Emmanuel Macron a annoncé vouloir « revisiter » intéressement et participation, dans le cadre de la transformation des relations salariés-entreprise qu’il appelle de ses vœux. Quand ? Comment ? Eléments de réponse.

Emmanuel Macron, dimanche soir, sur TF1 : « Quand une entreprise a des difficultés, il faut que par le dialogue social on puisse ajuster les choses. Mais quand ça va mieux, je veux aussi que les salariés puissent avoir leur part de réussite. Donc je souhaite qu’on puisse revisiter cette belle invention gaulliste de l’intéressement et de la participation. Je veux qu’en 2018 on puisse avoir un vrai débat sur ce point. »

Consacrant l’essentiel de son propos à l’explication des réformes en cours, le président de la République a fait peu d’annonces. Surprise, l’une des rares annonces concernait le partage des profits et l’épargne salariale : « J’ai été surpris que cela fasse partie des annonces télévisées, oui, mais pas de sa volonté de faire évoluer intéressement et participation », réagit Olivier de Fontenay, fondateur associé du cabinet spécialisé Eres.

Intéressement et participation en bref

Les deux dispositifs répondent à des principes différents : « La participation dépend des résultats de l’entreprise, avec une formule légale », explique Laure Delahousse, chargée de l’épargne salariale à l’Association française de la gestion financière (AFG). « L’intéressement, c’est bien plus souple, cela passe par un accord », en fonction d’objectifs fixés entre employeur et salariés.

Les salariés sont libres de toucher directement ces sommes, alors soumis à l’impôt sur le revenu. Ils peuvent échapper à l’impôt en les plaçant sur un plan d’épargne salariale, PEE ou Perco. Envrion 55% des salariés du secteur privé ont accès à au moins un de ces dispositifs. Soit 8,6 millions de salariés en 2015 selon les statistiques publiées en août dernier.

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« Ils ont plus de marge de manœuvre qu’en 2014 »

Petit rappel : en 2014-2015, parmi ses nombreux chantiers, la loi Macron comprenait un volet « épargne salariale ». Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, était donc déjà à la manœuvre pour faire évoluer les dispositifs de redistribution aux salariés, avec Christophe Castaner, alors vice-président du Copiesas (1), comité mis en place pour proposer des mesures. « Ils ont plus de marge de manœuvre qu’en 2014, surtout s’ils intègrent cette réforme comme un axe du changement de relation entre salariés et entreprise », analyse Olivier de Fontenay. « A l’époque, la loi Macron touchait de très nombreux sujets et, lors des discussions parlementaires, l’épargne salariale n’était peut-être pas une priorité. » Au final, la réforme portée par la loi Macron avait permis quelques simplifications, une meilleure information aux salariés et une incitation à l’investissement dans l’économie réelle. De l’aveu même de Christophe Castaner, il était « impossible de tout bouleverser ».

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Quelles pistes ou mesures passées à la trappe en 2014-2015 pourraient revoir le jour ? A ce jour, ce nouveau chantier reste au stade des prémices. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et le désormais porte-parole du gouvernement Christophe Castaner ont confirmé des discussions, sans livrer de pistes tangibles. « Nous n’avons pas été saisi d’une proposition de réforme », affirme Laure Delahousse, adjointe au délégué général de l’AFG, groupement de sociétés de gestion et entité incontournable sur le sujet.

Une loi « sur la transformation des entreprises » en 2018

Ce que l’on sait, à ce jour, c’est que ces nouvelles mesures prendront place dans un « projet de loi sur la transformation des entreprises », présenté en 2018, comme l’a confirmé Bruno Le Maire. Le propos d’Emmanuel Macron et les tractations passées permettent tout de même de lire entre les lignes. Laure Delahousse, de l’AFG, voit « deux messages ». Le premier : « La pédagogie, que les Français comprennent mieux le fonctionnement de l’entreprise. L’intéressement et la participation s’intègrent bien dans cet objectif, en récompensant les salariés lorsque cela fonctionne bien. » Le second : « Associer les salariés dans la vie de l’entreprise. Même s’il n’a pas cité l’actionnariat salarié, cela peut passer par là. L’investissement en actions en général, par exemple l’actionnariat salarié, permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’entreprise. L’épargne salariale pourrait être un catalyseur pour faire revenir les Français vers les actions pour leur épargne à long terme. »

