Le projet de loi Pacte revient à l’Assemblée nationale, en commission spéciale, dès ce mercredi. Certaines mesures de son imposant volet épargne ont déjà été testées ou appliquées à l’étranger. Pour quel résultat ?

L’observatoire de l’épargne européenne (OEE), association présidée par l’ancien directeur général du FMI Jacques de Larosière, a cherché à analyser le volet épargne de la future loi Pacte à travers l’expérience des pays voisins.

Plus exactement, pour cette étude, l’économiste et ex-directeur de l’OEE Didier Davydoff s’est basé sur l’un des rapports préparatoires de la loi Pacte, celui centré sur le financement des entreprises, rédigé par Alice Zagury et Jean-Noël Barrot. « Les mesures retenues mais ne relevant pas du domaine de la loi seront progressivement mises en œuvre dans le cadre de chantiers dédiés », précise Didier Davydoff. « Le travail d’affinement et de mise en œuvre éventuelle des propositions du rapport Barrot-Zagury ne s’arrête donc pas avec le vote de la loi Pacte. »

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Rassembler les produits d’épargne retraite

Le rapport Barrot-Zagury s’est montré ambitieux sur l’harmonisation des produits d’épargne retraite. Le projet de loi Pacte n’a finalement pas été aussi loin. Il prévoit un Plan d’épargne retraite (PER) collectif d’une part, et un PER individuel d’autre part, même si certains points restent à éclaircir.

A l’étranger ? L’OEE détaille deux exemples. En Allemagne, le gouvernement a unifié les produits individuels de retraite au début des années 2000, et accompagne cette mesure de deux incitations : une réduction d’impôt et un abondement - plafonné - de l’Etat, à hauteur du versement effectué par l’épargnant. Les contrats Riester ont eu un franc succès, grâce à cette simplification, et surtout grâce à l’abondement de l’Etat. Didier Davydoff émet toutefois une critique : le risque que les intermédiaires financiers ne captent une trop grande partie des sommes brassées sur ces contrats fortement subventionnés.

Au Royaume-Uni, les régimes de retraite sont faibles mais il existe une « tradition de fonds de pension professionnels ». Problème : tous les salariés ne bénéficiaient pas de cette couverture, en particulier dans les PME. En 2008, une réforme a ainsi été engagée pour que « les salariés de toutes les entreprises soient par défaut automatiquement affiliés », à quelques exceptions près. Didier Davydoff invite ainsi à s’inspirer de cet exemple, en France, pour généraliser l’adhésion par défaut au Perco, plan d’épargne salariale bloqué jusqu’à la retraite, sauf refus explicite du salarié. Il invite aussi à s’inspirer du modèle britannique pour permettre aux épargnants qui le souhaitent de disposer de leur pécule en capital à l’âge de la retraite, et pas nécessairement en rente viagère. A ce stade, le projet de loi Pacte prévoit une extension des possibilités de sortie en capital.

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Permettre un transfert de l’assurance-vie vers l’épargne retraite

Encourager les Français à privilégier les « purs » plans d’épargne retraite aux contrats d’assurance-vie, qui pèsent plus de 1 700 milliards d’euros en France ? C’est l’un des objectifs de la loi Pacte. Le rapport Barrot-Zagury allait même plus loin en envisageant clairement des transferts de l’assurance-vie vers l’épargne-retraite. Problème : il faut aussi rendre ces produits d’épargne-retraite suffisamment attractifs, comme le reconnaît Didier Davydoff dans son étude.

Pour développer l’épargne-retraite, l’OEE encourage les parlementaires à s’inspirer de l’Italie, où il est possible « de transférer des droits acquis dans un cadre différent (l’indemnité de fin de carrière – Trattamento di Fine Rapporto) vers un fonds de pension ». En France, l’OEE estime qu’il serait possible d’inciter « les bénéficiaires de l’indemnité légale de retraite à investir celle-ci dans une rente viagère ou en actions dans un PEA ».

Améliorer la culture financière des jeunes français

Le rapport Barrot-Zagury « considère qu’une éducation économique et financière doit être dispensée dans les écoles pour que les élèves soient à même de se projeter dans le monde économique, comme futurs épargnants et acteurs au sein de l’entreprise », comme le rappelle Didier Davydoff, dans ce document de l’OEE.

Sur ce point, l’économiste se base sur le rapport de l’OCDE portant sur l’éducation financière. Et il dresse un constat : si la connaissance du monde de l’entreprise n’est évidemment pas centrale, elle « fait explicitement partie des programmes d’éducation financière dans plusieurs pays identifiés par l’OCDE : l’Ecosse, l’Australie, le Japon et l’Afrique du Sud ». Des résultats concrets ? Difficile à dire. Mais l’OEE s’appuie sur le rapport de l’OCDE pour esquisser des initiatives envisageables en France : l’Observatoire de l’épargne européenne appelle de ses vœux des témoignages de « conférenciers bénévoles issus du monde de l’entreprise ». Pour l’OEE, leur présence devrait être encadrée par des directives nationales, et faire l’objet d’accords-cadres avec des fédérations professionnelles, homologuées par une autorité financière (Banque de France ou AMF).

Créer un « PEA jeune »

Le rapport Barrot-Zagury encourage la création d’un « PEA jeune » afin d’habituer les Français à prendre des risques et à investir en bourse. Pour l’heure, cette idée n’a pas été retenue dans le projet de loi Pacte. L’OEE évoque le compte ISA (Individual Saving Account) britannique, « qui peut être investi librement en dépôt bancaire rémunéré ou en actions ». Des parents peuvent ouvrir un compte Junior ISA au nom de leur enfant et en assurer la gestion, les versements faisant l’objet d’un plafond annuel. Ce compte se transforme en compte ISA classique à la majorité de l’enfant.

Sans aller jusqu’à créer un PEA jeune, l’OEE estime que l’épargne des mineurs tourne trop autour de comptes sans risque : Livret Jeune, Livret A, etc. Didier Davydoff propose ainsi que « permettre aux mineurs détenteurs d’un Livret A, d’allouer librement leur épargne à un compte dépôt ou à des actions, sur le modèle des Junior ISA britanniques », ou d’ouvrir les Livrets Jeunes à l’investissement en actions.

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