Un obscur paiement par carte bancaire apparaît chaque mois sur votre relevé de compte ? Vous avez peut-être souscrit à un abonnement sans le savoir. Comment réagir ?

Question de Vlb, mars 2023 :

« J'ai vu une création de CV doit-disant gratuite - moncvparfait - (...) c'était en fait payant. J'ai annulé avant mais je vois finalement que l'on m'a ouvert un abonnement. (...) En plus le siège est à l'étranger. Que faire ? »

Question anonyme, janvier 2021 :

« J'ai constaté un paiement par carte bancaire de Konipay sur mon relevé. Ce service gère des abonnements en ligne pour le compte d'autres sites. Je ne sais pas sur quel site me désabonner... »

Question anonyme, décembre 2018 :

« Mon compte bancaire a été utilisé frauduleusement pour un abonnement Netxxx et Spoxxx pendant plusieurs mois. (...) J'ai fait opposition sur ma carte bleue (...) Je ne sais pas à qui je dois en vouloir... à ma banque ? »

Trois exemples d'une longue série... Une première version de cet article sur les paiements récurrents par carte bancaire a été publiée en août 2018, suite à des interrogations posées sur notre forum. Depuis, commentaires, témoignages et questions se succèdent, et les paiements ciblés par nos lecteurs proviennent, entre autres, de Cblm, Straceo, Medialump, Reducpriv.com, Payoo, Usurils biz, Avq.U-Bill, Mekepay...

D'où viennent ces paiements récurrents ?

« Smartphone à 1 euro ! » ou « échantillon gratuit » : attiré par une offre alléchante, vous finalisez la commande par carte afin de régler l'achat du téléphone à prix modique ou pour payer les frais de port. Surprise : quelques semaines ou mois plus tard, vous constatez sur votre relevé de compte un paiement par carte bancaire, de 4, 5 ou 10 euros, qui se répète à intervalles réguliers. Comme le montrent les questions et témoignages ci-dessus, cette désagréable surprise est monnaie courante.

Dans une fiche pratique dédiée, la Répression des fraudes cite aussi des « machines à café expresso ou des drones » ayant fait l'objet de publicités avec des abonnements cachés. Au-delà du « test gratuit », les paiements récurrents peuvent faire suite à un achat sur un site de voyance, de rencontres, de loterie ou autre jeu financier, voire suite à une sollicitation par SMS ou via un démarchage téléphonique.

A chaque fois, le même scénario se répète : le consommateur pense régler un seul et unique achat, mais se retrouve « abonné » contre son gré à un service donné. Parfois, l'abonnement est totalement déguisé. Plus souvent, le « prélèvement », « abonnement » ou « paiement récurrent » par carte bancaire est mentionné mais suffisamment bien dissimulé pour que l'internaute n'y prête pas attention.

Faire opposition, efficace en dernier recours

Comment réagir ? Premier réflexe : identifier au plus vite le site ou prestataire concerné, se connecter à son espace personnel et se désabonner. Voilà pour le scénario « idéal ».

Problème : le libellé du paiement régulier s'avère souvent très flou sur le relevé de compte, ce qui n'aide pas identifier l'origine du paiement. Pire : il n'est parfois pas possible de se désabonner ni même de contacter la société concernée.

« Quand vous payez par carte, vous donnez votre autorisation : c'est irrévocable »

Dans l'impossibilité de stopper ce paiement récurrent, il faut au plus vite vous tourner vers votre banque. Problème : « Quand vous payez par carte, vous donnez votre autorisation : c'est irrévocable, et ce que le paiement se fasse en une fois ou plusieurs fois », souligne Jérôme Raguénès, directeur du département numérique, systèmes et moyens de paiement de la Fédération bancaire française (FBF). « Dans cette situation, avec un paiement récurrent par carte, la seule possibilité pour le client est de faire opposition. Ceci empêche alors d'utiliser sa carte jusqu'à réception de la nouvelle... » Et implique des frais pour le remplacement de carte. Sur ce point, « la banque peut éventuellement faire un geste commercial », glisse Ralph Roggenbuck, juriste au Centre européen des consommateurs (CEC) France.

Se faire rembourser ? Une réussite hypothétique

Basé à Kehl, à quelques kilomètres de Strasbourg côté allemand, le CEC France s'est spécialisé dans les questions de consommation transfrontalières. Ce réseau a été sollicité par des centaines de Français s'estimant floués par des sites basés dans un autre pays européen. « Quand il ne s'agit pas de véritables fraudeurs, nous parvenons à obtenir le remboursement auprès du site », précise Ralph Roggenbuck. Ça se complique lorsque l'entreprise concernée est malintentionnée.

