La fiscalité de l’assurance-vie s’est invitée dans les débats cette semaine, suite aux déclarations du gouvernement sur le projet de « flat tax ». De quoi s’agit-il ? Quels contrats d’assurance-vie concernera-t-elle ? Qu’avait annoncé Emmanuel Macron lors de la campagne ? Mise en perspective de la polémique naissante, en cinq questions.

1 – Qu’est-ce que la « flat tax » ?

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a promis la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU), « de l’ordre de 30% », sur les revenus du capital. Les contours de ce PFU, surnommé « flat tax », ont été précisés à maintes reprises lors de la campagne. En résumé, il s’agit d’une imposition remplaçant la double taxation actuelle sur les revenus du capital : impôt sur le revenu + prélèvements sociaux (15,5% actuellement, potentiellement 17,2% en 2018 avec la hausse de la CSG). Objectifs annoncés : transparence et simplification.

Tel qu’il a été décrit, ce PFU ne s’appliquerait pas unilatéralement à tous les produits d’épargne ! Livret A, LEP ou autres LDDS restent entièrement défiscalisés. Le PEA conserve sa fiscalité attractive. Et, dans tous les cas, les épargnants peuvent choisir : soit l’imposition classique (barème de l’impôt sur le revenu + cotisations sociales), soit la flat tax de 30%. Le PFU resterait facultatif. En théorie, il doit permettre aux épargnants les plus fortement imposés de plafonner l’imposition des revenus de leur patrimoine (livrets bancaires classiques, compte-titres, intérêts des prêts participatifs, etc.).

2 – Qu’est-ce que Macron avait annoncé, lors de la campagne, pour l’assurance-vie ?

L’assurance-vie dispose historiquement d’un cadre fiscal très avantageux, en comparaison de la fiscalité s'appliquant au reste du patrimoine. Les revenus tirés de l’assurance-vie sont soumis à l’impôt sur le revenu au moment du retrait. C’est au bout de 8 ans de détention qu’une assurance-vie permet à son détenteur de bénéficier de la fiscalité la plus avantageuse : impôt sur le revenu après abattement de 4 600 euros, ou prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5% après abattement. En comptant les prélèvements sociaux (15,5%), l’imposition plafonne actuellement à 23%.

Plus d’infos sur la fiscalité de l’assurance-vie

Lors de la campagne, Emmanuel Macron et son mouvement En Marche avaient annoncé que, pour les anciens versements et jusqu’à 150 000 euros d’encours par personne, l’imposition ne changerait pas. Ce ne serait que pour de nouveaux versements et une fois dépassé ce seuil de 150 000 euros par contribuable que s’appliquerait le nouveau système (imposition au barème ou PFU de 30%).

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3 – Qu’est-ce que Bercy vient d’annoncer ?

Le débat s’est rouvert en cette fin août, à l’occasion de la rentrée politique. La présentation du budget 2018 approchant, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire ainsi que celui des Comptes publics Gérald Darmanin ont cherché à aller au-devant des critiques en réexpliquant cette réforme et la mise en place spécifique pour l’assurance-vie. Ce qui a de fait relancé la polémique.

Qu’ont-ils annoncé ? Ils ont dans les grandes lignes repris l’annonce du candidat Macron, avec une « flat tax » de 30% dès 2018, et en rappelant que celle-ci ne concerne ni les « contrats » de « moins de 150 000 euros », ni les revenus tirés des anciens versements.

4 – Quels épargnants seront concernés par la « flat tax » ?

Dans l’argumentaire des locataires de Bercy, un argument revient à chaque prise de parole : ce nouveau système de taxation ne touchera qu’une minorité d’épargnants, la plus aisée.

Difficile de vérifier cette statistique mais elle apparaît plausible. Le régulateur bancaire recense plus de 50 millions de contrats d’assurance-vie en France. Et l’immense majorité des encours (plus de 88%) est détenue sur les contrats bancaires (17 000 euros par contrat en moyenne) ou patrimoniaux (66 000 euros par contrat en moyenne) selon les statistiques du cabinet Facts & Figures. En nombre de contrats, la catégorie des assurances-vie dites de gestion privée (encours moyen de 200 000 euros) pourrait effectivement se limiter à 3% du marché.

Vers un seuil de 150 000 euros par contribuable, 300 000 euros pour un couple

Il reste toutefois une ambiguïté à lever : ce nouveau système s’appliquera-t-il au-delà du seuil de 150 000 euros par contribuable ou par contrat ? Lors de la campagne, En Marche avait indiqué « par personne », mais les ministres Le Maire et Darmanin ont répété « par contrat » ces derniers jours dans les médias. Sollicité par cBanque, le cabinet de Bruno Le Maire rappelle que tout est encore « en discussion », jusqu'à la présentation du budget 2018 à la fin septembre. Mais les services de Bercy confirment privilégier un seuil de 150 000 euros par contribuable, et de 300 000 euros pour un couple (1). Il ne sera donc pas possible de multiplier les contrats d’assurance-vie pour contourner cette « flat tax ».

Les contrats touchés

  • Plus de 150 000 euros (par contribuable, sur un ou plusieurs contrats) ;
  • Plus de 8 ans de détention (avant les 8 ans, l’application de la flat tax permettra au contraire d’abaisser l’imposition dans la plupart des cas) ;
  • Uniquement les revenus tirés des versements effectués à partir de 2018 (entrée en vigueur annoncée du prélèvement forfaitaire unique).

5 – Quelles alternatives proposent les assureurs ?

Pendant la campagne, assureurs et associations d’épargnants s’étaient mobilisés contre la flat tax. Ce travail de lobbying recommence logiquement à l’approche des débats budgétaires, sur le terrain médiatique puis au Parlement.

Pour appuyer leur propos, la Fédération française de l’assurance (FFA) a évoqué une alternative. Les assureurs proposent de maintenir la fiscalité actuelle de l’assurance-vie inchangée, à une exception près : repousser la durée de détention nécessaire pour profiter de la fiscalité la plus avantageuse de 8 ans à « 10 ou 12 ans ». Les tractations sont en cours entre Bercy et les professionnels. Le feuilleton de la fiscalité de l’assurance-vie devrait se poursuivre jusqu’au vote définitif du projet de loi de finances pour 2018, à la fin de l’année.

Mise à jour (1er septembre, 18h55) - Ajout de la précision des services de Bercy sur le seuil de 150 000 euros.

(1) Dans une communication diffusée le 1er septembre sur la réforme de la fiscalité, le gouvernement a confirmé un « seuil de 150 000 euros d’encours total (300 000 euros pour un couple) ».