Mission : limiter les flux vers les fonds en euros en gonflant les versements sur les unités de compte. Pour y parvenir, les assureurs usent de différentes méthodes sur le marché de l’épargne en ligne : restriction d’accès aux fonds en euros, hausse des frais de gestion ou développement de la gestion pilotée. Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir, décrypte ses choix.

Spirica et Apicil, vos concurrents sur le marché de l’assurance-vie en ligne, ne permettent plus de versement à 100% sur leurs fonds en euros…

Bernard Le Bras : « Pour l’instant, nous essayons de favoriser les mesures plus incitatives que contraignantes. Nous avons gagné en 2016 deux points de taux d’UC en stock. Nous avons instauré une contrainte de versement en UC mais à partir de 250.000 euros de versement, car nous n’avions pas envie de devenir le réceptacle de tous les gros versements à 100% sur les fonds en euros. C’était jusqu’à présent l’une des dérives du marché internet : certains particuliers pouvaient placer de grosses sommes, sans frais d’entrée, entièrement sur un fonds à capital garanti… A ce jour, nous n’avons pas prévu de faire évoluer cette contrainte de versement en UC. Nous avons des ambitions très élevées concernant la progression de notre taux d’UC mais je préfère y parvenir par des mesures incitatives en développant le mandat d’arbitrage ou en lançant des UC attrayantes. Bien entendu, si nous n’atteignons pas nos objectifs, nous nous reposerons la question. »

Avez-vous opté pour ce choix « médian » afin d’éviter d’écarter les plus petits épargnants ?

B.LB. : « Oui, quel que soit le canal, nous n’avons pas envie de pénaliser les petits épargnants, qui n’ont pas forcément les moyens de prendre le risque d’investir en UC. De notre point de vue, 30% d’UC c’est forcément une bonne chose, pour n’importe quel client, mais on peut comprendre que certains aient plus de réticences. »

Frais de gestion : pas d’évolution en vue

Interrogé sur la possibilité d’augmenter les frais de gestion des contrats web, comme le fait Generali sur ses contrats web, Bernard Le Bras a rapidement évacué le sujet : « Ce n’est pas une piste envisagée. »

Concernant la gestion pilotée, l’année 2016 a été marquée par la refonte de l’offre de votre assurance-vie phare, Fortuneo Vie. Suravenir pousse-t-il ses distributeurs à la gestion sous mandat ?

B.LB. : « Oui très clairement ! On constate que sur un mandat d’arbitrage, en faisant la moyenne entre tous les profils, de prudent à dynamique, nous sommes au-delà de 50% d’UC. C’est très positif pour nous ! En outre, les performances sont plutôt bonnes pour les clients, puisqu’ils confient la gestion de leur contrat à un spécialiste. »

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L’année 2016 ayant été heurtée sur les marchés financiers, n’avez-vous pas peur d’une mauvaise publicité pour la gestion pilotée à l’heure de la lecture des rendements ?

B.LB. : « L’année 2016 était effectivement irrégulière, donc difficile pour les gestionnaires. Mais c’est aussi dans ces périodes là que les meilleurs peuvent tirer leur épingle du jeu. Bien sûr, quand on lance un nouveau produit, c’est préférable d’afficher du +15% grâce à un marché en hausse de 12% : ce n’est pas le cas donc cela nécessite plus d’explications, mais les différents mandats de nos partenaires vont tout de même pouvoir mettre en avant une plus-value. »

Les « robo-advisors » que sont vos partenaires Yomoni ou WeSave proposent une gestion pilotée basée sur les algorithmes. Ce marché étant naissant, quand saura-t-on si leur activité est pérenne ?
« Yomoni, le meilleur démarrage que je n’ai jamais vu »

B.LB. : « Ce sont des nouveaux entrants avec des démarches différentes : Yomoni assume la logique robo-advisor, WeSave et Marie Quantier se positionnent légèrement différemment, et Grisbee met surtout en avant son service de coaching financier. Y aura-t-il de la casse ? Je ne leur souhaite pas. Je constate que celui qui a le plus d’ancienneté sur l’assurance-vie en ligne, Yomoni, réalise le meilleur démarrage que j'ai jamais vu en une dizaine d’années de carrière sur le marché de l’épargne en ligne. »

Peut-on chiffrer cette réussite de Yomoni (1) ?

B.LB. : « Au bout d’un an, en septembre, ils étaient à plus de 1.500 clients [en mandat de gestion, sur le contrat Yomoni Vie, NDLR]. C’est assez remarquable pour un nouvel entrant et ils accélèrent cette dynamique. Derrière Fortuneo, qui est hors catégorie, c’était le deuxième partenaire web de Suravenir en nombre d’affaires nouvelles. »

Comment expliquez-vous ce succès ? Grâce à leur campagne publicitaire ?

B.LB. : « Il s’agit de la partie la plus visible : leurs affiches dans le métro et sur le parvis de la Défense ont généré du trafic. Mais il y a surtout le travail de fond de Yomoni, qui m’apparaît très professionnel. »

Ces fintechs bousculent-elles le marché de l’assurance-vie en ligne ?

B.LB. : « En termes d’encours, pas encore, évidemment. Parmi nos partenaires, Fortuneo est à part : derrière, Linxea, MonFinancier, Altaprofits, Mes-placements, Hédios ou Assurancevie.com affichent une dynamique de croissance, en ce qui concerne les contrats Suravenir. Les fintechs ne les ont pas marginalisé. Plus il y a d’acteurs, plus le marché grossit. »

Suravenir n’a pas encore mis en place la garantie « brute de frais de gestion ». Est-ce prévu ?
Bientôt de la gestion pilotée sur « une assurance-vie bancaire et grand public »

B.LB. : « Ce sera bientôt le cas sur un nouveau produit lancé dans le réseau Crédit Mutuel Arkéa. Ce n’est pas encore prévu pour les souscriptions sur les contrats actuels. Toutefois, je pense que cela reste extrêmement vertueux : même en appliquant toutes les hypothèses de taux très bas, la performance brute des fonds en euros reste inférieure à celle du niveau actuel des frais de gestion. Donc le risque de perte en capital pour le client est de mon point de vue totalement théorique ! En revanche, l’économie en fonds propre de cette disposition est telle que cela permet à l’assureur de se positionner sur des actions et de bonifier le rendement des fonds en euros. »

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A quoi ressemblera cette nouvelle assurance-vie du réseau Arkéa ?

B.LB. : « Il s’agit d’une vraie nouveauté dans le sens où le dernier lancement produit de Suravenir dans le réseau Arkéa remonte à plus d’une dizaine d’années. Ce sera une assurance-vie bancaire et grand public. Elle fera une place assez large au mandat d’arbitrage. »

Les primes de bienvenue, une carotte efficace

La plupart des distributeurs d’assurances-vie Suravenir versent des primes aux nouveaux souscripteurs. Bernard Le Bras reconnaît les encourager à en mettre en place : « Nous sommes pragmatiques : cela fonctionne bien, même sur des offres très haut de gamme. »

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(1) Précision : Le Crédit Mutuel Arkéa, dont Suravenir est une filiale, fait partie des actionnaires de Yomoni.