L'Assemblée nationale a voté lundi un renforcement des sanctions contre les « grands fraudeurs » du fisc ayant des circonstances aggravantes, rendant obligatoire la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, sauf « décision spécialement motivée ».

Les députés ont voté avec l'aval du gouvernement un amendement LREM au projet de budget 2018 (articles « non rattachés »), ayant une « logique plus coercitive », selon les termes du rapporteur Joël Giraud (LREM), que celui qui avait été adopté en commission il y a une dizaine de jours. Avec cet amendement, adopté en première lecture, les fraudeurs fiscaux ayant utilisé une fausse identité, de faux documents ou des comptes bancaires à l'étranger, seront passibles de peines passant de 2 à 3 millions d'euros.

L'amendement prévoit en outre « des peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille », là où en commission, les députés avaient prévu des « peines complémentaires d'interdiction de droit de vote et d'inéligibilité ». « Nos concitoyens ont raison de trouver inacceptable, insupportable le fait de voir des contribuables se soustraire à l'impôt, c'est-à-dire de violer ce qui constitue notre pacte républicain », a affirmé Stanislas Guerini (LREM) en défendant cette disposition contre les « grands fraudeurs du fisc ».

« Attention à ce que ce ne soit pas une épée de bois »

Le secrétaire d'Etat Benjamin Griveaux a insisté sur le fait que le gouvernement partageait « pleinement la volonté (...) de renforcer les dispositifs dissuasifs de lutte contre la fraude fiscale », rappelant notamment les Paradise Papers et les Panama papers. « Tolérance zéro pour les fraudeurs fiscaux », a ensuite tweeté le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin.

Le communiste Stéphane Peu a salué un amendement « positif » mais, a-t-il ajouté, « attention à ce que ce ne soit pas une épée de bois » car cela ne permettra pas d'agir contre les intermédiaires et les grandes multinationales. Des amendements de la gauche de la gauche pour la création d'un « délit d'incitation à la fraude fiscale » ont été rejetés, le rapporteur affirmant qu'ils posaient un « problème de constitutionnalité ». Chaque année, la fraude fiscale représenterait 60 à 80 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État.

Le « verrou de Bercy » en débat

Dans la foulée, les députés ont adopté un amendement du gouvernement qui « vise à lutter plus efficacement contre les activités non déclarées », a expliqué Gérald Darmanin, en améliorant le traitement fiscal de l'enrichissement issu d'une activité occulte. Ils ont aussi adopté un autre amendement gouvernemental transposant une directive européenne de coopération contre la fraude fiscale. Un amendement des Insoumis pour supprimer le « verrou de Bercy » a en revanche été rejeté après de vifs débats, Gérald Darmanin appelant à ne pas « tomber dans la démagogie ».

Le « verrou de Bercy » donne à l'administration fiscale le monopole des poursuites pénales en matière fiscale, et empêche les poursuites sans l'accord du ministère des Finances. « Nous n'avons que trop tardé » à le supprimer, a estimé Pierre Dharréville (PCF). Mais une mission d'information sur le sort à réserver au « verrou de Bercy » a été mise en place récemment à l'Assemblée.

Gérald Darmanin a en outre indiqué que « le taux d'avis défavorable de la commission des infractions fiscales est à la fois stable et faible : en 2016 6,2% seulement refusés, en 2015 5,4%, en 2014 7,44% ». « En 2016, c'est plus de 1 000 plaintes, 1 063 propositions de poursuites en correctionnelle », a-t-il lancé, affirmant qu'« on ne peut pas considérer que cette commission viendrait sous un tamis protéger je ne sais qui ». Aucun membre du gouvernement n'y siège et selon le ministre, le verrou « n'en est pas un ».