Le secteur bancaire français sera focalisé en 2018 sur le Brexit, l'adaptation aux réformes réglementaires et la révolution numérique. La directrice générale de la fédération bancaire française (FBF), Marie-Anne Barbat-Layani, qui a accordé une interview à l'AFP, appelle par ailleurs l'Europe à accélérer la construction de l'Union des marchés de capitaux.

Quels seront les grands chantiers du secteur bancaire pour 2018 ?

Le numérique « réinvente le modèle bancaire français de proximité »

Marie-Anne Barbat-Layani : « Il y a tout d'abord le Brexit : on va entrer dans le concret des discussions. Il va aussi falloir transposer en Europe l'accord de Bâle signé en décembre [précisant les règles de calcul des risques dans les bilans des banques, NDLR], qui a été présenté comme la dernière grande réforme de la réglementation post-crise. Il va s'agir de vérifier que les spécificités des financements européens, notamment le crédit immobilier, sont bien prises en compte. Un autre grand enjeu de 2018, c'est le numérique avec ses aspects positifs, dont l'innovation et l'amélioration des services proposés aux clients qui réinvente le modèle bancaire français de proximité, et des sujets plus complexes comme celui de la cybersécurité. On va regarder avec attention tout ce qui concerne l'évolution des métiers notamment avec le développement de l'intelligence artificielle. Sur ce dernier sujet, nous menons un travail très actif avec les syndicats. Enfin, en 2019 aura lieu le renouvellement de la Commission et du parlement européens. Il est important de commencer dès à présent à préparer certains sujets en vue de ce renouvellement. L'un des grands chantiers va être la relance de l'Union des marchés de capitaux. »

Le secteur bancaire français peut-il tirer son épingle du jeu des négociations européennes ?

« La zone euro devient plus que jamais le périmètre majeur pour nous »

M-A.B-L. : « On est dans une configuration très positive pour la France. Il y a de nouveau un leadership français qui était très attendu en Europe. On est typiquement dans le genre de période où l'on pourrait préparer des dossiers importants pour les futures institutions européennes sur le développement des marchés de capitaux notamment. La perspective d'avoir un ministre des Finances européen nous semble assez intéressante. La zone euro devient plus que jamais le périmètre majeur pour nous. Le Royaume-Uni était et restera une place financière de premier plan. Mais il ne sera plus autour de la table, l'Europe doit prendre son destin financier en main, qui plus est dans un moment où certains partenaires européens, comme l'Allemagne, sont dans une situation politique de transition. Il va falloir faire bouger les lignes et il est important que les grands pays d'Europe continentale se mettent d'accord. D'autant plus que nous assistons par ailleurs à une déréglementation américaine susceptible de rouvrir un certain nombre de sujets, qui appellent une certaine vigilance de notre part. Ils pourraient créer de réelles distorsions de concurrence. »

Il y a 10 ans, en 2008, la crise financière éclatait aux Etats-Unis et faisait vaciller nombre de banques dans le monde entier. Quel est l'état du secteur aujourd'hui ?

« Les banques françaises ont beaucoup mieux traversé la crise que d'autres banques internationales »

M-A.B-L. : « On est dans une situation un peu particulière en France : les banques ont beaucoup mieux traversé la crise que d'autres établissements à l'international. Et nous sommes le seul pays de la zone euro où il n'y a pas eu de coût net pour le contribuable. Mais de façon générale, les choses ont radicalement changé. Il y a par exemple eu la création de l'Union bancaire en Europe. Les fonds propres détenus par les banques ont plus que doublé, de nouveaux dispositifs réglementaires sur la liquidité et la résolution [procédure de sauvegarde des établissements en difficulté, NDLR] des banques ont été mis en place. Il y a par ailleurs eu des réorganisations très fortes au sein des établissements bancaires. L'importance notamment de la conformité a explosé et l'emploi dans ce secteur a fortement progressé. Avec la mise en œuvre de la supervision bancaire européenne il a fallu tout réinventer en ce qui concerne les relations avec les superviseurs. Aujourd'hui, il reste de possibles sources d'instabilité, notamment dans le champ du shadow banking [finance parallèle, NDLR]. Mais il est temps désormais de tourner la page de cette crise et il faut une banque conquérante, notamment dans un contexte de Brexit, pour garantir le financement de l'économie, mais aussi la formation professionnelle ou encore le développement des énergies vertes. »