Dans un rapport commandé par Bercy, Jean-Pierre Landau préconise que les crypto-monnaies restent « dans l’espace virtuel qu’elles occupent ». Il veut décourager l’exposition des banques, des gestionnaires d’actifs mais aussi de leurs clients à ces devises numériques « devenues un objet évident de spéculation ».

Alors qu’outre-Atlantique, le régulateur a donné son feu vert à l’échange de contrats à terme sur le bitcoin – en autorisant fin 2017 deux places boursières, le Chicago Mercantile Exchange et le Chicago Board Options Exchange, à les intermédier – les autorités se montrent beaucoup plus frileuses en France et en Europe. Les risques que pourrait faire peser l’exposition de la finance traditionnelle aux crypto-monnaies sont particulièrement redoutés. En atteste, une nouvelle fois, le rapport de l’ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, commandé par le ministère de l’Economie et remis le 4 juillet dernier.

Pour rappel, les crypto-monnaies (bitcoin, ethereum, ripple…) sont des devises virtuelles, non régulées par un organe central, qui s’échangent de pair à pair via un système informatique appelé blockchain. Les régulateurs préfèrent souvent les qualifier de crypto-actifs. Car, faisant l’objet de spéculation, leurs cours sont extrêmement volatils. En atteste la montée fulgurante du prix du bitcoin fin 2017. Mi-décembre dernier, un bitcoin s'échangeait contre 19 000 dollars. Il en vaut moins de 7 000 aujourd’hui.

Réguler les acteurs plutôt que les crypto-actifs

Dans son rapport, Jean-Pierre Landau expose la posture législative que devraient adapter, selon lui, les régulateurs. Tout d’abord, ce secteur étant trop jeune, il exclut de réguler directement les crypto-monnaies : « Une règlementation directe n’est pas souhaitable, car elle obligerait à définir, à classer et donc à rigidifier des objets essentiellement mouvants et encore non identifiés », souligne-t-il. De plus, étant donné la faible exposition des systèmes financiers à ces actifs hautement spéculatifs, les risques sont aujourd’hui « circonscrits ». Selon les chiffres énoncés dans ce rapport, les quelque 1 600 crypto-monnaies représentent aujourd’hui 270 milliards de dollars, soit 1,5% seulement de la capitalisation de l’indice boursier S&P 500 et 5,5% de celle du marché de l’or.

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Et c’est une excellente nouvelle pour le haut-fonctionnaire, qui appelle, au moins dans un premier temps, à interdire aux banques et aux gestionnaires d’actifs d’acheter et vendre des crypto-actifs. « Dans la phase actuelle, la bonne approche est de laisser les crypto-monnaies – et les innovations qu’elles portent – se développer dans l’espace virtuel qu’elles occupent », préconise-t-il. Pour limiter la contagion à la sphère financière, l’ancien responsable de la Banque de France veut d’une part dissuader les banquiers d’investir sur ces marchés pour compte propre, en les obligeant à couvrir intégralement leur bilan. « Il faut […] soumettre [ces opérations] à une pondération de 100% au titre des exigences en capital », conseille ainsi Jean-Pierre Landau.

Interdiction des ETF investis en bitcoins

Concernant l’exposition des épargnants, là encore, le rapport veut interdire aux acteurs de la place de s’immiscer sur le marché des devises numériques. « Les banques pourraient également être soutenues et encouragées dans leur refus de financer les achats de crypto-monnaies par leurs clients », préconise le rapport. Concernant les gestionnaires d’actifs, il appelle les ministres et les régulateurs européens à « décourager […] la création de nouveaux produits et marchés dérivés, d’indices et de fonds – ETF en particulier – dédiés aux crypto-monnaies (...) en prohibant l’inclusion des crypto-monnaies dans les véhicules de placement collectifs ouverts à l’épargne grand public (assurance-vie, fonds de pension, etc.) ». Seule exception : les hedge funds ou « fonds alternatifs », ces supports réservés aux investisseurs aguerris (institutionnels, grandes fortunes), seraient autorisés à intervenir sur ces marchés.

Comme le défend également l’Autorité des marchés financiers, Jean-Pierre Landau est également favorable à la mise en place d’un agrément européen, un « Euro Bitlicense », pour les plateformes d’échange. En échange de la crédibilité apportée, elles s’engageraient à mettre en place des mesures de connaissance client, à prouver leur robustesse à des attaques informatiques ou encore à faire preuve de transparence dans les frais prélevés.