Objectif principal : toucher « le salarié de la boulangerie »

Le principal frein au développement de l’épargne salariale est ailleurs : seules les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place la participation. A peine une TPE (moins de 10 salariés) sur dix donne accès à un dispositif de partage des profits à ses employés. Or Bruno Le Maire veut concerner « tous les salariés, y compris le salarié de la boulangerie d'une petite commune dans l'Ubaye à Barcelonnette ». Problème : « Le patronat est arc-bouté sur la baisse du seuil de participation », affirme Olivier de Fontenay. François Asselin, président de la CPME, a d’ailleurs affiché ces réticences dès cette semaine : « Le premier souci du chef d’entreprise » de TPE est selon lui « de faire du résultat ».

Revoir la formule de la participation : possible mais difficile

Autre chantier, esquissé en 2014-2015 mais abandonné : la révision de la formule de participation. « Un gros chantier ! », reconnaît Laure Delahousse. « Un vrai serpent de mer », ajoute Olivier de Fontenay, d’Eres, qui développe : « Simplifier la formule la rendrait plus lisible mais on a du mal à mesurer les effets de bord. » D’où les réticences des groupements patronaux.

Fusionner intéressement et participation : peu probable

En 2014-2015, dans une optique de simplification, une fusion de l’intéressement et de la participation avait aussi été évoquée. Problème : le premier dispositif est facultatif et souple, l’autre obligatoire et plus rigide : « En rassemblant ces dispositifs, si différents, les salariés y gagneront-ils vraiment ? », interroge Laure Delahousse. La loi Macron a harmonisé les modalités de versements de l’intéressement et de participation. Pas sûr que le « rapprochement » aille plus loin.

Un nouveau plan d’épargne salariale : peu probable

A la télévision, Emmanuel Macron n’a pas cité les supports sur lesquels les salariés peuvent déposer intéressement et participation : les plans d’épargne salariale, PEE ou Perco. Faut-il un nouveau support, plus attractif pour les salariés ? « Les enveloppes, il ne faut pas y toucher ! », coupe Olivier de Fontenay, fondateur associé d’Eres. « Ce serait contre-productif. Au contraire, il faut laisser les particuliers s’y acclimater. Cela réclame du temps, de la stabilité ! » En revanche, il voit d’un bon œil l’obligation d’accès à ces plans dans toutes les entreprises.

Une phase de consultation

Le principal point d’achoppement entre syndicats salariaux, patronaux et acteurs de l’épargne salariale risque donc, une nouvelle fois, d’être l’équilibre entre obligation et incitation à la participation et/ou à l’intéressement dans les TPE et PME. Les gestionnaires d’épargne salariale, comme l’AFG, vont eux chercher à renforcer des dispositifs du type « Perco plus », qui permet un forfait social restreint pour l’entreprise si l’argent est en partie fléché vers les PME, en gestion pilotée. Des discussions auront probablement lieu prochainement au sein du Copiesas, le comité devant « être relancé » comme le pressent Laure Delahousse, de l’AFG. Les conclusions devront être rendues rapidement : « Dans le courant du premier semestre probablement. » Objectif : un projet de loi « transformation des entreprises » avant la fin 2018.

Le Livret E ? Déjà enterré…

Parmi les propositions élaborées par le Copiesas, dans son rapport publié fin 2014, figurait le « Livret E », avec la promesse d’une rémunération plus élevée que le Livret A pour les salariés, et de sommes conservées en trésorerie pour l’entreprise. Avantageuse d’un point de vue « marketing », l’idée a été fortement critiquée par les acteurs du marché, et jetée aux oubliettes. Elle ne devrait pas refaire son apparition : « Le Livret E, c’était une erreur intellectuelle ! », tonne Olivier de Fontenay. « Cela existe déjà, cela s’appelle le compte courant bloqué (CCB) et cela ne permet pas de créer des fonds propres mais un passif, une dette des entreprises envers leurs salariés. »

(1) Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.