En quête de nouvelles sources de revenus, les banques de détail s’intéressent de plus en plus aux données, de paiement notamment, de leurs clients. Pourquoi maintenant ? Et comment les exploiter en respectant leur confidentialité ? Illustration avec le cas de Max, nouveau service développé par le Crédit Mutuel Arkéa.

Combien gagnez-vous ? Etes-vous locataire ou propriétaire ? Où faites-vous vos courses ? Quels sont vos hobbies ? Où partez-vous en vacances ? Voici un (petit) aperçu du type d’informations personnelles qu’on peut facilement déduire de vos comptes bancaires. A l’heure où les données personnelles, et leur exploitation pour vous cibler, sont devenues un des principaux moteurs de revenus de l’économie numérique, on peut le dire : vos données de paiement sont une véritable mine d’or.

Une mine d’or, certes, mais sous-exploitée. Car si les banques savent faire travailler votre argent, elles sont nettement moins à l’aise avec ces données qu’elles détiennent. Par crainte, sans doute, de se voir reprocher des indiscrétions et des entorses au secret bancaire ; mais aussi par incapacité technologique à traiter et valoriser ces données.

Les attentes des clients changent

Le paysage, toutefois, est en train d’évoluer, voire de changer du tout au tout. Les taux bas, d’abord, minent les traditionnelles sources de revenus des banques et les contraignent à la fois à diminuer leurs coûts (en fermant des agences par exemple) et à trouver des relais de croissance, par exemple en monétisant les données de leurs clients.

L’évolution des attentes de leur clientèle ensuite, qui souhaite plus de services bancaires personnalisés et de conseils sur mesure, grâce notamment à l’analyse de données. De nouveaux entrants, communément désignés sous le terme fintechs - contraction de finance et de technologie -, l’ont bien compris et développent des solutions alternatives.

Un risque de perte de l'accès au client

Pour couronner le tout, les banques sont en passe de perdre l’exclusivité de l’accès aux données de leurs clients. La directive européenne révisée sur les services de paiement (DSP2) va en effet les obliger, dès 2018, à adopter un format ouvert utilisable par des services tiers, spécialisés par exemple dans les paiements et/ou la gestion budgétaire. Le risque pour elles est assez simple : la possible perte de l’accès direct au client, au profit de ces tiers.

Dans ce contexte, les banques n’ont plus le choix : elles doivent s’intéresser à vos opérations bancaires, actuellement peu ou pas exploitées, et transformer ces « données mortes » en « données vivantes ». Mais comment y parvenir ? « De nombreuses enseignes ont la volonté de créer des coachs budgétaires », explique Stéphane Nouy, directeur en France de Moneythor, une fintech spécialisée dans l’aide à la gestion de budget.

Des machines à traiter les données

Une banque a récemment pris un peu d’avance dans ce domaine. Le Crédit Mutuel Arkéa a en effet annoncé le lancement début septembre de Max, un assistant personnel sur mobile. Un exemple de ce que pourrait être la banque à l’avenir.

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Max a clairement été conçu comme une machine à récolter des données. Dès le mois d’octobre, les usagers du service - totalement gratuit, il faut le rappeler - pourront bénéficier d’une carte bancaire et d’un numéro de compte, et donc effectuer des paiements, voire domicilier leurs revenus. Mais avant cela, ils seront encouragés à rapatrier dans Max les données issues de leurs autres comptes bancaires et de leurs contrats d’assurances. Ces dernières seront ensuite exploitées par Moneythor, qui les utilisera pour fournir des conseils budgétaires personnalisés, ou par Fluo, une autre fintech partenaire spécialisée dans l’optimisation des couvertures d’assurances.

Ce faisant, Max compte gagner de l’argent non pas en vendant ces données à des annonceurs soucieux de mieux cibler les consommateurs, comme le font Google ou Facebook, mais en les exploitant directement. « Les données bancaires sont monétisables dans la mesure où elles sont utilisées pour fournir des conseils pertinents au client, ce qui permet de les fidéliser et de leur vendre des produits adéquats », explique le directeur de Moneythor, qui promet que « Max ne collecte pas de données non utiles » dans ce cadre.

Vendre de la confiance

Ce respect de la confidentialité et du secret bancaire est d’autant plus décisif pour les banques que le conseil personnalisé n’est pas la seule piste de monétisation des données. L’air du temps est en effet à la reprise en main, par les usagers, de leurs données personnelles. C’est le sens, notamment, d’un règlement européen (1) qui entrera en application en mai 2018 et se donne pour objectif de renforcer les droits des citoyens, en leur donnant plus de maîtrise sur leurs données. Pour Stéphane Nouy, les banques ont ainsi le bon profil pour devenir, dans ce cadre, le tiers de confiance des usagers : un coffre-fort pour leurs données, en plus d’être un coffre-fort pour leur argent.

Elles peuvent même espérer élargir leur spectre et devenir les garantes de l’identité numérique de leurs clients. « Les banques, grâce à leurs données, à leur connaissance des clients, à la confiance qu’on leur accorde, ont l’opportunité d’être au cœur du monde connecté », estime ainsi Olivier Thirion de Briel, directeur marketing monde des solutions d’identité et de gestion des accès chez HID Global. « Elles vendent de la confiance, c’est une opportunité incroyable pour elles. En plus de gérer de l’argent, elles peuvent gérer des identités. C’est une nouvelle source de revenus potentielle pour elles. »

(1) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données