Dans un mois, le Conseil constitutionnel validera – ou non – la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur. Courtiers et assureurs sont dans les starting-blocks, les banques sont sur la défensive, et tous jouent les lobbyistes.

Lundi, le « droit de résiliation annuelle » de l’assurance de prêt immobilier était au programme du Conseil constitutionnel. Les Sages ont étudié une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) remettant en cause l’entrée en vigueur de cette mesure, l'« amendement Bourquin », en 2018. L’enjeu est de taille : si les Sages valident cette mesure, alors tous les emprunteurs pourront changer d’assurance de prêt, même ceux qui ont signé leur crédit voici plusieurs années.

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La décision est attendue pour le 12 janvier 2018. Ces derniers jours, banques, courtiers et assureurs pèsent de tout leur poids pour faire pencher la balance. Les banques et assureurs filiales de groupes bancaires militent en coulisse pour la censure de l’amendement Bourquin. De l’autre côté, les assureurs mutualistes et traditionnels montent au créneau pour favoriser la concurrence. Les dirigeants d’Allianz, Covéa, Macif, MACSF, Maif et SwissLife ont ainsi publié vendredi un texte commun en faveur du « libre choix de l’emprunteur », un « progrès » menacé par « le lobby bancaire ». La Fédération français de l’assurance (FFA) se retrouve elle dans une position inconfortable : disposant d’adhérents membres des deux camps, la FFA s’est contentée de « prendre acte » de la QPC, s’en remettant à la décision des Sages…

Le gouvernement favorable à la résiliation annuelle

Jean-Michel Courtant, le directeur développement et marketing de Macif Mutualité, qui couvre déjà 110 000 prêts immobiliers, se montre prudent : « Tout est possible. L’influence des banques est importante, nous sommes donc vigilants, surtout pour corriger les désinformations accompagnant la QPC… » Il réfute ainsi tout « risque de déstabilisation » du marché, l’un des arguments avancés par les banques pour repousser la résiliation-substitution annuelle. Et il démonte le risque de démutualisation de l’assurance emprunteur, en soulignant que les assureurs alternatifs ont « une contribution quatre fois supérieure » sur la couverture des risques aggravés de santé.

« Tout est possible. L’influence des banques est importante. »

La bataille se jouant actuellement est éminemment politique. Le sénateur Martial Bourquin, qui a porté la mesure, est soutenu par de nombreux parlementaires. Et même par le gouvernement. Philippe Blanc, représentant du Premier ministre devant le Conseil constitutionnel, a ainsi jugé que cette mesure « répond à un motif d’intérêt général ».

Une véritable révolution ?

Le suspense ne sera levé que dans un mois mais, déjà, les courtiers en crédits ou assurances communiquent un maximum afin d’être identifiés en tant qu’intermédiaires pour les emprunteurs souhaitant changer d’assurance. « Tout le monde est dans les starting-blocks », reconnaît Jacky Guerrée, responsable marché assurances de la Centrale du financement. « Les assureurs, les courtiers spécialisés, les banques qui proposent elles aussi des contrats alternatifs : cela fait beaucoup d’acteurs sur la ligne de départ. » A ce jour, seuls 15% des emprunteurs disposent d’une assurance alternative, les 85% restants ayant opté pour le contrat groupe proposé par la banque prêteuse. Le champ des possibles est donc large.

« Beaucoup d’acteurs sur la ligne de départ »

Pourtant, à la Macif, qui opère depuis 2008 sur le marché de la délégation d’assurance emprunteur, Jean-Michel Courtant ne s’attend pas à une révolution : « Il y a un certain emballement. On voit débarquer beaucoup de nouveaux acteurs, avec parfois un peu d’opportunisme. L’amendement Bourquin va sensibiliser le grand public sur le changement d’assurance emprunteur mais on ne s’attend pas à un raz-de-marée : l’assurance est un métier qui s’inscrit sur le long terme. Je pense que les banques conserveront toujours leur domination sur ce marché. » Il voit surtout la résiliation annuelle comme un relais de croissance : « Le marché des rachats de crédits immobiliers s’est emballé en 2016-2017. Le flux de rachats va s’estomper, et le flux de reprises d’assurance [à l'occasion d'un rachat de crédit, NDLR] va donc faire de même. L’amendement Bourquin va ainsi nous permettre de poursuivre notre croissance, malgré le reflux des rachats. »

Des emprunteurs méconnaissant leurs droits

Avant d’espérer bousculer les banques sur le marché de l’assurance de prêt, assureurs et courtiers vont surtout devoir s’armer de pédagogie. Le courtier Meilleurtaux a publié ce mardi un sondage commandé à Opinionway sur le sujet : 18% des emprunteurs interrogés n'ont pas conscience qu’ils cotisent à une assurance de prêt, et la plupart des sondés se montrent peu au fait des possibilités de substitution. « Il semble évident que la multiplication des lois, amendements et allers-retours juridiques sur le sujet ont contribué à ''perdre'' le consommateur », juge Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux. Le fameux amendement Bourquin, permettant à tous de changer d'assurance, chaque année, à partir de 2018, rendrait le paysage plus limpide. Si le Conseil constitutionnel rejette la QPC…

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