Après des années de controverse, l'exécutif a choisi mercredi d'abandonner le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, malgré des décisions de justice et une consultation locale favorables, au profit d'un réaménagement de l'actuel aéroport de Nantes.

« Les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet de Notre-Dame-des-Landes » qui est devenu « l'aéroport de la division », a jugé Edouard Philippe lors d'une déclaration à l'issue du Conseil des ministres. S'il a, comme attendu, appelé les « squatteurs » dans la « zone de non-droit » de la « Zad » à quitter les lieux, le Premier ministre leur a finalement donné « jusqu'au printemps » pour partir « d'eux-mêmes ». A la fin de la trêve hivernale, « nous pourrons constater le départ volontaire des occupants le 30 mars. Et si tel n'est pas le cas, nous commencerons à procéder aux expulsions », a-t-il précisé à TF1. Dans l'immédiat, Edouard Philippe les a sommés de rendre les routes bloquées « à la libre circulation de tous », faute de quoi les forces de l'ordre « procéderont aux opérations nécessaires ».

La maire PS de Nantes, Johanna Rolland, a parlé de « trahison » et de « déni de démocratie », tout comme son prédécesseur, l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet, a dénoncé le premier « reniement de la parole » d'Emmanuel Macron, « car il avait dit qu'il ferait l'aéroport ». Malgré les multiples rejets des recours en justice des anti-aéroport, le soutien au projet d'une majorité des élus de Bretagne et des Pays-de-la-Loire, et une consultation locale favorable (55,17%) en Loire-Atlantique en juin 2016, l'exécutif a préféré lâcher « NDDL ».

Les Français approuvent

« Grande victoire des zadistes », a déploré le patron des sénateurs LR et ancien président des Pays de la Loire, Bruno Retailleau. « Il n'y avait pas de bonne décision », s'est défendu le Premier ministre devant l'Assemblée nationale dans l'après-midi.

L'opinion publique, elle, est massivement favorable : de 74% à 78% des Français approuvent l'abandon du projet d'aéroport selon les instituts Elabe pour BFMTV et Harris Interactive pour RMC et Atlantico. 76% et 73% estiment aussi que les « zadistes » devront quitter les lieux.

L'alternative retenue est d'aménager l'actuel aéroport Nantes-Atlantique, qui sera « modernisé » et doit voir sa piste prolongée, a indiqué le Premier ministre.

Explosion de joie dans la Zad

L'annonce de la décision a déclenché une explosion de joie dans la Zad, où une vingtaine d'occupants ont ouvert du champagne, entonné des chants et sont tombés dans les bras les uns des autres, a constaté un photographe de l'AFP. « C'est une immense joie pour tous ceux qui ont lutté contre le projet. Je pense aux anciens de la lutte qui sont partis », s'est réjoui Julien Durand, porte-parole de l'Acipa, principale association d'opposants. A Nantes, environ 500 personnes ont fêté la décision en défilant dans le centre ville en scandant : « Ce n'est qu'un début, continuons le combat ! »

Le mouvement anti-aéroport s'est engagé à rouvrir les accès à la Zad, tout en disant son « refus de toute expulsion » de ceux qui se sont installés illégalement sur place. Une « grande fête de l'abandon » est prévue sur place le 10 février.

Une victoire pour Hulot

Né dans les années 60, relancé en 2000, attribué à Vinci par appel d'offres en 2010, le projet d'aéroport « du Grand Ouest » était devenu le symbole des atermoiements du quinquennat Hollande et le conflit environnemental le plus emblématique du pays.

Pour ses partisans, le nouvel aéroport devait permettre d'accompagner le développement attendu du trafic aérien depuis Nantes, une des villes françaises à la plus forte croissance. Le Premier ministre a reçu les parlementaires de Loire-Atlantique en début d'après-midi à Matignon. L'un d'eux, le LREM Yves Daniel, envisage de « renvoyer sa carte d'électeur » à son parti.

Politiquement, la décision est une victoire pour le ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot. « Je ressens du soulagement car il était temps pour tout le monde de décider, et de passer à autre chose », a-t-il dit au Parisien. Saluant « la moins mauvaise des solutions », il a aussi affiché sa fermeté face aux « zadistes »: « la décision du gouvernement n'est en aucun cas une licence pour reproduire ce type d'action ».

« ''Gouverner c'est choisir''. C'est ce qu'après des années de tergiversations vient de faire courageusement Edouard Philippe », a écrit mercredi soir l'ancien Premier ministre Alain Juppé, sur Twitter.

Discussions avec Vinci

Pour ses opposants, Notre-Dame-des-Landes était devenu un de ces « grands projets inutiles » sacrifiant le bocage au nom du développement d'un mode de transport contradictoire avec les objectifs de la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Son abandon soulève la question de l'indemnisation prévue pour Vinci qui, selon le rapport remis à Edouard Philippe, pourrait aller jusqu'à 350 millions d'euros. Il y aura « une discussion entre l'Etat et son concessionnaire, qui portera sur les conditions dans lesquelles il peut y avoir ou non indemnisation », a dit M. Philippe à TF1, rappelant que Vinci exploitait déjà l'aéroport nantais actuel. Elle portera aussi sur « les conditions dans lesquelles on va exploiter à l'avenir Nantes-Atlantique, y compris en finançant un certain nombre de travaux », a-t-il précisé.