Visa tente ces derniers mois d’attirer à elle des fintechs. Début 2018, elle a noué un partenariat avec un poids lourd du secteur : la néobanque britannique Revolut. Pour continuer sur sa lancée, la société va lancer un vaste plan d’investissement à destination des acteurs européens du paiement et de l’expérience client. Rencontre avec Frédéric Maistre, directeur des partenariats stratégiques pour Visa France.

Le réseau de paiement Mastercard a très tôt noué des partenariats avec les principales fintechs présentes en France. Visa paraît moins dynamique. Vous intéressez-vous à cet écosystème ?

Frédéric Maistre : « Il y a moins de deux ans, Visa Europe était encore une société détenue par des banques. Donc, les nouveaux acteurs ne nous percevaient probablement pas comme un partenaire éventuel. Mais nous essayons de changer cette perception. La Fintech est en effet un sujet qui nous passionne et dans lequel nous investissons. D’ores et déjà, nous collaborons avec plusieurs acteurs qui proposent désormais des moyens de paiement Visa tels que Orange Bank ou Revolut par exemple. Par ailleurs, nous avons aussi investi dans des fintechs devenues référentes telles que Square, Stripe ou encore plus récemment en Europe Klarna ou SolarisBank. Dans les années qui viennent, nous allons investir davantage dans des fintechs innovantes, grâce à de nouveaux process déjà mis en place qui faciliteront ces partenariats. »

Pouvez-vous expliciter votre stratégie ?

« Notre programme Fast-Track permet aux fintechs de nous rejoindre en 4 semaines. »

F.M. : « Elle se décline selon trois axes. Au cours des six derniers mois, nous avons mis en place une équipe européenne dédiée à l’accompagnement des fintechs. Ensuite, nous avons facilité et simplifié le processus d’intégration au réseau Visa. A travers notre programme baptisé Fast-Track, nous permettons en effet aux nouveaux acteurs de nous rejoindre en 4 semaines seulement. Troisième pilier de notre stratégie : l’investissement dans les start-ups. Lors du salon Money20/20, notre CEO Europe, Charlotte Hogg, a annoncé que Visa allait allouer 100 millions de dollars dans les prochaines années à l’investissement dans les acteurs du paiement et de l’expérience client. »

Une part de cette enveloppe sera-t-elle dédiée à racheter des start-ups ?

F.M. : « Nous ne prévoyons pas de rachat à ce stade. Nous souhaitons investir dans des sociétés partenaires. L’idée est d’accompagner, par un investissement financier, de jeunes pousses qui s’intéressent à des domaines tels que le commerce ou le paiement. Nous travaillons notamment sur de nouvelles expériences client qui utilisent les infrastructures de paiement Visa. »

Ciblez-vous directement les néobanques ou souhaitez-vous les atteindre en contractualisant avec des intermédiaires du paiement comme Wirecard et Treezor ?

F.M. : « Nous souhaitons discuter avec les deux. Travailler en amont avec ce qu’on appelle les enablers est important [les sociétés qui mettent à disposition des jeunes pousses des solutions de paiement, ndlr]. Car, dans certains cas, les fintechs souhaitent obtenir une solution packagée et clé en main, permises par ces intermédiaires. »

Outres les cartes bancaires, quelles prestations connexes fournissez-vous aux start-ups ?

F.M. : « Nous sommes conscients que le digital, l’internet des objets ou encore l’intelligence artificielle sont en train de remodeler le monde du paiement. Nous nous adaptons continuellement et cela passe notamment par l’ouverture d’API [ces interfaces de programmation qui permettent de connecter deux systèmes informatiques, ndlr]. Objectif, permettre à nos partenaires d’avoir accès à des fonctionnalités propres au réseau Visa. Concrètement, nous avons par exemple développé l’API Visa Direct, qui permet le transfert d’argent entre cartes Visa, et Visa Token qui numérise et dématérialise la carte dans un téléphone Android et Apple. »

La plupart des néobanques lancées ayant contractualisé avec Mastercard, comment essayez-vous de les ramener dans votre giron ?

« Maintenant les start-ups viennent nous trouver. Visa n'était pas un choix naturel il y a encore peu. »

F.M. : « Ce n’est pas un affrontement. Nous essayons de mettre en avant nos atouts et la qualité de notre accompagnement. De plus, nous entretenons déjà avec certains acteurs des relations historiques. Lancés il y a plusieurs années, Orange Cash et Orange Money, les deux portefeuilles électroniques de l’opérateur, sont compatibles avec les cartes Visa. Orange Cash a par ailleurs été développé en partenariat avec Wirecard, une société que nous connaissons bien. »

Certes, vous gravitiez déjà dans l’environnement d’Orange. Mais il y a encore quelques mois, vous ne comptiez pas parmi vos partenaires la néobanque Revolut qui distribue désormais vos cartes bancaires…

F.M. : « Grâce aux structures mises en place il y a quelques mois, la perception de Visa est de plus en plus positive dans l’écosystème fintech. Les sociétés viennent donc nous trouver, ce qui n’était pas un choix naturel il y a encore un ou deux ans. Revolut en fait partie et nous entretenons avec ses équipes une relation excellente. Elles sont heureuses de travailler avec nous. »

Revolut a été récemment valorisée à 1,7 milliard de dollars. Est-ce que la croissance ou le chiffre d’affaires d’une fintech sont des critères de sélection pour Visa ?

F.M. : « Non, pas du tout. Toutes les sociétés innovantes sont les bienvenues. Après, il s’avère en effet que les fintechs ayant atteint une taille importante sont effectivement affiliées à Visa. Pour les plus petites start-ups, nous comptons notamment sur les enablers pour être notre point d’entrée. »

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