Se basant sur l’inflation et les taux interbancaires, la future formule de calcul de la rémunération du Livret A introduit également un taux plancher. Fixé à 0,50%, celui-ci pourrait bien devenir la règle plutôt que l’exception.

Après avoir décidé en novembre dernier du gel du taux du Livret A à 0,75%, le ministère de l’Economie et des Finances a annoncé le 19 avril que sa formule de calcul serait modifiée. A partir du 1er février 2020, la rémunération du livret préféré des Français correspondra à « la moyenne semestrielle du taux d’inflation et des taux interbancaires à court terme (Eonia) », « arrondi au dixième de point le plus proche », explique le communiqué de presse de Bercy.

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Le Livret A ne protègera plus de la hausse des prix

Cette formule peut paraître alambiquée. Elle a pourtant une conséquence bien concrète pour les épargnants : le Livret A ne sera plus un rempart contre la hausse des prix. En effet, la formule en vigueur garantit que le taux du Livret A soit au moins égal à l’inflation. A condition, bien sûr, que cette formule soit appliquée, ce qui n'est pas toujours le cas, le gouvernement ayant la possibilité de déroger à la règle. Le nouveau mode de calcul, lui, ne l'assurera plus automatiquement. Tout dépendra en fait du niveau de l'Eonia, actuellement au plus bas.

En effet, depuis la crise des subprimes, ce taux se situe largement en-deçà de l’inflation. Pire, depuis fin 2014, l'Eonia continue de décliner, devenant même largement négatif (entre -0,32% et -0,37% depuis 2 ans). Pour quelle raison ? C'est la conséquence de la politique monétaire dite « non conventionnelle » de la Banque centrale européenne. Une politique mise en place notamment pour inciter les banques à octroyer des crédits. Et, pour arriver à ses fins, la BCE taxe les réserves de liquidité des banques à 0,40%. Pénalisées lorsqu'elles laissent trop d'argent inactif, elles préfèrent le prêter aux ménages et aux entreprises mais aussi se le prêter les unes aux autres. Comme toutes les banques adoptent cette stratégie, les liquidités abondent et l'argent devient bon marché : les taux d'intérêt baissent, y compris l'Eonia. Une situation qui n'évoluera que si la BCE décide d'infléchir sa politique.

Le taux du Livret A logé à la même enseigne que le PEL ?

Toutefois, pour éviter que le taux du Livret A ne tombe trop bas en raison de l'Eonia, la réforme instaure aussi un taux plancher, fixé pour le moment à 0,50%. Un mécanisme qui en rappelle un autre : celui du Plan d’épargne logement. Introduite en 2011, la règle de fixation du taux du PEL prévoit aussi un taux minimal, 2,50% à l'origine, qui a été progressivement ramené à 1% depuis août 2016. Que constate-t-on ? Depuis le 1er mars 2011, la formule de calcul officielle du rendement du Plan n’a jamais été utilisée. C’est systématiquement le taux plancher qui a été appliqué.

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Est-ce que, pour le Livret A aussi, le taux minimal va prendre le pas sur la formule ? C’est possible, du moins à court terme, en l'absence d'évolution du contexte économique. Evidemment, il est difficile de prévoir le niveau d’inflation et celui de l’Eonia dans 2 ans. On peut toutefois constater que si le gouvernement avait appliqué, pour août 2017 et pour février 2018, la nouvelle formule, celle-ci aurait donné respectivement 0,40% et 0,33%. Ce qui aurait donc conduit à appliquer le niveau plancher de 0,50%.

A la rescousse du logement social

Autre argument laissant supposer que, si la situation monétaire n'évolue pas, les 0,50% annuels pourraient devenir la règle : la situation financière du logement social. D’après la Caisse des Dépôts, qui gère l’utilisation des encours des livrets d’épargne réglementée, quelque 40% des dépôts sont prêtés pour financer des projets d’intérêt général, principalement la construction de logements sociaux.

Par conséquent, du rendement même du Livret A dépend le coût des crédits accordés aux bailleurs sociaux. Un secteur qui juge son taux actuel, 0,75%, déjà trop élevé. Avec le changement de calcul du Livret A, l’objectif du gouvernement est donc aussi de sécuriser le financement des bailleurs sociaux. « Cette réforme réduira globalement et de manière durable les charges financières du secteur du logement social d’environ 675 millions d’euros par an », confirme le ministère de l’Economie dans un communiqué. Difficile, dans ce contexte, de satisfaire à la fois les épargnants, les banques et les organismes de logements sociaux !