La déclaration 2018 a concrétisé l'arrivée, en 2019, du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Les télédéclarants connaissent désormais leur taux, et les déclarants papier vont le découvrir cet été. Les agents des finances publiques croulent-ils sous les questions et doléances des contribuables ? Réponse de Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale du syndicat Solidaires Finances Publiques.

Avez-vous noté un afflux dans les centres des finances publiques lors de la campagne de déclaration de revenus ?

Anne Guyot-Welke : « Nous ne disposons pas encore du bilan officiel pour cette campagne 2018. Mais nos collègues ont effectivement noté un afflux supérieur à l’accoutumée de l’accueil physique en centres d’impôt. C’est surtout la conséquence de l’obligation de télédéclaration [qui concernait tous les foyers au revenu annuel supérieur à 15 000 euros, NDLR]. »

Qui sont ces contribuables en difficulté face à la déclaration en ligne ? Des personnes âgées ?

A.G-W. : « Soit des personnes ayant du mal à s’approprier le nouvel outil. Soit des gens qui n’ont tout simplement pas la possibilité de déclarer en ligne. »

Comment les agents des impôts réagissent-ils à ces sollicitations ?

A.G-W. : « Ils sont censés accompagner le contribuable dans sa démarche. Mais il faut savoir que 38 000 postes ont été supprimés dans nos services depuis 2002. Nous avons donc des difficultés à les accompagner. »

Bercy annonce toutefois accepter la déclaration papier pour ceux qui ne peuvent pas la remplir en ligne…

A.G-W. : « Il y a plusieurs niveaux de réponse. Quand le contribuable n’a pas d’accès internet, là nous lui donnons une déclaration papier. Pour les autres, il y a effectivement la communication autour d’une mansuétude de l’administration fiscale, mais en réalité la Dgfip (direction générale des finances publiques) nous incite fortement à orienter les contribuables vers impots.gouv.fr. Les agents s’adaptent. Notre service en centre d’impôts a longtemps été reconnu de qualité. Cela se délite un peu. »

Concernant l’impôt à la source, avez-vous eu des remarques, questions ou doléances au sujet du taux de prélèvement ?

Taux de prélèvement : « un afflux de demandes à partir de fin juillet-début août »

A.G-W. : « Il y a bien entendu déjà des questions à ce propos mais nous anticipons surtout un afflux de demandes à partir de fin juillet-début août, quand les particuliers recevront leur avis d’imposition avec le taux mis en exergue. Là, nous devrions être sollicités au sujet du choix du taux de prélèvement. Pour l’instant, les questions portent plus sur la prise en compte des crédits et réductions d’impôt. »

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Quelles sont les interrogations liées aux crédits et réductions d’impôt ?

A.G-W. : « De façon générale, sur les crédits et réductions, les particuliers ne comprennent pas que le décalage d’un an demeure : on leur dit qu'on entre dans l’ère de la contemporanéité de l’impôt et, pourtant, ils profitent des réductions et crédits d’impôt un an après les dépenses et revenus concernés ! Nous avons donc beaucoup d’interrogations sur ce sujet, c’est probablement la raison pour laquelle le gouvernement a annoncé que le versement de l’acompte de 30% allait être avancé à la mi-janvier pour les particuliers employeurs [le gouvernement a aussi étendu la mesure à la réduction Ehpad, NDLR]. »

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Le fait d’avancer ce versement de la fin février à la mi-janvier sera-t-il suffisant pour rassurer les contribuables ?

Crédits d'impôt : « les particuliers ne comprennent pas que le décalage d’un an demeure »

A.G-W. : « Je ne sais pas. Car le complément du crédit d’impôt n’est réglé que lors de l’été, en année N+1. La problématique du décalage d’un an demeure. Certaines associations concernées par les dons éligibles à réduction d’impôt ont émis des craintes, de peur de constater une réduction des dons à cause du prélèvement à la source. Le gouvernement a compris que ce sujet est sensible. Mais nous pensons, comme nous l’avions dit dès le départ, que c’est une refonte bien plus globale de la fiscalité qui est nécessaire. Cette réforme simplifie uniquement le mode de prélèvement, pas le système fiscal. Et encore, il s’agit d’une simplification pour les ménages avec des revenus salariés, mais le mode de prélèvement va plutôt se complexifier pour les ménages avec différentes sources de revenus. »

Avez-vous enregistré des interrogations sur l’année blanche et le CIMR (crédit d’impôt modernisation du recouvrement) ?

« Quels sont les revenus catégorisés comme exceptionnels ? »

A.G-W. : « L’année blanche [des revenus habituels de l’année 2018] permet d’éviter une double imposition en 2019. Ce dispositif concerne donc surtout les personnes qui perçoivent des revenus exceptionnels en 2018. Nous avons donc eu des questions de contribuables pour savoir quels sont les revenus catégorisés comme exceptionnels. »

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Craignez-vous des bugs dans la mise en place du prélèvement à la source en janvier 2019 ?

A.G-W. : « Il y a eu une phase de test. En cela, le report d’un an, de janvier 2018 à janvier 2019, s’avère plutôt salutaire : nous avions signalé que la mise en place était précipitée. Maintenant, il est difficile d’affirmer qu’il n’y aura aucun bug. Le plus difficile à contrôler, c’est la collecte par les employeurs : les responsables des organisations patronales ont d’ailleurs reconnu leur inquiétude. Les chefs d’entreprise seront-ils prêts ? Nous le saurons au moment de la bascule. Jusqu’à présent, l’administration fiscale était le collecteur quasi unique de l’impôt : il s’agit donc d’un chantier colossal ! L’administration restera toutefois l’interlocuteur des particuliers, lorsqu’il faudra faire évoluer le taux de prélèvement, par exemple. »

Les demandes de délais de paiement et de recours gracieux ont nettement augmenté en 2013-2014, avant diminuer à nouveau. Le prélèvement à la source changera-t-il la donne ?

A.G-W. : « C’est un point que l’on a soulevé. L’examen gracieux intervenait au moment du paiement de l’impôt. Là, l’impôt sera payé au fil de l’eau. Il y a un risque que cela rende plus délicat l’obtention d’un recours gracieux pour les contribuables en difficulté financière. »