Les usages du virement instantané se concrétisent petit à petit. Air France, par exemple, proposera dès 2019 ce mode de règlement pour l'achat de ses billets d'avion à distance. Des usages qui, s'ils se démocratisent, pourraient remettre en cause la suprématie des réseaux de paiement par carte, CB, Visa ou Mastercard.

Le 3 juillet dernier, le groupe BPCE, par l’intermédiaire de sa filiale Natixis Payments, a présenté devant la presse les premiers cas d’usage du virement en temps réel. Outre le paiement instantané entre particuliers ou le versement des indemnités d’assurance, le groupe bancaire va adapter ce moyen de paiement aux achats en ligne et le proposer aux e-commerçants. Concrètement, au moment de payer son panier, l’internaute pourra sélectionner l’option paiement instantané, plutôt que d'utiliser sa carte bancaire. Le premier site à le mettre en place sera Air France, avec un lancement prévu début 2019. Dans un premier temps, il sera toutefois réservé aux seuls clients détenant un compte à la Banque Populaire ou à la Caisse d’Epargne, les deux banques de détail de BPCE.

Invité à commenter ce démarrage prochain, Marc Verspyck, directeur général adjoint Economie et Finances de la compagnie aérienne, a souligné les avantages pour les utilisateurs. « Lorsque l’on questionne nos clients, ils disent vouloir avoir l’expérience de paiement la plus simple possible et la plus sécurisée qu’il soit. Le paiement instantané est une solution unique pour répondre à ces attentes », explique-t-il. Principal atout : en cas de dépenses importantes, comme un billet d’avion par exemple, utiliser le paiement instantané permet de ne pas être bloqué par le plafond de carte bancaire.

Un moyen de paiement moins onéreux que la carte bancaire

Pour les e-marchands, le virement en temps réel n’est pas non plus dénué d’intérêts. Il lui permet d'une part de recevoir immédiatement l'argent et donc de ne pas avoir de décalage de trésorerie. D'autre part, si la mise en place et la gestion ne sera pas gratuite pour le commerçant - son système d'information devant notamment être relié à sa banque - le virement instantané lui occasionnerait tout de même moins de frais que le réglement par carte. Dans son livre blanc dédié à l’instant payment, le groupe bancaire écrit ainsi que « le paiement instantané représentera […] une économie de coûts qui pourra s’avérer significative » pour les commerçants. Principale raison évoquée : il permet de se passer de la carte bancaire, de s’extraire ainsi des réseaux Visa, Mastercard et CB (le réseau des banques françaises) et des commissions interbancaires à la charge des marchands. Ces dernières étant plafonnées actuellement à 0,20% de la valeur de l’achat pour les cartes à débit immédiat et 0,30% pour les cartes à débit différé.

« Nous supprimons l'intermédiaire, nous n’avons plus besoin des schemes [réseaux de paiement, NDLR] de Visa, de Mastercard, et donc il y aura une économie sensible pour les commerçants qui opéreront le paiement instantané », a d’ailleurs expliqué Pierre Antoine Vacheron, membre du comité de direction général de Natixis en charge des paiements, qui présidait la conférence de presse. Il n’a toutefois ni chiffré le gain, ni précisé le montant qui sera facturé aux sites de e-commerce pour ce service. Mais, au regard de la prépondérance de la carte bancaire pour les achats à distance - 73% des internautes, et même 80% des moins de 30 ans, paient leurs paniers par carte (1) – et de l'enthousiasme de Marc Verspyck, ce dernier expliquant vouloir « favoriser cette solution » et « mettre en place un canal pour stimuler ce mode de paiement », les enjeux financiers semblent de taille.

La carte bancaire a de beaux jours devant elle

Il ne sera pas aisé de substituer le paiement instantané à la carte bancaire. Simple d'utilisation et entrée dans les habitudes des consommateurs, celle-ci présente d'autres avantages. Elle offre par exemple des garanties d'achat et des assurances, notamment à l’étranger. Par ailleurs, les cartes peuvent être choisies en débit différé, ce qui permet aux clients de reporter et d'anticiper le passage de l'opération sur leur compte bancaire.

En outre, même s’ils ne s’en servent pas directement, les internautes payant avec des portefeuilles électroniques comme Paypal doivent généralement enregistrer une carte pour utiliser ces services. Des atouts que ne nie pas BPCE et qui font dire à Pierre Antoine Vacheron que le virement instantané sera « un moyen de paiement complémentaire » à la carte. Selon le groupe bancaire, il « remplacera plutôt le chèque et le cash », éventuellement la carte « pour ne pas dépasser son plafond de paiement ».

(1) Sondage réalisé en 2014 sur un échantillon représentatif de la population française de 1 093 personnes par Easypanel pour l’établissement de monnaie électronique TSI.