Les contrats d’assurance-vie en ligne ont l’avantage d’exonérer les épargnants de frais de versement. Mais peut-on encore y investir totalement sans risque, en misant tout sur les fonds en euros ?

En 2016, Spirica a cassé un tabou : l’assureur des contrats BforBank Vie ou Linxea Spirit, entre autres, a annoncé contraindre tout versement sur ses fonds en euros à un investissement en unités de compte (UC). Jusqu’à présent, ces contraintes de versement en UC étaient monnaie courante pour les fonds immobiliers et dynamiques, les fonds en euros « star » mais secondaires de ces contrats. A partir de septembre 2016, la contrainte de d’investissement en UC est aussi devenue la règle pour verser sur l’Actif Général, le fonds en euros « classique » des contrats web de Spirica. Depuis, tout versement doit être investi a minima à 25% en UC.

Spirica, puis Apicil, puis Suravenir...

Spirica semble avoir rendu service aux autres assureurs du marché de l’épargne en ligne, lesquels se sont empressés de faire de même. De façon plus ou moins assumée toutefois. Lors de l’automne et de l’hiver 2016, les annonces se sont succédées : Apicil a suivi avec une contrainte similaire pour tout versement, puis Suravenir a instauré une contrainte pour les gros investissements sur son principal fonds en euros.

Début 2017, les regards se tournent alors vers Generali, numéro 1 du marché de l’assurance-vie à frais réduits sur internet. Sur son contrat « maison » Generali Epargne, l'assureur restreint en effet les entrées sur son principal fonds web Eurossima depuis la fin 2015. Et Sonia Fendler, membre du comité exécutif de Generali France, a rapidement jugé qu’un accès limité à Eurossima était « pertinent ». Les discussions n’ont semble-t-il pas encore abouties puisqu’aucun courtier ou banque en ligne distribuant des fonds Generali n’a annoncé de limitation de versement. Boursorama confirme ainsi « qu’un contrat d’assurance-vie en gestion libre peut être investi à 100% sur le fonds Eurossima ou le fonds Euro Exclusif ».

Où investir 100% en fonds euros ?

Les lignes ont donc fortement bougé au second semestre 2016 mais, depuis, elles n’ont quasiment plus évoluées. Seul changement notable : en février 2018, le numéro 2 du marché, Suravenir, a durci ses conditions d’accès à Suravenir Opportunités. Tout versement doit désormais être investi à 40% en UC, contre 30% auparavant. Mais il s’agit là d’un fonds en euros spécifique, investi en partie en immobilier.

Principaux fonds euros100% eurosContrainte d’accès en mai 2018
Eurossima (Generali) Pas de contrainte d’accès sur la plupart des contrats
Euro Exclusif (Generali) Pas de contrainte d’accès
Netissima (Generali) Condition d’investissement en UC (20% ou 30% du versement selon les contrats)
Suravenir Rendement Condition d’investissement en UC à partir de 250 000 € de versement
Suravenir Opportunités Condition d’investissement en UC (40% du versement)
Dolcea Vie et Actif général de Spirica Condition d’investissement en UC (25% ou plus selon le montant)
Euro Allocation Long Terme (Spirica) Investissement limité à 60% du versement
Apicil Euro Garanti Condition d’investissement en UC (30% du versement)
Actif général de Swiss Life Pas de contrainte d’accès
Aviva Actif Garanti Pas de contrainte d’accès mais « étude au cas par cas » pour les plus gros montants
Sécurité en euros (Oradéa Vie) Pas de contrainte d’accès

Les assureurs limitent les gros versements sur les fonds euros

A ce jour, un épargnant peut donc encore pratiquer du 100% fonds en euros sur tous les contrats gérés par Suravenir (Fortuneo Vie, Puissance Avenir, Digital Vie, etc.), sur tous les contrats de Generali (ING Direct Vie, Boursorama Vie, Altaprofits Vie, Mes-Placements Vie, etc.), ainsi que sur les contrats web gérés par Swiss Life (Darjeeling et Titres@Vie), Aviva (Evolution Vie) ou Oradéa Vie (Patrimea Premium). Pour cela, l’épargnant doit toutefois le plus souvent se limiter au fonds euros « classique », sans pouvoir accéder au fonds dynamique ou immobilier du contrat. Et il doit surtout effectuer des versements ne dépassant pas un certain montant !

Suravenir a fixé un seuil précis de 250 000 euros sur le fonds Rendement. Au-delà de ce seuil, un investissement à 30% en UC est réclamé. D’autres assureurs restreignent de la même manière les trop gros versements « 100% fonds euros » sans formaliser un tel seuil. Le courtier Assurancevie.com affirme ainsi que « les nouvelles adhésions dont le montant est significatif sont étudiées au cas par cas par l’assureur », Aviva, sur Evolution Vie. « L’objectif est en effet de préserver l’intérêt de l'ensemble des adhérents au contrat, qui pourrait être mis à mal en cas de collecte trop abondante sur le fonds en euros dans le contexte de taux bas », ajoute le courtier distributeur d’Evolution Vie. Cet argument, celui de risque de dilution du fonds en euros dans de nouveaux actifs moins rémunérateurs, est ainsi repris en cœur par les assureurs depuis plusieurs années.

Des conditions générales plus ou moins précises

Les épargnants allergiques au risque, et donc aux unités de compte, peuvent-ils malgré tout contourner ces restrictions d’accès aux fonds en euros ? S’ils font partie des nouveaux souscripteurs et que ces contraintes sont inscrites dans la notice d’information, comme c’est le cas chez Spirica depuis 2016, ils n’ont aucune chance d’échapper à ces conditions d’accès aux fonds euros.

Lorsque la condition n’est pas inscrite précisément sur le contrat ou dans le cas des anciens souscripteurs, les épargnants peuvent, en théorie, demander à investir à 100% sur le fonds en euros. Dans les faits, selon certains courtiers, les assureurs peuvent parfois bloquer les versements trop imposants sur les fonds en euros. Suravenir n'a ainsi pas formalisé son seuil de 250 000 euros dans ses conditions générales mais, dans ces mêmes conditions générales, il « se réserve la possibilité (…) de restreindre ou supprimer la possibilité d’investir (par arbitrage et/ou par versement initial ou complémentaire) sur un ou des fonds en euros existants ».

Vers une stratégie plus incitative pour l’investissement en UC ?

A contrario, l’assureur Swiss Life affirme très clairement ne prévoir « aucune contrainte d’investissement en UC dans nos contrats, quels qu’ils soient, donc y compris sur Darjeeling [distribué par Placement Direct, NDLR] ou Titres@Vie [distribué par Altaprofits] ». Swiss Life a en revanche opté de longue date pour une politique de rémunération très incitative : en 2017, le fonds euros a rapporté 2% net de frais de gestion sur les contrats peu ou pas investis en UC, un taux porté à 2,60% si la part d’UC dépasse 60% des encours.

Les autres assureurs présents sur le marché de l’assurance-vie en ligne ont freiné la course au meilleur taux sur les fonds en euros. Alors que la baisse des rendements a été bien moins prononcée que prévu (taux moyen de 1,80% en 2017 contre 1,90% en 2018), les fonds euros « classiques » de Suravenir et Generali ont connu une assez forte diminution : -0,30 point pour Suravenir Rendement (2% en 2017), -0,50 point pour Eurossima (1,77% en 2017). Finalement, les assureurs-vie ont peut-être changé de stratégie : rendre les fonds en euros « basiques » moins attractifs, plutôt que de les rendre moins accessibles.

Voir par ailleurs le comparatif d'une sélection d'assurances-vie en ligne