Depuis le début de semaine, le mandat de mobilité issu de la loi Macron est entré en vigueur, avec la promesse d’un changement de banque facilité. Faut-il, pour autant, se précipiter pour en profiter ? La réponse est non.

Une mobilité bancaire multipliée par 4, voire par 5 : ce sont les perspectives - très optimistes - affichées par certaines banques en ligne à l’heure du lancement du mandat de mobilité. Il y une semaine, Fortuneo annonçait ainsi, sur la base d’un sondage, que « près d’un Français sur cinq a l’intention de changer de banque en 2017 ». Quelques jours plus tard, c’était Boursorama qui, sur la base d’un autre sondage, estimait que « la loi Macron [multipliait] par quatre les intentions de changer de banque ». Pour mémoire, le taux d’attrition, c’est-à-dire le pourcentage de Français qui quittent leur banque principale, a été estimé à 4,3% par le cabinet Bain & Company sur la période mai 2015 - avril 2016.

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Evidemment, ces banques en ligne ont tout intérêt à faire la promotion du mandat de mobilité. Ce sont elles, avec leur tarification avantageuse, qu’on annonce comme les grandes bénéficiaires de la loi Macron. Sans présumer du succès du mandat de mobilité, on peut toutefois douter du fait que la mobilité bancaire passe, en un clin d’œil, de 4% à 20%. Les Français, en effet, ont de bonnes raisons de ne pas se précipiter, et d’attendre pour voir.

Parce qu’il pourrait y avoir des ratés

Premier argument plaidant pour la prudence : la fiabilité du dispositif mis en place par les banques. Certes, elles ont eu du temps pour se préparer : 18 mois depuis la promulgation de la loi Macron, le 6 août 2015. Certes, elles ne partaient pas de zéro : elles avaient déjà l’obligation de proposer à leur nouveau client un service d’aide à la mobilité bancaire « à la carte ». Mais pour parvenir à échanger automatiquement les informations liées aux virements permanents et aux prélèvements des clients, elles ont dû apprendre de nouvelles façons de communiquer, via la messagerie interbancaire SEPAmail. Une période de rodage pourrait donc être nécessaire, notamment pour les plus petites enseignes.

Le dispositif contient par ailleurs deux sources de soucis potentiels. La première concerne la liste des opérations récurrentes des 13 derniers mois, que la banque de départ a l’obligation de fournir à la banque d’arrivée. « Imaginons par exemple que sur les 13 derniers mois, n’ayant pas été malade, vous n’avez reçu aucun remboursement de votre mutuelle sur votre compte », expliquait récemment à cBanque Stéphane Maureau, directeur général d’Isilis, un opérateur spécialisé dans le changement de banque. « Votre mutuelle ne sera alors pas dans la liste des émetteurs qui seront informés que vous changez de banque et donc, vous ne recevrez pas les prochains remboursements médicaux sur votre nouveau compte. » Vigilance, donc.

La seconde source de dysfonctionnements potentiels concerne les émetteurs de virements et de prélèvement. Certains organismes, dans le cadre de l’ancien dispositif de mobilité bancaire, se montraient incapables de mettre en œuvre des changements de domiciliations initiées par la banque d’arrivée. Y parviendront-ils dans le cadre de la loi Macron ? Ils en ont en tout cas l’obligation réglementaire. Mais là encore, une période de rodage pourrait être nécessaire.

Parce qu’il vaut toujours mieux « tester avant d’acheter »

Il est toujours bon de le rappeler : le mandat de mobilité n’est pas un service uniquement destiné aux nouveaux clients. On peut ainsi très bien ouvrir un compte dans sa nouvelle banque, sans pour autant activer ce service immédiatement.

Ce choix laissé au consommateur lui offre la possibilité de mettre en œuvre un précepte bien connu : mieux vaut tester avant d’acheter. Ouvrir le nouveau compte courant, l’essayer pendant quelques mois puis décider si on est prêt à aller plus loin.

A consulter : le test grandeur nature des banques en ligne

Autre rappel : l’entrée en vigueur de la loi Macron n’invalide pas pour autant les anciens dispositifs de mobilité bancaire, qui permettent de choisir, une par une, les opérations récurrentes à transférer, sans pour autant fermer l’ancien compte. La plupart des enseignes, et notamment les banques en ligne, maintiennent ainsi en l’état ces services de « mobilité choisie », utiles pour une transition progressive.

Parce que nous ne sommes pas tous égaux face à la loi Macron

Vous ne possédez qu’un compte courant et une carte bancaire ? Vous êtes probablement jeune, et le mandat de mobilité est fait pour vous. Vous auriez tort, du coup, de ne pas profiter de l’opportunité de comparer les offres des différentes banques françaises.

Vous détenez un PEL, une assurance-vie ? Votre banquier actuel est aussi votre assureur pour la maison ou la voiture ? Vous avez des crédits, immo ou conso, en cours de remboursement ? Là, les choses se compliquent singulièrement. Le mandat de mobilité, en effet, ne supprime que certaines tâches pénibles : contacter un par un ses créanciers pour leur transmettre ses nouvelles coordonnées bancaires ; contacter son ancienne banque pour clore l’ancien compte. Mais il ne règle pas l'ensemble du problème.

Pour la plupart des Français, quitter sa banque principale restera, malgré la loi Macron, une opération complexe, chronophage, nécessitant d’être planifiée et suivie au jour le jour. Le contraire, au final, d’un processus à lancer sur un coup de tête.