« Pas de nouvel impôt » : le gouvernement a tenté vendredi d'éteindre un début de polémique sur sa réforme de la fiscalité locale, écartant la création d'un nouveau prélèvement pour compenser la fin de la taxe d'habitation promise par Emmanuel Macron.

« Il n'y aura pas de nouvel impôt en France pendant le quinquennat, je m'y engage », a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur BFMTV et RMC, après un couac provoqué par des propos contradictoires au sein de l'exécutif. « On ne supprime pas un impôt pour en rétablir un autre. On ne prend pas dans la poche des Français ce qu'on vient de leur donner de l'autre main. Ca, c'est le principe fondamental », a ajouté Le Maire.

Invitée la veille de l'émission « Questions d'info », organisée par LCP, France info, Le Monde et l'AFP, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, avait pourtant évoqué la possibilité d'un nouvel « impôt plus juste » face à la suppression de la taxe d'habitation. « Il faut parler de réforme fiscale et d'impôt plus juste », avait-elle déclaré, sans toutefois donner de calendrier précis pour la mise en place de la mesure. « Ca doit s'emboîter (avec) la fin de la taxe d'habitation », avait-elle simplement fait savoir.

Sur Twitter, la ministre avait toutefois rétropédalé dans la soirée, en indiquant que la taxe d'habitation ne serait « pas remplacée par un autre impôt ». « La fiscalité locale sera entièrement repensée », avait-elle souligné.

Manque à gagner

Le gouvernement a fait voter dans son projet de budget 2018 une exonération de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, conformément à la promesse d'Emmanuel Macron. Cette réforme, dont le coût est évalué à plus de 10 milliards d'euros, doit se faire en trois étapes d'ici 2020. Fin décembre, le chef de l'Etat a dit toutefois vouloir aller plus loin, s'agissant d'un impôt jugé « injuste ». Cette exonération est « le premier acte d'une réforme ambitieuse », qui se traduira par la suppression de cet impôt « pour la totalité de nos concitoyens », a-t-il assuré.

Quand et comment cette refonte sera-t-elle mise en œuvre ? « Le plus tôt sera le mieux », a assuré vendredi Bruno Le Maire, jugeant nécessaire que le gouvernement ait au préalable « toutes les indications sur la manière » dont le manque à gagner pour les collectivités peut être « compensé ».

Les 80% de taxe d'ores et déjà supprimés « sont financés sur le budget de l'Etat », qui s'est engagé à compenser « à l'euro près » la perte de recettes fiscales pour les collectivités locales, a rappelé le ministre. Pour les 20% restants, dont le coût est évalué à « 8,5 milliards d'euros », une solution doit encore être trouvée. Le président « a indiqué il y a quelques mois qu'on pouvait envisager d'affecter une part de recettes déjà existantes, par exemple une part de la CSG, aux collectivités. C'est une piste », a dit M. Le Maire.

« Grand débat »

La question des compensations agite depuis plusieurs mois les communes et les départements, qui craignent de perdre une partie de leur marge de manœuvre financière. Plusieurs députés et sénateurs ont d'ailleurs tenté, sans succès, de faire invalider cette mesure par le Conseil constitutionnel. « Le grand débat c'est : est-ce qu'on passe d'un système où vous demandez une part d'un impôt national », ou « est-ce qu'on conserve des impôts locaux qui sont prélevés sur une assiette qui est définie et avec des taux qui sont fixés ? », a expliqué jeudi Jacqueline Gourault.

Pour Alain Trannoy, directeur de recherches à l'EHESS, « plusieurs options sont sur la table, avec sans doute des dissensions au sein du gouvernement », s'agissant d'un « chantier complexe et important ». « En théorie, il est possible de financer la réforme sans nouvelle taxe ou sans hausse d'impôt. Mais cela implique de réduire en parallèle la dépense publique, et le gouvernement est resté pour l'instant très discret sur la façon dont il entend faire des économies », ajoute-t-il.

Plusieurs élus ont d'ailleurs fait part vendredi de leur scepticisme sur les intentions réelles de l'exécutif. Le gouvernement « a une obligation de trouver de l'argent, et l'argent, il ne l'a pas », a ainsi estimé Luc Carvounas, candidat au poste de premier secrétaire du PS. « Donc la taxe d'habitation, certes, sera supprimée, mais il y aura un nouvel impôt pour remplir les caisses », a-t-il ajouté.