Beaucoup d'épargne, mais trop peu de financement pour les entreprises : les acteurs financiers ont dévoilé lundi devant la majorité leurs pistes pour mieux orienter l'argent des Français vers les PME, qui peinent à se développer faute de fonds propres suffisants.

« Je ne crois pas que les Français soient fâchés avec l'économie, avec les entreprises ou avec la Bourse : nous sommes en réalité un vieux pays capitaliste », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe en ouverture d'une rencontre organisée à l'Assemblée nationale par les députés LREM de la commission des Finances. Mais si la France « dispose d'une épargne abondante, de l'ordre de 15% », l'un des taux les plus élevés au monde, cette épargne « ne finance pas assez l'économie nationale », les Français privilégiant la pierre ou des placements réglementés tels que le livret A ou l'assurance-vie, a-t-il regretté.

Plus de 2 000 milliards d'euros qui dorment

Selon la Banque de France, près de 1.920 milliards d'euros dorment sur des contrats d'assurance-vie, dont le rendement baisse de plus en plus. Et les comptes bancaires des Français renferment quelque 400 milliards d'euros non alloués.

Une manne que la majorité souhaite mieux exploiter. L'objectif, c'est de « doubler la part de l'épargne des Français qui va dans les PME », actuellement de 5 milliards d'euros, pour qu'elle atteigne 10 milliards d'ici la fin du quinquennat, a souligné la députée LREM Amélie de Montchalin, à l'initiative de l'événement. « Les politiques que nous sommes avons rempli notre part du contrat de confiance », avec la réforme fiscale votée cette année, a estimé la parlementaire, évoquant un « passage de relais » aux acteurs financiers. « Vous devez tous redevenir de réels intermédiaires entre l'épargne des Français et nos entrepreneurs », a-t-elle lancé.

« On ne transformera la France que si chacun exerce pleinement ses responsabilités »

La première loi de finances du quinquennat Macron a acté la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI), ainsi que la mise en place d'un prélèvement unique forfaitaire (PFU) de 30% sur les revenus du capital mobilier. Ces deux mesures, destinées selon la majorité à libérer l'épargne, ont été critiquées par l'opposition socialiste, communiste et Insoumise, qui a dénoncé « un cadeau aux plus riches » et mis en garde contre l'absence de garantie de résultats pour le financement des entreprises.

« Ne laissez jamais dire (...) que nous faisons une politique pour les riches », s'est défendu lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, assurant que les réformes gouvernementales allaient soutenir les « PME », « et donc l'emploi ». Le ministre a toutefois appelé les acteurs financiers, en premier lieu les banquiers et assureurs, à faire en sorte que l'argent des Français soit mieux utilisé. « On ne transformera la France que si chacun exerce pleinement ses responsabilités », a-t-il insisté.

120 propositions

Face à cet appel, les intermédiaires financiers conviés au colloque ont élaboré 120 propositions, comme le développement de l'épargne retraite collective et individuelle, la refonte du produit Euro-croissance ou la simplification des conditions de commercialisation des PEA (épargne en actions) et PEA-PME pour les rendre plus attractifs.

« La priorité aujourd'hui est d'imaginer de nouveaux produits d'épargne, plus productifs pour notre économie », a souligné de son côté le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, saluant une initiative en ce sens prévue dans la loi Pacte, qui sera présentée fin avril. Les Français « sont de plus en plus orientés vers le long terme du fait notamment de la nécessité de préparer leur retraite », a-t-il observé, jugeant « bienvenue » l'idée d'une « assurance-vie de long terme, moins liquide, mais assortie d'une forme de protection du capital, et significativement investie en actions ».

Les propositions seront soumises à Edouard Philippe et Bruno Le Maire « dans les prochaines semaines », selon un document de synthèse. Et les intermédiaires financiers devraient de nouveau se réunir à l'Assemblée nationale dans environ six mois, selon Amélie de Montchalin.