Vous vous apprêtez à signer un crédit immobilier, et la banque vous demande de domicilier vos revenus ? Depuis le début de cette année, ces pratiques sont strictement encadrées. Mais cet encadrement change-t-il vraiment la donne ?

Mise à jour : le point après un aller-retour législatif

Le législateur a tenté de mettre de l’ordre dans ces pratiques, via une ordonnance publiée en juin 2017. Avant de faire marche arrière par le biais de la loi Pacte, entrée en vigueur fin mai 2019. Le contenu de l'article ci-dessous n'est donc pas à jour. Résultat ? Retour à la situation antérieure, avec une absence d'encadrement réglementaire, et la domiciliation comme élément de « négociation commerciale ».

Plus d'infos sur la « nouvelle donne », valable à partir de la mi-2019 : Prêt immobilier : comment réagir à une demande de domiciliation de salaire ?

1 – Quelles sont les nouvelles règles ?

Depuis le 1er janvier 2018, si une banque veut contraindre un emprunteur à domicilier ses « salaires ou revenus assimilés » sur un compte ouvert dans ses livres, elle doit respecter deux conditions. La première : elle doit clairement indiquer, dans l'offre de prêt, quel est « l’avantage individualisé » accordé en contrepartie de la domiciliation. La deuxième : cette clause du contrat ne peut être valable que pendant une durée maximale de 10 ans, et elle ne peut pas non plus excéder la durée de remboursement.

Si l’emprunteur ne respecte pas la clause de domiciliation avant les 10 ans du prêt, il perdra son « avantage individualisé », le plus souvent un taux préférentiel. Au-delà de 10 ans de remboursement, en revanche, l’emprunteur sera totalement libre de domicilier ses revenus ailleurs, sans risquer aucune pénalité.

Pour plus de détails : La nouvelle règle du jeu pour la domiciliation de revenus

2 – Les banques ont-elles fait évoluer leurs offres ?

En juin dernier, quand l’ordonnance a été publiée, elle a provoqué des réactions très contrastées : certains ont salué la fin de l’ambiguïté sur la domiciliation des salaires, d’autres l’ont fortement critiqué, à cause du délai de 10 ans jugé trop long. Deux semaines après l'entrée en vigueur, et alors que les banques ont eu 6 mois pour se préparer à cette nouvelle donne, les offres de prêt ont-elles évolué ?

Les établissements de crédit se montrant généralement discrets sur ce sujet, cBanque a contacté plusieurs grands réseaux pour savoir s'ils avaient fait évoluer leurs offres de prêt. La Banque Postale, le Crédit Agricole et LCL ont confirmé l’absence de clause de domiciliation dans leurs contrats en 2018. LCL faisait pourtant partie des banques incluant une telle clause, qui « n’a jamais été bloquante » selon l’enseigne, mais la banque l'a retiré de ses offres dès 2017. Selon Sandrine Allonier, directrice des relations banques de VousFinancer, seules deux banques ont adapté leurs grilles de taux immobiliers en conséquence (un barème de taux « avec domiciliation » et un barème « sans »). Pas de taux « avec » ou « sans » domiciliation, donc, dans les autres banques à croire cette enseigne de courtage.

Plus concrètement, la demande de domiciliation passe souvent par un accord tacite, à l’oral, entre le banquier et l’emprunteur, sans que le contrat de crédit n’en fasse mention. Les banques auraient pu profiter de cette nouvelle réglementation en proposant un avantage substantiel en cas de domiciliation, afin de s’assurer la fidélité d’un emprunteur pour 10 ans. Finalement, la plupart des réseaux choisissent de ne rien changer : « Le problème, c’est que cela implique de très importants développements informatiques : prévoir deux TAEG dans les contrats, refaire un tableau d’amortissement si l’emprunteur stoppe sa domiciliation », détaille Sandrine Allonier, en soulignant que le coût de tels développements serait supérieur aux gains procurés par la mise en application de cette nouvelle mesure. « Spontanément, environ 70% des emprunteurs domicilient leurs revenus dans la banque prêteuse », ajoute-t-elle. Les réseaux bancaires préféreraient donc l'incitation orale à la contrainte écrite.

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3 – Quelle est la contrepartie, quand la clause existe ?

Depuis un peu moins d'un an, ING Direct propose une « remise de 0,10% » pour les emprunteurs domiciliant leurs revenus dans la banque en ligne. Dans ce cas, la contrepartie était déjà claire et ING Direct n’a pas eu à faire évoluer son offre. Selon VousFinancer, les deux banques ayant opté pour des grilles de taux différenciées prévoient des écarts plus prononcés : 0,30 point de réduction du taux de crédit dans un cas, 1 point dans l’autre. Autrement dit, dans cette dernière, un emprunteur peut obtenir un taux sur 20 ans de 1,50% en cas d’engagement de domiciliation de salaire pendant 10 ans, et de 2,50% sans…

4 – Concrètement, êtes-vous obligé de domicilier vos revenus ?

Si l’encadrement des clauses de domiciliation n’a pas bouleversé les pratiques, cette mesure a le mérite de clarifier les droits et devoirs des particuliers qui signent un crédit immobilier.

Premier cas de figure : votre offre de prêt mentionne une domiciliation de revenus, en l’échange d’un taux préférentiel. Dans ce cas, si vous ne respectez pas cet engagement jusqu'au 10e anniversaire du crédit immobilier, alors la banque pourra activer cette clause et vous perdrez votre taux préférentiel. Le tableau d’amortissement et votre mensualité seront alors recalculés au taux « standard ».

Deuxième cas de figure : la domiciliation n’est pas mentionnée dans le contrat, ou elle est mentionnée sans préciser de contrepartie et elle est donc illégale. Dans les deux cas, vous êtes totalement libre de demander le versement de votre salaire sur un autre compte. Même en cas d’engagement tacite, à l’oral, la banque ne pourra pas vous contraindre à domicilier vos revenus.

Lire aussi (pour les anciens contrats) : La domiciliation des revenus est-elle abusive ?