Sans surprise, les taux moyens des crédits immobiliers ont encore augmenté début mars, effaçant la baisse enregistrée au cours des 6 derniers mois. Les banques font toutefois l'effort de les maintenir à des niveaux attractifs. Les chiffres et les analyses des courtiers spécialisés.

A 1,49% en moyenne en février 2017, les taux des crédits immobiliers ont « repris 18 points de base » depuis décembre 2016 et « ont donc retrouvé leur niveau d’août 2016 », selon la dernière vague de l’Observatoire Crédit Logement-CSA. C’est donc l’équivalent de six mois de baisse qui a été effacé en 3 mois. Mais est-ce vraiment grave ? Non, répondent en choeur (et sans grande surprise) les courtiers spécialisés.

Un scénario confirmé de « remontée lente »

« Pour ce mois de mars, les banques ont poursuivi la remontée de leurs barèmes », confirme Cafpi dans sa « météo des taux » mensuelle. Mais cette remontée se fait à un rythme inférieur à ce qu’elle pourrait être : « Aujourd’hui, les OAT 10 ans [titres de dette souveraine française, NDLR] ont retrouvé leur niveau d’il y a un an ; les taux sont, eux, encore au-dessous de ceux pratiqués l’an dernier (…) ». Cafpi estime ainsi, sur la foi de barèmes reçus au 28 février 2017, les taux de marché à 1,68% pour un emprunt sur 15 ans, 1,86% sur 20 ans et 2,12% sur 25 ans. Vousfinancer, de son côté, est un peu plus optimiste, avec des taux de 1,45 % sur 15 ans, 1,65 % sur 20 ans et 1,85 % sur 25 ans, en légère baisse de 10 points de base, en moyenne, par rapport à février.

Cette modération de la baisse a deux explications, selon Cafpi : la faiblesse confirmée des taux directeurs de la BCE, qui n’a toujours pas renoncé à sa politique de relance, et le contexte concurrentiel français. Avec « l’essor des banques en ligne » et la « loi Macron favorisant le changement de banque », les banques, en effet, « se doivent de rester attractives pour poursuivre leur conquête de clientèle », analyse Cafpi.

Une activité qui reste record

Résultat : les conditions de crédit en France restent historiquement favorables. Et la production historiquement haute : 37,4 milliards d’euros en janvier - record de décembre 2016 battu ! - dont près de 62% de renégociations.

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« Janvier et février signent encore des niveaux de production de crédit incroyables », confirme le courtier Empruntis. Chez Vousfinancer, les volumes de demande de prêts sont « trois fois plus élevés que début 2016 » : « Alors qu’on craignait que la remontée des taux ne risque de bloquer le marché, l’annonce de la fin de la baisse a, au contraire, entrainé un sursaut de demandes fin 2016, poussant les attentistes à passer à l’acte afin de profiter des taux bas et les retardataires à enfin renégocier leurs crédits », analyse le courtier spécialisé.

La « partie visible de l’iceberg »

Pour autant, tous les voyants sont-ils au vert ? Vousfinancer veut le croire. D’autres sont plus circonspects. C’est le cas d’Empruntis, pour qui cette activité record pourrait n’être que la « partie visible de l’iceberg » . « Pour comprendre les données sur la production de crédit », explique le courtier, « il faut savoir que le secteur bancaire communique sur les déblocages de fonds (appelés décaissements). Entre la demande de rachat de crédit et le déblocage, il faut compter 3 à 6 mois selon l'afflux de dossiers en banque. » Ainsi, l’activité record mesurée par la Banque de France en janvier, notamment en matière de renégociations, est liée « à des dossiers déposés en banque sur le dernier trimestre 2016 », poursuit Empruntis.

Or, début 2017, « le flux de renégociations baisse nettement » constate Empruntis, et n’est pas « encore compensé par des acquisitions » : « Cette nouvelle donne, prévisible vu le niveau de rachats des deux dernières années, pourrait avoir des conséquences sur la politique des banques au mois d'avril ». Conséquence positive pour les acheteurs : pour les attirer et atteindre leurs objectifs, les banques pourraient en effet choisir de durcir la concurrence, estime Empruntis, qui anticipe des « barèmes (…) stables début avril ».

Les spectres de l’inflation et de l’élection présidentielle

Mais d’autres nuages planent au-dessus des taux immobiliers. Pour Cafpi, les banques ne pourront pas, en effet, rogner éternellement leurs marges : « Cette situation ne peut être pérenne ». Et le retour de l’inflation pourrait donner le coup de grâce à la période des taux bas. « Si ce scénario n’est pas pour demain, la tendance de remontée des taux n’est pas prête à s’arrêter et un changement de politique du côté de la BCE pourrait avoir un impact brutal sur les taux », estime ainsi Philippe Taboret, de Cafpi.

L’autre spectre qui plane sur les taux est lui franco-français : il s’agit de l’élection présidentielle, qui ouvre une période d’incertitudes. « Les récents évènements politiques, plus de deux mois avant l’élection, ont impacté les marchés financiers, faisant par exemple remonter temporairement les taux d’emprunt d’Etat français » analyse Jérôme Robin, président de Vousfinancer. « En outre, l’annonce de potentielles mesures dans le logement par le nouveau président - même si à ce jour rien ne semble le laisser croire - pourrait entraîner au deuxième semestre l’attentisme tant redouté cette année... Il reste donc des incertitudes sur la poursuite de la dynamique enclenchée il y a quelques mois. »