’autres évoquent un risque sur la trésorerie des ménages… Le règlement de l’impôt devenant de fait prioritaire par rapport aux autres dépenses. Des craintes mises en exergue par les intermédiaires immobiliers qui s’interrogent sur les conséquences de la réforme sur le budget logement des ménages (location et achat immobilier).

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Une réforme sans impact sur la capacité d’endettement

Pour l’obtention d’un crédit immobilier, les courtiers comme les banques se veulent rassurants. Non, le prélèvement à la source ne va pas diminuer votre capacité d’emprunt, nous a assuré Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail et banque à distance de la Fédération bancaire française. « La mise en place du prélèvement à la source constitue une simple évolution du mode de paiement de l'impôt. Il ne modifie en rien votre capacité de remboursement et d'endettement ». Quelle que soit la méthode de règlement de l’impôt, aujourd’hui la mensualisation sur 10 mois ou le paiement au tiers et demain le paiement à la source, le montant effectivement payé ne changera pas.

Concernant les modalités d’évaluation d’une demande de financement, là encore la réforme du paiement de l’impôt n’aura pas d’effet. Actuellement, l’absence du taux d’imposition sur votre fiche de paie n’empêche pas les banques de tenir compte de votre niveau d’imposition. « Aujourd'hui, avant de vous accorder un crédit immobilier, les banques regardent vos charges et vos ressources. S'agissant des ressources, elles prennent en compte vos revenus avant le prélèvement de l'impôt. Les banques continueront à avoir accès à cette information sur vos bulletins de salaire, ainsi qu'à l'ensemble de vos ressources et à l’impôt payé, grâce à votre avis d'imposition », explique le porte-parole de la FBF.

La méthodologie actuelle des banques toujours adaptée

Après la mise en place du prélèvement à la source, votre fiche de paie mentionnera en effet toujours votre salaire net de charges mais avant le paiement de l’impôt, c’est-à-dire la somme que votre employeur vous vire actuellement. Le montant effectivement versé sur votre compte, après le prélèvement par l’entreprise de la quote-part dédiée à l’impôt, sera indiquée distinctement.

Les banques ayant toujours accès à vos revenus avant le prélèvement à la source, leurs méthodes d’évaluation resteront, de fait, adaptées. Un discours également porté par le courtier Vousfinancer qui écrit dans un récent communiqué : « D’après les partenaires bancaires que nous avons interrogés, la mise en place du prélèvement à la source ne devrait pas modifier les calculs d’endettement et de capacité d’emprunt. Les banques devraient donc prendre en compte le ''net à payer avant impôt sur le revenu'' qui restera inscrit sur les fiches de paie ».

La liste des pièces justificatives ne va pas non plus évoluer. « Les banques continueront à vous demander vos fiches de paie et votre avis d'imposition pour avoir une vision globale de vos revenus et de votre imposition », poursuit Pierre Bocquet. Ces dernières tenant compte de vos revenus professionnels mais aussi de l’ensemble de votre patrimoine : financiers, immobiliers…

Sensibiliser les bailleurs à la « nouvelle lecture » des bulletins de salaire

Si les futurs acheteurs ne devraient pas avoir de mauvaises surprises, qu’en est-il des locataires ? Les agences de location vont-elles imposer un niveau de revenus plus élevé pour que la règle du salaire trois fois supérieur au loyer soit toujours valable ?

Selon la présidente du réseau ORPI, la baisse du salaire net versé n’aura « aucun » impact sur le dossier de location. « L’urgence aujourd’hui est de rassurer les particuliers contribuables sur leur pouvoir de location qui reste inchangé. » assure ainsi Christine Fumagalli. Le réseau immobilier entend « sensibiliser » ses clients locataires et propriétaires à la « nouvelle lecture » des fiches de paie.

Résultat, comme pour l’obtention d’un prêt immobilier, les modes d’évaluation des demandes de location resteront inchangés. « Avec l’entrée en vigueur de la réforme et dans le cas particulier de la fiche de paie, nous analyserons la ligne ''revenus nets avant imposition'' comme il est d’usage aujourd’hui et comme il le sera toujours demain », explique la présidente d’ORPI.

A court terme, le risque pourrait donc davantage venir des bailleurs indépendants, ne passant pas par une agence, si ces derniers n'adaptaient pas leur lecture du bulletin de paie.

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