En 2014, Degiro faisait son entrée sur le marché français. 4 ans plus tard, le courtier néerlandais présent dans 18 pays européens affirme faire partie des 5 acteurs les plus importants de l'Hexagone, aux côtés de Bourse Direct, Boursorama, Binck et Fortuneo. La recette de son succès : des frais de courtage sur les marchés européens et extérieurs au plus bas. Entretien avec Julien Vallet, responsable France.

Votre politique tarifaire est des plus agressives. Vous prélevez par exemple 0,04% de frais de courtage sur les actions cotées à Euronext Paris, soit seulement 4 centimes pour acheter une seule action à 100 euros... Comment parvenez-vous à tenir ce modèle low cost ?

Julien Vallet : « Degiro a été créé en 2008 aux Pays-Bas par des professionnels des marchés. Au départ, nous nous adressions uniquement aux investisseurs institutionnels. En 2013, lorsque nous avons ouvert notre plateforme de trading aux particuliers, nous avons décidé de conserver la même tarification que pour nos clients institutionnels. Résultat, nous facturons des frais de courtage en moyenne 85% moins cher que les autres courtiers. Mais, alors qu’on nous qualifie souvent de courtier low cost, nous estimons au contraire que ce sont nos concurrents qui proposent des tarifs exorbitants. Quand un courtier facture plusieurs dizaines d’euros par ordre, le coût réel pour lui ne représente en fait que quelques centimes d’euros, et la marge réalisée est alors très élevée. Le secteur du courtage est l’un des seuls dans lequel les particuliers paient encore 5, 10 voire 100 fois plus cher que les clients professionnels, pour un service équivalent. »

Pour casser les prix, vous rogniez donc sur votre marge…

« En 2017, nous avons exécuté 15 millions de transactions. »

J.V. : « Les niveaux de marge appliqués chez Degiro sont inférieurs à ceux de nos concurrents. Il n’en reste pas moins que nous dégageons des bénéfices depuis plusieurs années. Pour ce faire, nous comptons sur un important volume d’ordres qui nous permet de réaliser des économies d’échelle significatives. En 2017, nous avons exécuté 15 millions de transactions, soit près de 4 fois plus que Bourse Direct ! Pour optimiser nos coûts, nous avons aussi fait le choix de développer notre infrastructure informatique en interne. Beaucoup d’établissements financiers utilisent des plateformes ou services de tierces parties et doivent donc payer des licences d’exploitation coûteuses, ce qui se répercute au travers des frais de courtage facturés aux investisseurs. »

Votre plateforme est très épurée. De plus, vous ne dispensez ni formation, ni conseil. Cette sobriété vous permet-elle aussi de limiter vos frais ?

J.V. : « C’est un choix stratégique. Par exemple, nous ne proposons pas de service de formation car nous estimons que cela n’apporterait pas de valeur ajoutée à nos clients dans la mesure où ces services viendraient augmenter les coûts alors qu’ils peuvent être obtenus facilement sur internet ou via des organismes de formation spécialisés. »

En revanche, certains services comme la connexion aux places boursières ou l’inscription aux assemblées générales d’actionnaires font l’objet d’une tarification. Est-ce une manière de vous rattraper ?

J.V. : « Les frais inscriptions aux assemblées générales sont en effet élevées, et ce, dans un but dissuasif [Degiro facture au minimum 100 euros par inscription, ndlr]. Dans la mesure où nous sommes basés aux Pays-Bas, inscrire un client à une assemblée générale d'une entreprise française est un processus long et complexe. A la place, nous préférons remettre gratuitement à nos investisseurs des attestations de détention de titres pour qu’ils s’inscrivent par eux-mêmes et gratuitement. Au sujet des frais de connexion, nous appliquons effectivement une facturation de 2,50 euros par place boursière et par an, hors Euronext Paris et Bruxelles. Il s’agit d’une facturation par utilisation, qui ne s’applique donc qu’aux investisseurs positionnés sur des marchés étrangers, indépendamment du nombre de transactions réalisées dans le courant de l’année. La majorité des investisseurs français placent leurs ordres sur Euronext Paris uniquement et ne payent donc pas ces frais. De plus, au regard des économies de frais de courtage réalisées, cette contribution annuelle reste largement inférieure au prix d’un seul ordre sur les marchés étrangers chez les autres courtiers. »

On assimile parfois le low cost au bas de gamme, voire à un manque de fiabilité. Comment rassurez-vous vos clients sur la sécurité de leurs actifs ?

