Le fameux « cap des 70 ans » est l’objet de bien des inquiétudes. Sont-elles fondées ? Faut-il ouvrir une assurance-vie après 70 ans ? Ce placement est-il moins intéressant pour les seniors ? Le point, en 5 questions.

1 - Que se passe-t-il aux 70 ans du détenteur de contrat ?

Pas de panique : votre ou vos contrats d’assurance-vie existants ne sont en rien menacés ! Le cap des 70 ans ne change la donne qu’en termes de succession. Sur les aspects purement financiers, contractuels ou fiscaux (impôt sur le revenu et ISF), rien - ou presque - n'évolue. Par ailleurs, en cas de décès, les versements effectués jusque là permettent toujours de faire profiter du très avantageux abattement de 152.500 euros par bénéficiaire : le fait de devenir septuagénaire ne remet pas en cause cet avantage.

En revanche, une fois fêté le 70e anniversaire, un nouveau décompte est enclenché si vous continuez à investir sur une assurance-vie. Les sommes déposées à partir de cet âge permettent uniquement de bénéficier d'une exonération jusqu’à 30.500 euros de versements, tous contrats et tous bénéficiaires confondus. Au-delà de ce seuil, les sommes versées rejoignent l’actif successoral, et sont soumis aux droits de succession habituels, ce qui est donc moins avantageux.

2 – Qui est concerné par le « cap » des 70 ans ?

Votre patrimoine se compose d’une résidence principale d’une valeur de 250.000 euros et d’une assurance-vie de 200.000 euros constituée avant vos 70 ans. Vous avez trois enfants pour héritiers et pour uniques bénéficiaires de l’assurance-vie. A votre décès, vos enfants ne paieront aucun droit de succession, grâce aux différentes strates d’abattements (voir l’encadré ci-dessous). Nul besoin, donc, de vous inquiéter du « cap des 70 ans » !

Tout dépend donc de la situation familiale et patrimoniale ! Mais la question du « cap des 70 ans » ne concerne bien évidemment que les contribuables disposant d’un patrimoine important, surtout s'il y a peu d’ayants droit.

Droits de succession : rappel des principaux abattements

Selon le lien de parenté avec les ayants droit, plusieurs abattements coexistent (1) :

  • Dans toute succession, quand le patrimoine (immobilier, financier, etc.) est transmis en ligne directe (enfant, ascendant, etc.), chacun des héritiers bénéficie d’un abattement de 100.000 euros. Hors ligne directe, l’abattement varie selon le lien de parenté : 15.932 euros pour les frères et sœurs, 7.967 pour les neveux et nièces, etc.
  • L’assurance-vie profite d’un régime spécifique. Pour tous les versements effectués avant 70 ans, un abattement de 152.500 euros est appliqué pour chaque bénéficiaire.
  • Pour l’ensemble des versements effectués après 70 ans, un abattement de 30.500 euros est appliqué pour l'ensemble des bénéficiaires.

A savoir : les contrats souscrits jusqu’au 12 octobre 1998 bénéficient d’un régime encore plus favorable, surtout lorsque les versements ont été effectués avant le 20 novembre 1991.

Plus d’infos sur la fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès

3 – Avant 70 ans : comment optimiser son ou ses contrats ?

Si votre situation vous expose aux droits de succession, alors autant profiter au maximum de l’enveloppe de l’assurance-vie avant ce fameux cap : « A l’approche des 70 ans, le plus souvent, on a intérêt à alimenter au maximum le ou les contrats pour optimiser les abattements de 152.500 euros par bénéficiaire, puis pour profiter des taux forfaitaires, de 20% puis 31,25%, sur la transmission », souligne Yves Gambart de Lignières, conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI).

