Les Etats-Unis jouent la concurrence fiscale, envoient des messages contradictoires sur le dollar et prennent des mesures protectionnistes : une année après son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a changé la donne pour l'économie mondiale.

Dans une phrase restée célèbre, le secrétaire américain au Trésor, John Connally, avait affirmé en 1971 « le dollar est notre monnaie et à partir de maintenant c'est votre problème », face à un parterre de ministres des Finances européens, déjà inquiets des fluctuations du billet vert. Près de 50 ans plus tard, son successeur à la tête du Trésor, Steven Mnuchin, s'est laissé aller récemment à quelques confidences lors du Forum économique mondial de Davos, se déclarant très à l'aise avec un dollar faible qui aurait l'avantage de favoriser les exportations et de réduire les importations, en résonance avec le slogan « L'Amérique d'abord » de Donald Trump.

Cette déclaration, qui a fait chuter le cours du dollar, est en contradiction avec les engagements des Etats-Unis lors de la réunion annuelle du Fonds monétaire international : ils s'étaient engagés à « ne pas toucher aux taux de changes à des fins compétitives ». Le président américain a rectifié le tir par la suite en souhaitant un « dollar fort ».

« Les Américains, pour l'instant, sont assez satisfaits »

« Le gouvernement Trump ne reconnaît pas ce que l'on appelait autrefois l'ordre monétaire mondial où les Etats-Unis émettent une monnaie clef pour le reste du monde et respectent eux-mêmes leurs propres règles », explique à l'AFP l'économiste Michel Aglietta. « Par conséquent, il est clair que lorsqu'il y a des problèmes du dollar résultant d'une politique américaine budgétaire ou monétaire (...), les difficultés sont reportées dans les autres pays », assure-t-il.

Depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le rapport de force entre les deux devises est passé d'environ 1,05 dollar pour un euro à près de 1,25, dopant la croissance américaine qui pourrait atteindre 3% cette année, selon une projection de Lazard Frères Gestion. « Les Américains, pour l'instant, sont assez satisfaits. Le taux de change a baissé et cela amène à un assouplissement des conditions financières et c'est bien pour les entreprises américaines qui exportent », dit à l'AFP William de Vijlder, chef économiste BNP Paribas.

La faiblesse du dollar ne touche pas pour l'instant les autres économies - la Commission européenne a par exemple estimé à 2,3% la croissance de la zone euro cette année - , mais les regards sont tournés vers Washington. Les Européens, par exemple, « ont rappelé qu'il n'y a pas de salut hors du respect des règles multilatérales. Si les Etats-Unis ne pensent pas tenir ce rôle multilatéral, l'Union européenne le prendra », affirme à l'AFP un spécialiste des politiques monétaires sous anonymat.

Concurrence fiscale

Sur le front fiscal, le reste du monde devra bien s'adapter aussi à la baisse d'impôts sur les sociétés à 21%, approuvée à la mi-décembre par le Congrès américain. « Il est clair que lorsqu'un pays comme les Etats-Unis baisse les impôts des entreprises, les autres pays devront intégrer ça pour fixer leurs taux », estime William de Vijlder.

Mais cette réforme fiscale suscite des réaction : début décembre, cinq pays européens, dont la France et l'Allemagne, avaient écrit à Steven Mnuchin « leur préoccupation ». D'autant qu'additionnée aux baisses prévues sur les impôts sur le revenu, cette mesure va coûter près de 1 500 milliards de dollars au budget américain sur 10 ans, avec de sérieux « risques d'accroître les déséquilibres mondiaux », comme a prévenu le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau.

Les autres pays réagissent au cas par cas

Quant au protectionnisme, les autres pays réagissent au cas par cas et surtout en fonction des conséquences des décisions de Washington, comme après la récente instauration de « droits de sauvegarde » sur des panneaux solaires importés de Chine, mais aussi sur les grandes machines à laver fabriquées en Chine, en Corée du Sud, au Mexique, en Thaïlande et au Vietnam. Selon Louis Kuijs, responsable pour l'Asie dans une note de l'institut Oxford Economics, Pékin ne devrait pas aller au-delà d'une « forte réponse verbale ». « La Chine comprend que ses exportations vers les Etats-Unis sont beaucoup plus importantes que l'inverse ». « En outre, même si elles provoquent quelques dégâts, les mesures américaines ne vont pas faire chuter son économie », expliquait-il.