Stéphane Richard, qui vient de franchir la première haie en vue d'un troisième mandat à la tête d'Orange, a jusqu'ici réussi à se maintenir malgré les alternances politiques et l'affaire Tapie, qui empoisonne sa présidence depuis 2013.

Le PDG présente en effet la particularité d'avoir convaincu trois majorités différentes : nommé sous Nicolas Sarkozy, il a été reconduit sous François Hollande et semble désormais avoir la bénédiction d'Emmanuel Macron.

Fils d'un ingénieur des mines et petit-fils d'un berger des Cévennes, Stéphane Richard, né le 24 août 1961 à Bordeaux, est père de cinq enfants. Diplômé d'HEC et de l'Ena, il passe par l'inspection des finances avant d'entrer, en 1991, au cabinet du socialiste Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Industrie. A la demande de Jean-Marie Messier, il rejoint ensuite la Compagnie générale des eaux (CGE) avant de diriger la Compagnie générale d'immobilier et de service (CGIS), le pôle immobilier de la CGE qui deviendra Nexity. Il y côtoie Alain Dinin, actuel PDG du promoteur immobilier, qui vante « ses grandes capacités de synthèse et sa loyauté », et au côté duquel il fera fortune.

En 2003, Stéphane Richard, désormais multimillionnaire, devient directeur général adjoint de Veolia Environnement, puis directeur général de Connex, devenu Veolia Transport. A cette époque il écope d'un redressement fiscal d'un montant de 660.000 euros.

Changement de cap en 2007 : cet homme de gauche aux convictions libérales accepte de quitter le privé pour devenir directeur de cabinet du ministre de l'Economie, Jean-Louis Borloo, très vite remplacé par Christine Lagarde. C'est en tant qu'ancien collaborateur de Christine Lagarde qu'il est rattrapé par l'affaire de l'arbitrage contesté rendu en 2008 en faveur de Bernard Tapie, dans son litige avec le Crédit Lyonnais sur la vente d'Adidas. Cela lui vaut d'être mis en examen en juin 2013 pour « escroquerie en bande organisée », les juges le soupçonnant d'avoir « dissimulé des éléments essentiels du dossier à sa ministre ». L'enquête terminée, Stéphane Richard a été renvoyé en correctionnelle le 20 décembre dernier.

Entrée sur le marché bancaire

Malgré l'affaire, il a pu toujours compter sur le soutien de l'Elysée, se maintenir à la tête d'Orange, dont il occupe le fauteuil de PDG depuis février 2011, et donc être bien placé pour y entamer un troisième mandat.

Stéphane Richard est entré en septembre 2009 à France Télécom, après avoir siégé pendant cinq ans à son conseil d'administration, et y a vite gravi les échelons jusqu'à devenir directeur général en juin 2010. L'opérateur est à l'époque encore sous le choc de la « vague de suicides » - la mort brutale de 35 salariés, parfois au travail, entre 2008 et 2009 - et reste aussi marqué par les déclarations du prédécesseur de Stéphane Richard, Didier Lombard, qui avait évoqué une « mode du suicide ». Le travail de la nouvelle direction pour « réhumaniser » l'entreprise finit par payer en décembre 2012, une étude de Secafi montrant alors que 81% des salariés étaient fiers d'appartenir au groupe, contre 39% en 2009.

En mars 2014 cependant, le directeur des ressources du groupe Bruno Metling avait admis « un nombre élevé de suicides » depuis le début de l'année, au nombre de neuf - soit « presque autant qu'au cours de toute l'année 2013 », selon l'Observatoire du stress et des mobilités forcées de l'opérateur.

Lors de son premier mandat, Stéphane Richard avait également dû faire face à la guerre des prix du mobile déclenchée par l'arrivée de Free sur le marché début 2012, qui a rogné sur les marges de tous les acteurs du secteur. Le second bail a de son côté été marqué par les multiples tentatives de consolidation du marché, qui ont vu Bouygues Telecom être l'objet des avances successives de SFR puis d'Orange, en vue de revenir à trois opérateurs, toutes deux finalement repoussées par le groupe Bouygues.

C'est également durant ce mandat qu'Orange est entré sur le marché bancaire, avec le rachat de Groupama Banque en 2016 en vue d'en faire Orange Bank, voulue comme la première banque 100% mobile en France et qui revendiquait 50.000 clients fin 2017.