Changement de banque, usages mobiles, nouveaux acteurs, accompagnement : la 7e édition de la copieuse étude annuelle Deloitte propose une photographie des usages et des attentes des Français vis-à-vis des banques. Un jugement parfois sévère.

Petit à petit, le souvenir de Lehman Brothers, de la crise des subprime et de Jérôme Kerviel s’estompe un peu dans l’esprit des Français. En 2017, ils sont un peu plus qu’en 2016 à avoir confiance dans leur banque (66% contre 65%) et dans le système bancaire en général (41% contre 38%).

« Les investissements des banques portent leurs fruits : elles ont massivement travaillé à la rénovation de leurs schémas relationnels avec l’objectif d’augmenter le sentiment de confiance », note Alexandre David, associé industrie financière chez Deloitte, et maître d’œuvre de l’étude (1). « Toutefois, malgré cette amélioration, elles comptent encore plus de détracteurs que de promoteurs, à l’exception des banques directes. Il s’agit donc plutôt d’une diminution de la défiance. »

Changement de banque : de l’intention à l’action ?

C’est un score plutôt correct : 6 Français sur 10 estiment que le volet mobilité bancaire de la loi Macron, entré en vigueur en février, est une incitation à changer de banque. Le marché bancaire français va-t-il, comme espéré, gagner en fluidité ? Alexandre David modère ce point de vue : « Il faut distinguer l’intention de l’action. Certes, la loi Macron rend le changement de banque plus simple. Mais il faut rappeler que son périmètre est limité au compte courant, alors que les Français sont généralement multi-équipés dans une même banque, avec des produits d’épargne, d’assurance-vie et un ou plusieurs crédits, conso ou immo. »

De fait, malgré la loi Macron, le risque d’attrition (c’est-à-dire le risque de perte de clientèle) du secteur reste stable par rapport à 2016. « Les banques bénéficient du contexte de taux favorable, qui permet à leurs clients de renégocier leur crédit immobilier et de gagner du pouvoir d’achat, non compensé par le mouvement de hausse des frais bancaires. Cette hausse de pouvoir d’achat est un facteur d’amélioration de la confiance des Français dans leur banque », analyse Alexandre David.

Stables aussi sont les raisons qui poussent les clients à changer de banque principale : c’est toujours l’expérience client déficiente qui est l’argument le plus souvent cité (par 39% des sondés), de peu devant les tarifs trop élevés (36%) et la perte de confiance (34%).

Un CSP+ sur 2 tenté par les nouveaux acteurs

37% seulement des Français se sentent prêts à ouvrir un compte ailleurs que dans une agence bancaire ou dans une banque en ligne. C’est un peu moins qu’en 2016 (38%). Toutefois, ce pourcentage monte à 47% chez les CSP+ et à 43% chez les 25-49 ans.

Parmi les nouveaux acteurs, ce sont les établissements de paiement, du type PayPal, qui sont les plus cités (51%), devant les opérateurs téléphoniques (18%) qui progressent nettement : +5 points par rapport à 2016. Une bonne nouvelle pour Orange Bank, attendue dans les prochaines semaines.

Banque numérique : une progression en trompe-l’œil ?

Deloitte l’affirme : le « digital est arrivé à maturité » en France. Pour justifier cette affirmation, le cabinet s’appuie sur la nette hausse de l’usage des applications mobiles pour consulter ses comptes (34% contre 27% en 2016), réaliser des opérations simples (28% contre 21%) et, dans une moindre mesure, s’informer sur les produits (12% contre 9%) et réaliser des opérations complexes (6% contre 4%). Autant de progressions qui se font aux dépens, non pas de l’usage du site web, mais de celui des agences et des conseillers. Sans surprise, les plus enclins à utiliser leur mobile sont les plus jeunes, les 15-24 ans : ils sont 44% à utiliser à la fois le site et l’app, et 21% seulement l’app.

Pour autant, les Français sont-ils tous prêts à une relation bancaire 100% numérique ? La réponse est généralement non. La proximité d’une agence physique est ainsi toujours la première raison de choisir sa nouvelle banque. Disposer d’un conseiller attitré reste aussi une demande de nombreux clients bancaires, surtout parmi les plus aisés. Enfin, les deux tiers des Français sont encore rétifs à l’idée d’utiliser la visioconférence pour rencontrer un conseiller, et préfèrent même le téléphone. « Les conseillers non plus ne franchissent pas le pas, alors que la plupart des enseignes sont équipées de dispositifs de visio », constate Alexandre David. « Nous sommes encore loin des habitudes anglo-saxonnes dans ce domaine. »

De plus en plus sensibles sur la question des données

C’est là encore un paradoxe. Alors que toutes les banques ou presque s’organisent pour mieux tirer partie des données bancaires de leurs clients, les Français sont de moins en moins enclins à accepter de fournir des informations personnelles pour se voir proposer des produits et services mieux adaptés à leurs besoins. Ils ne sont plus que 62% à l'envisager en 2017, contre 76% en 2013.

Un manque d’accompagnement dans les « moments de vie »

C’est une attente très forte des clients : que leur banque sache les accompagner dans les « moments de vie », notamment en cas de chômage, d’invalidité, d’achat immobilier ou de décès d’un proche. Pourtant, ce qui devrait apparaître comme un savoir-faire de base des banques est aujourd’hui un vrai manque, constate Deloitte.

Ainsi, seuls 8% des Français confrontés au chômage se sont sentis tout à fait bien accompagnés, et 31% pas du tout. 10% ont pu compter sur leur banque suite à un divorce, et 34% pas du tout. Verdict : « Les banques ont une grande marge de progression sur le sujet », estime Alexandre David. Et elles ont tout intérêt à le faire : la capacité à accompagner leurs clients dans les moments de vie délicats restent, dans l’esprit des Français, un vrai facteur de différenciation entre les banques traditionnelles, notamment les mutualistes, et les banques en ligne, totalement hors jeu sur le sujet.

(1) Relation banques et clients, édition 2017. Etude réalisée en juin 2017 auprès de 3 304 clients particuliers, représentatifs de la population nationale, interviewés en ligne, sélectionnés au sein de l’access panel de Harris Interactive et gérés selon la méthode des quotas et redressements sur les critères de sexe, âge, région et catégorie socioprofessionnelle.