« Nous ne sommes pas dans un cas de fraude au moyen de paiement »

Car l'abonnement « caché » ou « déguisé » n'est pas une fraude au sens strict du terme : « Nous ne sommes pas dans un cas de fraude au moyen de paiement : la fraude, c'est par exemple quand quelqu'un réalise des achats à votre place », explique Jérôme Raguénès, de la fédération bancaire. « Là, il y a une autorisation de paiement, malgré l'incompréhension initiale... » Selon la FBF, ce type de désagrément relève avant tout du litige commercial entre le client et le site concerné. Ce qui ne permet pas d'être indemnisé et pris en charge aussi facilement qu'en cas de fraude « classique ».

Fraude à la carte bancaire : une plateforme pour porter plainte

Dans le cas des abonnements cachés, le client aura bien plus du mal à nier sa « négligence ». En la matière, la législation française juge l'acceptation de conditions de vente sur internet à travers la règle du « double clic » : un premier clic pour vérifier le détail de la commande, un second pour la confirmer après avoir ainsi pu en prendre pleinement connaissance.

Pire : Ralph Roggenbuck, de CEC France, reconnaît que la jurisprudence est quasi vierge en France sur la question des abonnements cachés par carte, car la fraude porte souvent sur des petits montants et les victimes engagent rarement une procédure pour de telles sommes. Il les encourage tout de même lorsque c'est possible à demander remboursement auprès de leur banque ou de l'émetteur de carte bancaire en activant la procédure de chargeback. Cette procédure est prévue par les conditions – en anglais – de Visa et Mastercard et couvre le cas de commandes en ligne débouchant sur un service non conforme à ce qui était annoncé, ou sur une absence de livraison : « Le chargeback existe de longue date mais souvent les banques refusent, soit parce que la loi ne les contraint pas, soit parce qu'elles ne connaissent pas cette procédure à tort », développe le juriste de CEC France.

Vos recours pour stopper les paiements récurrents

  1. Contactez le créancier pour demander de mettre fin au paiement.
  2. Si le créancier n'est pas joignable, pas identifiable ou refuse de mettre fin à l'abonnement, contactez la banque au plus vite pour faire opposition. N'hésitez pas à demander un geste commercial à votre banquier si vous êtes réellement victime d'une offre trompeuse.
  3. Pour obtenir réparation des paiements, demandez le remboursement à l'émetteur de carte bancaire (chargeback) mais uniquement si vous pouvez prouver que le paiement récurrent n'était pas intentionnel. La procédure est détaillée sur le site du ministère de l'Économie ainsi que sur celui du CEC France si le site basé dans un autre pays européen.

Vous tombez sur un site vous invitant à payer pour vous aider dans ces démarches ? A éviter ! Nul besoin de payer (mis à part d'éventuels frais bancaires en cas d'opposition) pour couper cet abonnement caché.

Privilégier le mandat de prélèvement pour les abonnements

Obtenir un remboursement, auprès du site, de la banque ou de l'émetteur de la carte, a tout du parcours du combattant. En l'attente d'un cadre plus protecteur du consommateur, la prudence reste le maître-mot : « Méfiez-vous quand vous donnez vos coordonnées bancaires ! » conseille Ralph Roggenbuck. « Il faut toujours prendre le temps de comprendre ce que l'on paie. »

« Il faut toujours prendre le temps de comprendre ce que l'on paie »

Jérôme Raguénès, de la FBF, conseille au passage de faire la chasse aux « services complémentaires » en « lisant bien les notions écrites en bas de page ou en fin de document » avant tout paiement en ligne.

Et de se méfier en fonction le mode de paiement réclamé : « Le prélèvement par carte bancaire est une commodité utilisée par les créanciers pour leurs clients qui jugent cela plus pratique, pointe Jérôme Raguénès. Pour un abonnement ou un paiement régulier, le prélèvement semble plus adapté. » Avec un prélèvement classique, pour mettre fin à un paiement non souhaité, il suffit de révoquer le mandat. Sans avoir à faire opposition, ni à demander une nouvelle carte...

Abonnements cachés : les bons réflexes pour les éviter

  • Lire les « petites lignes » avec précaution lors de tout achat sur internet, surtout s'il fait suite à une sollicitation publicitaire.
  • Eviter les abonnements par carte bancaire auprès de sites mal identifiés ou utilisant une interface de paiement « exotique ».
  • Privilégier le prélèvement pour tout type de paiement récurrent.
  • Consulter régulièrement ses relevés pour pointer d'éventuels paiements non désirés.

Carte bancaire : 3 conseils pour éviter les arnaques aux abonnements cachés