Alors que le gouvernement a lancé une grande campagne de communication sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui doit être mis en œuvre en janvier prochain, l’exécutif aurait des doutes sur la réforme, complexe et coûteuse, et envisagerait encore la possibilité de la reporter. Couac ?

A cinq mois de la mise en œuvre annoncée du prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu, le 1er janvier prochain, la tension monte à Bercy… Les rentrées politiques du ministre de l’Economie Bruno Le Maire et surtout de celui des Comptes publics, Gérald Darmanin, ont ainsi été largement consacrées au sujet. Il faut dire que la réforme - la « plus grande (…) depuis la création de l'impôt sur le revenu » selon Gérald Darmanin - est à la fois politiquement risquée et techniquement complexe. Et qu’une certain fébrilité semble régner au sommet de l’Etat.

Pourtant, l’entrée en vigueur du PAS semble inéluctable. Bercy communique d’ailleurs à tout-va : campagnes de pub TV et web, site web et compte Twitter dédiés, omniprésence des ministres concernés dans les émissions politiques… L’objectif est clair : tous les Français concernés doivent être prévenus de la nouvelle règle du jeu et de ses subtilités. Preuve s’il en est de l’activisme gouvernemental, Gérard Darmanin, pas avare de ses efforts, va en personne au charbon sur Twitter, répondant parfois directement aux interpellations de contribuables inquiets ou mécontents.

Des doutes au sommet de l’Etat

Tout semble donc sous contrôle. Pourtant, un doute subsiste encore sur la mise en œuvre de la réforme dès le 1er janvier prochain. Et c’est l’exécutif lui-même qui l’a instillé, révélant une fébrilité certaine du gouvernement sur le sujet.

Premier temps. Dimanche, dans un entretien au Journal du dimanche, le Premier ministre Edouard Philippe, tout en présentant la réforme comme bonne pour le pays, annonçait qu’il ferait « le point sur [sa] préparation dans les prochaines semaines ». Une manière sans doute de répondre aux inquiétudes qui ne cessent de s'exprimer sur la mise en œuvre technique du PAS, notamment dans les petites et moyennes entreprises (TPE/PME). Leur confédération (la CPME) dénonce ainsi sa complexité et a demandé cet été un report d’un an de son application, le temps de trouver une solution qui soulage les entreprises de la collecte de l’impôt pour leurs salariés. Elle a été en partie entendue : les entreprises de moins de 20 salariés pourront s'appuyer sur l’Urssaf pour gérer le prélèvement à la source, via le dispositif Titre emploi service entreprise (Tese).

Deuxième temps. Dans son édition de ce mercredi 29 août, l’hebdomadaire Le Canard enchaîné rapporte des propos tenus, en privé, par Emmanuel Macron à sa « garde rapprochée », dans lesquels le président de la République exprime des doutes sur la mise en œuvre de la réforme et se donne « jusqu’au 15 septembre » pour trancher sur un éventuel report. Du côté de l’Elysée, ce ne sont pas seulement les questions techniques qui semblent inquiéter, mais aussi le coût politique : comment les Français vont-ils réagir, fin janvier, en percevant un salaire amputé de l’impôt, face à ce qui ressemblera donc à une nette baisse de leur pouvoir d’achat ?

Darmanin en démineur

Bercy n’a pas tardé à réagir. Lundi, puis mardi matin, Gérald Darmanin a ainsi profité de matinales radio (sur RMC puis sur Europe 1) pour déminer la situation. Le ministre des Comptes publics, en charge de la mise en œuvre du PAS, a pu marteler que la réforme n’était « pas repoussée », qu’il n’y avait « aucun bug administratif ou informatique » et qu’elle rentrerait en vigueur comme prévu le 1er janvier prochain. « Je serai le ministre qui fera l’impôt à la source », a-t-il promis sur Europe 1.

Ultime rebondissement de la semaine : jeudi, Emmanuel Macron a publiquement réclamé des « clarifications » avant de donner son feu vert à la mise en place du prélèvement à la source. Il confirme donc, implicitement, un point sur cette réforme à la mi-septembre. Dans la foulée, Gérald Darmanin a une nouvelle fois joué le démineur en répétant l'absence de bug, et qu'il répondra aux « interrogations » du chef de l'Etat « la semaine prochaine ».

Taux neutre : 15 septembre dernier délai

Parmi les différentes communications diffusées ces derniers jours par Bercy, une fait le point sur le choix du taux de prélèvement à la source. Rappel : par défaut, chaque foyer fiscal se verra appliquer un taux personnalisé, calculé par le fisc en fonction des revenus déclarés cette année. Au sein de chaque foyer, ce taux peut toutefois être individualisé entre ses différents membres. Un cas de figure qui concerne notamment les couples où les conjoints disposent de revenus très disparates.

Pas d’urgence : cette option pourra être modifiée jusqu’au 7 décembre prochain, selon une information fournie à cBanque par la DGFiP. En revanche, les contribuables optant pour le taux neutre afin d'éviter de dévoiler d’éventuelles sources de revenus autres que le salaire à leur employeur, doivent le faire impérativement avant le 15 septembre, la première communication des taux aux entreprises devant intervenir fin septembre.

Lire sur le sujet : Prélèvement à la source : comment changer son taux d'imposition ?