« Nous sommes l’un des rares établissements financiers à ségréguer tous les actifs de nos clients. »

J.V. : « Nous sommes l’un des rares établissements financiers à ségréguer tous les actifs de nos clients du fait de notre structure initialement conçue pour des investisseurs institutionnels. Aujourd’hui, dans les banques, certains actifs comme les produits dérivés et les liquidités sont conservés directement à leur bilan, ce qui implique donc un risque potentiel pour leurs clients. Chez nous, les titres sont conservés dans des entités dépositaires distinctes et indépendantes, dont la seule activité est la conservation de ces titres. Les liquidités, elles, sont conservées dans des fonds monétaires, qui constituent aujourd’hui l’un des supports les plus sécurisés. »

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Quels clients ciblez-vous en priorité : les épargnants avertis et autonomes ou bien les néophytes qui ne souhaitent placer que quelques centaines d’euros ?

J.V. : « Bien que notre modèle convienne à tous types d’investisseurs, nous nous adressons principalement à des investisseurs actifs et relativement indépendants. Les clients de Degiro passent en moyenne beaucoup plus d’ordres que ceux des autres courtiers en France. Plus généralement, nous nous adressons aux investisseurs qui sont sensibles aux frais de courtage, soit la quasi-totalité des épargnants. Les petits portefeuilles viendront en effet chez nous pour s’initier mais aussi diversifier leurs placements à moindre frais. Quand on investit 100 euros et qu’on paie 10 euros de frais de courtage, le coût atteint 10% de la transaction. Techniquement, il est donc très difficile de générer une performance positive sur des positions de petite taille quand vous supportez un tel niveau de frais. En fonction des cas, il faudra donc potentiellement plusieurs années avant de pouvoir les rentabiliser. Seul bémol chez Degiro : l’absence de conseil. Les épargnants habitués à se faire conseiller par leur banquier pourraient donc ne pas trouver satisfaction. »

Pour 2017, vous annoncez un chiffre d'affaires de 41 millions d’euros et 14,7 millions de transactions effectuées au niveau du groupe. Que représente le marché français dans votre activité ?

J.V. : « Nous ne communiquons pas de données détaillées pays par pays. En 2017, en France, on a eu un volume d’ordres qui a plus que doublé par rapport à 2016, contre une hausse de 51% au global. La progression du nombre de transactions a donc été deux fois plus importante dans l’Hexagone qu’à l’échelle du groupe. De la même manière, notre base clients en France a plus que doublé sur la période. »

Depuis 2016, vous annoncez le lancement prochain du PEA. Où en est ce projet ?

« Nous travaillons sur le PEA et espérons pouvoir le lancer prochainement. »

J.V. : « Pour le moment, nous ne proposons que du compte-titres. Mais nous travaillons sur le PEA et espérons pouvoir le lancer prochainement. C’est un projet qui a effectivement pris du retard, entre autres à cause de l’impossibilité technique pour l'administration fiscale française de recevoir un IFU [imprimé fiscal unique, ndlr] de la part d’un établissement financier basé à l’étranger. Concrètement, il est inscrit depuis 2015 dans le Code Général des Impôts la possibilité pour un acteur européen de proposer le PEA ou le PEA-PME. Problème, en pratique, les systèmes informatiques du fisc n’étaient pas prêts. Il a fallu environ 2 ans pour les harmoniser. Nous venons de signer un accord qui va nous permettre dès l’année prochaine de transmettre l’IFU à nos clients et à l'administration fiscale, au même titre que les établissements basés en France. Nous appliquerons également le PFU [Prélèvement Forfaitaire Unique, ndlr] sur les comptes de nos clients ainsi que les éventuelles dispenses d’acompte sur dividendes et coupons. »

Quid de Deziro, cette plateforme sans aucun frais de courtage et financée par la publicité, dont le lancement a été annoncé dès 2014 ?

J.V. : « C’est un projet qui a été confié à une filiale du groupe. Je n’ai donc pas d’informations à vous communiquer. Toutefois, pour faire le parallèle, Degiro a, en février dernier, baissé ses frais de courtage en France en supprimant les frais fixes de 0,25€ par ordre et en ne conservant que la partie variable de 0,04%. Notre objectif était, entre autres, de permettre aux petits portefeuilles d’accéder aux marchés à moindres frais. Avec nos tarifs actuels, nous ressentons donc moins le besoin de proposer une plateforme de trading gratuite. »

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