Après une décennie de débâcle judiciaire, la mise en examen de 14 personnes a été confirmée mi-mars. Parmi eux, 5 cadres bancaires ayant prêté à des investisseurs séduits par la société de gestion Apollonia. De quoi relancer le débat autour du rôle des banques dans cette escroquerie présumée à l’investissement locatif.

Y verra-t-on bientôt plus clair dans l’affaire Apollonia ? C’est du moins ce qu’appelle de ses vœux Que Choisir… Dans son numéro de mai, le magazine revient sur cette affaire et sur la possible implication de banques, suite à la confirmation de la mise en examen mi-mars de 14 personnes : 6 responsables d’Apollonia, 3 notaires et clercs, 4 cadres bancaires du Crédit immobilier de France et un de GE Money Bank. Selon la revue, ce dernier acte de procédure peut en effet « laisser espérer un procès qui viendrait enfin clore 10 années d’instruction judiciaire ».

Retour sur le mécanisme Apollonia

Pour rappel, l'escroquerie présumée Apollonia tient son nom de la société de gestion éponyme basée à Aix-en-Provence. Les commerciaux d’Apollonia démarchaient des particuliers, essentiellement des professions libérales, pour leur vendre des biens à crédit dans le but de les louer meublés. Pour financer ces opérations, la société proposait un montage reposant sur la souscription d'un ou plusieurs prêts hypothécaires. Des crédits et des placements qu’Apollonia assurait être sans risque puisque les loyers et les avantages fiscaux devaient couvrir les mensualités.

De 1998 à 2009, la société de gestion aurait ainsi vendu plusieurs milliers de logements... Certains foyers empruntant entre 600 000 et 9 millions d'euros. Problème, il s’est avéré que la valeur des appartements avait été largement surestimée - de 2,5 à 6 fois leur prix - tout comme les loyers. Résultat, bon nombre d'investisseurs se sont retrouvés surendettés, ne pouvant ni honorer leurs échéances ni vendre leurs biens.

Dans son article, Que Choisir s'intéresse principalement au degré de responsabilité de certains cadres bancaires ayant consenti des emprunts aux clients d'Apollonia. « L’ouverture d'un procès serait l’occasion de mieux comprendre le rôle des banques, dont la présence s’est révélée indispensable pour la mise en place de l’affaire », indique le magazine. « Les mises en examen décidées par les juges d’instruction, (…) les interrogatoires judiciaires, en 2011, 2012 puis 2014, des cadres des autres établissements concernés, ainsi que les pratiques des banques avant la crise des subprimes de 2007 (…) introduisent de sérieux doutes sur leur statut de victimes dupées. »

Un devoir de conseil non respecté

Si la société de gestion aixoise semble être responsable de la falsification des relevés de comptes des investisseurs et de la surestimation des prix des logements, il semblerait toutefois que plusieurs responsables bancaires auraient pu, a minima, faire preuve de négligence, et au pire, délibérément fermer les yeux.

Plusieurs interrogatoires judiciaires, consultés par Que Choisir, laissent penser par exemple que le Crédit immobilier de France Rhône-Alpes-Auvergne (Cifraa) accordait des prêts en se basant uniquement sur le dossier constitué par la société de gestion, sans le vérifier, et sans jamais avoir échangé avec les ménages qui les souscrivaient. Ainsi, dans l’arrêt du 22 juin 2011 de la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, cité par Que Choisir, la directrice de l’époque du Cifraa déclarait que l’établissement de crédit « finissait par reconnaître que l’organisation mise en place avait pour effet, sinon pour objet, d’être suffisamment approximative pour que ne soit pas décelé le caractère anormal des modalités de fonctionnement imposées par Apollonia ».

Non-respect de la loi Scrivener

Par ailleurs, le Cifraa ainsi que d’autres établissements - le Crédit Mutuel, BNP Paribas et le Crédit Agricole - ont eu connaissance dès octobre 2006 des « pratiques préjudiciables » de la société de gestion. Afin de restructurer les dettes d’un client d’Apollonia, un mandataire judiciaire a en effet contacté ces établissements et porté à leur connaissance un rapport illustrant les procédés de la société de gestion. Or, à l’exception du Crédit Mutuel, toutes ont pourtant poursuivi leur collaboration avec la société de gestion jusqu’en 2009, date des premières mises en examen dans ce dossier.

Autre irrégularitée relevée par le magazine : le non-respect de la loi Scrivener. Auditionné en novembre 2011, le directeur régional de BNP Paribas Personal Finance expliquait notamment que le non-respect de cette loi, encadrant l'octroi de crédit, était « une décision prise au niveau de la direction générale BNP Paribas Invest ». Enfin, les banques ayant participé au montage de la société aixoise ne se seraient pas non plus inquiétées du fait qu’Apollonia ne disposait pas de l’agrément d’intermédiaire en opérations de banque, s’étonne Que Choisir. Un agrément pourtant nécessaire pour mettre en relation les investisseurs avec les établissements de crédit.