Placer son épargne pour financer et soutenir la croissance d’entreprises françaises ou même de sa région : comme d’autres secteurs, l’idée du « circuit court » fait son chemin dans les finances personnelles. Mais ce concept y est-il pertinent ? Et quels sont les supports à utiliser ?

A l’unisson, le gouvernement et la Banque de France rappellent régulièrement leur volonté d’orienter davantage l’épargne des Français vers le financement des entreprises françaises. Ou, pour reprendre une expression à la mode, vers « l’économie réelle ». Cette volonté était présente dans la première loi de finances de la présidence Macron, par la mise en place du prélèvement forfaitaire unique ou encore le recentrage de l’ISF sur l’immobilier. Elle le sera aussi dans la loi Pacte à venir.

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Mais en matière de placements, les habitudes des Français ont la vie dure. Notamment leur aversion au risque. Ils continuent de placer l’essentiel de leur épargne sur des produits de taux, ce qui empêche toute perte en capital, mais qui ne profite pas directement à l’économie : épargne réglementée, dépôts bancaires et fonds euros de l’assurance-vie. « Les Français - ce n’est d’ailleurs pas propre à eux - ne sont pas joueurs. Epargner, c’est renoncer à consommer : ils n’ont pas envie de perdre leur argent », explique l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.

Faut-il vraiment prendre des risques pour donner du sens à son épargne ? Tour d’horizon des supports, plus ou moins accessibles, plus ou moins risqués, qui permettent d’investir dans l’économie réelle.

Les PEA et PEA PME-ETI

La façon la plus directe de soutenir l’économie nationale est d’investir dans ses entreprises en achetant des actions. Le Plan épargne en action (PEA) est le support idéal le plus accessible pour cela : un « produit en phase directe avec le financement de l’économie réelle » confirme Philippe Crevel. Il permet d’investir jusqu’à 150 000 euros en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse, notamment d’une exonération d’impôt sur les plus-values au-delà de la 5e année de détention. Conçu en 1992 justement pour développer l’actionnariat populaire, il n’a pourtant jamais vraiment convaincu le grand public : 4,6 millions de plans ouverts à la fin du 1er trimestre 2018, un chiffre qui recommence toutefois à progresser depuis un an.

Depuis 2014, le PEA peut être complété, ou suppléé, par un PEA PME-ETI, plus spécifiquement destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, jusqu’à 75 000 euros.

Plus d’infos sur le PEA et le PEA PME-ETI

L’assurance-vie

Comme le PEA, l’assurance-vie permet d’investir dans des fonds dédiés aux entreprises de taille moyenne ou intermédiaire non cotés, via des unités de compte (UC). Avec les mêmes risques mais aussi certains avantages : « L’assurance-vie permet à la fois de s’ouvrir à l’économie et de sécuriser une partie de son capital sur un fonds euros », estime Philippe Crevel.

Dans un contexte de taux très bas, qui a aussi affecté le rendement de ces fonds euros, et de forte incitation des assureurs, on assiste à « une inflexion vers plus de risques », commente l’économiste : la collecte nette en UC a ainsi atteint 20 milliards d’euros en 2017.

Les livrets d’épargne

Boursicoter n’est toutefois pas donné à tout le monde. Existe-t-il une manière de financer l’économie réelle sans prendre de risques ? Oui, de façon plus indirecte, grâce aux livrets d’épargne. C’est par exemple le principal argument déployé par PSA Banque, filiale du groupe automobile Peugeot-Citroën, pour promouvoir son livret Distingo : les dépôts des épargnants permettent de financer des crédits automobiles qui, eux, soutiennent l’activité de l’industrie automobile française. Même logique du côté de Renault-Nissan, qui propose un livret d’épargne Zesto.

Certaines banques régionales activent aussi l’argument du « circuit court ». C’est le cas par exemple du Livret Rev 3, distribué par le Crédit Coopératif dans les Hauts-de-France. Avantages de la formule : une garantie totale sur le capital investi, et une disponibilité des fonds à tout moment. Inconvénient : des rendements actuellement faibles. « Les livrets d’épargne ne sont pas à négliger », confirme Philippe Crevel, « mais dans le cadre d’une stratégie globale embrassant toute la palette des placements, du court au long terme ».

Plus d’infos sur le Livret Distingo de PSA Banque

Le prêt participatif aux entreprises

Dernière piste, enfin, la plus récente : le crowdfunding, et plus précisément sa branche dédiée au prêt participatif aux entreprises, le crowdlending. Il est en effet désormais possible de prêter directement de l’argent, via des plateformes spécialisées, aux entreprises de son choix. L’incarnation même du circuit court financier.

« Le crowdfunding est un nouvel univers, assez dérégulé, avec moins d’intermédiaires donc un échange plus direct avec l’économie », confirme Philippe Crevel. « Mais il expose à des risques : on peut avoir de la rentabilité, mais aussi tout perdre. Il nécessite donc d'être très attentif. Ça ne peut pas être un placement majoritaire, mais ce n’est pas à négliger dans le cadre d’une diversification. »

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