Prendre en compte la situation du couple

Attention à la désignation des bénéficaires. Dans un couple, si M. X a désigné sa femme Mme Y comme bénéficiaire, son assurance-vie va venir grossir le patrimoine de Mme Y au décès de monsieur. Et éventuellement contraindre cette dernière à effectuer un versement sur une assurance-vie après 70 ans. Cette situation peut être anticipée en modifiant la clause bénéficaire ou en passant de l'adhésion simple à la co-adhésion.

4 – Après 70 ans : faut-il ouvrir un nouveau contrat ?

Si vous continuez à effectuer des versements sur le même contrat après votre 70e anniversaire, l’assureur devra enregistrer l’historique de vos investissements pour séparer capital constitué avant 70 ans et versements effectués par la suite. Pour éviter toute complication, et dans un souci d’optimisation, il est conseillé d’ouvrir un nouveau contrat. Pour comprendre, il faut connaître une autre subtilité de l’assurance-vie après 70 ans : en cas décès, seuls les versements sont imposés (au-delà de 30.500 euros), mais pas les plus-values !

Deux arguments vont alors dans le sens de la souscription d’un nouveau contrat. Premier d’entre eux : maximiser les gains sur ce nouveau contrat, pour profiter pleinement de l'exonération de droits de succession sur les plus-values. « A 71 ans, il faut réfléchir au niveau de l’allocation globale », confirme Yves Gambart de Lignières. « Je conseille de sécuriser l’allocation des contrats les plus anciens, et de concentrer le risque sur le contrat ouvert après 70 ans si celui-ci ne fait pas l’objet de rachat. » Car c’est sur le contrat à l’allocation la plus risquée que la probabilité de réaliser des gains significatifs est la plus forte.

Le second argument repose sur un point complexe. Le fisc calcule différemment la part de plus-values des rachats, que ce soit au moment du retrait, pour l’impôt sur le revenu, ou au moment du décès, pour les droits de succession (2). Conséquence : la base de calcul des droits de succession au dénouement au contrat est plus importante. Cette particularité ne concernant que les versements après 70 ans, autant segmenter les contrats pour choisir où effectuer ses rachats en connaissance de cause.

5 – Faut-il miser sur d’autres placements ?

« Souvent, on entend des clients nous dire qu’à 70 ans, il ne faut plus réaliser de versements sur une assurance-vie », raconte le gestionnaire de patrimoine Yves Gambart de Lignières. « Ce n’est pas ainsi qu’il faut aborder cette question ! Il faut se rendre compte que l’assurance-vie est une excellente enveloppe civile, financière et fiscale et être conscient que la donne change, effectivement, à 70 ans. Mais l’assurance-vie reste une excellente enveloppe, même à cet âge là ! »

D’autres placements peuvent être envisagés selon le profil du foyer : « Si, à 80 ans, la personne souhaite aider ses petits-enfants, sans trop attendre alors il vaut mieux ouvrir, pour chacun d’entre eux, un contrat de capitalisation qui leur sera donné de son vivant. » Le contrat de capitalisation peut en effet être transmis grâce à une donation, sans que l’antériorité fiscale du contrat ne soit remise en cause. Yves Gambart de Lignières reconnaît en revanche éviter des placements à long terme, comme les SCPI, ou trop risqués, comme le private equity, pour des clients ayant dépassé un certain âge. « En cas de décès les héritiers pourraient nous reprocher un manquement sur notre devoir de conseil. »

(1) Ces abattements s’appliquent séparément, et ne peuvent pas toujours s’additionner. Ainsi, si la somme revenant à un bénéficiaire via l’assurance-vie dépasse les 152.500 euros, c’est le taux forfaitaire qui s’applique dans tous les cas, même s’il peut profiter d’autres abattements par ailleurs.

(2) Au moment du rachat, l’administration fiscale calcule la part de plus-value, imposable, au prorata. En revanche, au moment de la succession, les rachats passés sont considérés comme comportant uniquement de la plus-value. Ces derniers mois, le courtier en assurances François Nicaudie a pointé cette différence d’interprétation qu’il considère comme contestable à de nombreuses reprises dans les médias.