Le développement du bitcoin et autres monnaies virtuelles favorise-t-il l'évasion fiscale ? Non, assure Bercy, qui met en garde contre toute tentative de fraude. A charge pour les utilisateurs de se mettre au fait de règles particulièrement complexes.

Comment est imposé le bitcoin ?

Selon la Direction générale des finances publiques (DGFIP), le fait de détenir une cryptomonnaie n'est pas imposable : c'est le fait de convertir cette cryptomonnaie en monnaie nationale, c'est-à-dire en quelque sorte de la revendre, qui « la fiscalise ».

« Concrètement, cela veut dire que quelqu'un qui ferait des plus-values, comme vous en faites sur votre assurance-vie ou sur la vente d'un bien immobilier » devrait « les déclarer » et serait à ce titre « taxé », a rappelé mi-décembre le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.

Quel est le barème en vigueur ?

Les gains engrangés grâce aux 1.469 cryptomonnaies actuellement recensées ne sont pas considérés comme des revenus mobiliers, à l'inverse par exemple des plus-values sur les actions. Ils ne sont donc pas soumis à la fameuse « flat tax » de 30%, en vigueur depuis le 1er janvier. Ces gains, en revanche, sont soumis à la Contribution sociale généralisée (CSG), actuellement de 17,2%. Ils sont en outre soumis à l'impôt sur le revenu (IR), dont le taux peut aller jusqu'à 45%, dans le cas des contribuables les plus aisés.

Deux cas de figure, concernant l'IR, sont prévus. Si l'activité est occasionnelle, le détenteur de bitcoins est soumis au régime fiscal des bénéfices non-commerciaux (BNC). Si elle est habituelle, il est soumis au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). « Dans les deux cas, la facture peut être salée », avec « un taux d'imposition de l'ordre de 60% », souligne Eric Delannoy, président du cabinet Tenzing, qui rappelle que les règles appliquées sont « des règles par défaut », qui permettent de « soumettre les gains à une fiscalité très élevée ».

Y a-t-il des zones d'ombre ?

« Beaucoup de précisions ont été apportées par l'administration. Mais le sujet est complexe, même pour les spécialistes », en raison des multiples régimes et abattements existants, estime Gaëlle Menu-Lejeune, avocate fiscaliste au sein du cabinet Fidal.

De nombreuses spécificités existent en effet, avec des règles parfois floues (par exemple dans le cas d'un échange de cryptomonnaies entre elles), parfois techniques (dans le cas d'un transfert d'un portefeuille de cryptomonnaie, qui peut également entraîner une fiscalisation). Les utilisateurs peuvent en outre être confrontés à des difficultés pratiques. C'est à eux, en effet qu'il revient de calculer les gains réalisés, les plateformes ne fournissant généralement pas ce genre d'informations. « Cela peut être source de confusion », souligne Mme Menu-Lejeune.

Quels sont les risques pour les contribuables ?

Au vu de la complexité des règles applicables, certains pourraient être tentés de ne pas déclarer leurs gains. Mais une telle attitude « serait très risquée », souligne Eric Delannoy, qui rappelle que « toute l'histoire des transactions en bitcoins est retraçable ». « Si la déclaration n'était pas faite, il y aurait une intervention de l'administration » et un « redressement fiscal évidemment à la hauteur de la fraude », a d'ailleurs prévenu M. Darmanin.

Et en cas d'erreur de bonne foi ? « Les erreurs qui seraient issues de nouvelles pratiques ne seront évidemment pas sanctionnées », si la bonne foi est prouvée, souligne la DGFIP, qui invite les contribuables à « se rapprocher de leur centre des finances publiques pour leur poser la question et s'assurer qu'ils sont en règle ».

Et quels risques pour l'administration ?

Pour Nicolas Houy, chargé de recherches au CNRS et spécialiste du bitcoin, l'essor des monnaies virtuelles ne fait pas peser de risque particulier en matière de fraude et d'évasion fiscale. « Le bitcoin traîne avec lui une image sulfureuse. Mais en réalité, frauder avec le bitcoin est très compliqué, tout étant informatisé et enregistré », souligne-t-il. Un avis partagé par Eric Delannoy. « Quand une transaction est réalisée, la plus-value est déposée sur un compte bancaire. Or les établissements bancaires sont soumis à des règles très strictes concernant l'origine des fonds », juge le consultant.

Pour la DGFIP, les cryptomonnaies peuvent certes constituer « des supports vulnérables en matière de cybercriminalité ». Mais « la volatilité des cours et les risques de hacking » exposent les monnaies virtuelles « à des risques importants », « ce qui limite de facto leur utilisation pour les fraudeurs ayant de grands volumes à expatrier ou à blanchir ».