Près d’un foyer sur trois possède une carte de paiement émise, non pas par une banque, mais par une enseigne commerciale. Un outil de fidélisation particulièrement apprécié par les Français pour les avantages qui lui sont associés, explique la nouvelle édition de l’observatoire « les Français et leur carte » publié par l’Echangeur, centre d’études de BNP Paribas Personal Finance.

Depuis une vingtaine d’années, à raison d’une édition tous les 2 ans, l’Echangeur prend le pouls de l’usage des cartes en France : des cartes bancaires, mais surtout des cartes privatives, universelles ou de fidélité, distribuées par les grandes enseignes commerciales. A l’origine créé dans le giron de Laser Cofinoga, ce centre dédié à l’innovation et à la connaissance client, très connu dans le secteur du commerce de détail, est désormais passé sous contrôle de BNP Paribas Personal Finance, maison mère notamment de Cetelem.

Que nous apprend la dernière édition de son observatoire, dévoilé la semaine passée ? Tout d’abord un chiffre brut : les Français ont au total 185 millions de cartes dans leurs portefeuilles. En majorité (72%), il s’agit de cartes de fidélité pures, sans fonction de paiement. Les cartes de paiement traditionnelles émises par des banques ou des sociétés financières représentent elles 21% du total, soit environ 40 millions d’exemplaires. Le reste (7%) est constitué de cartes de paiement émises par des magasins, souvent privatives, c’est-à-dire utilisables uniquement dans l’enseigne (5%), mais parfois universelles (2%).

Loi Hamon et déclin de la vente par correspondance

Historiquement, ces cartes universelles de magasin, qui permettent de payer partout, sont peu utilisées en France, par rapport à d’autres pays : il n’est pas rare, par exemple, que ce type de moyen de paiement soit utilisé en première carte aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Mais elles gagnent aussi du terrain dans l’Hexagone, note l’Echangeur.

Pourtant, la part des ménages détenteurs de cartes de magasin a tendance à baisser, passant de 33% en 2012 à 30% en 2014 et 29% en 2016. C’est la conséquence à la fois d’une réglementation plus restrictive - la loi Hamon, qui limite la durée de vie des cartes liées à un crédit renouvelable - et du déclin des grandes enseignes de vente par correspondance, qui étaient de grandes pourvoyeuses de cartes privatives.

Ce repli, toutefois, ne touche pas la sous-catégorie des cartes universelles. La part des ménages détenteurs est ainsi passée de 10 à 12% entre 2014 et 2016, sous l’impulsion des deux géants du secteur, Auchan et Carrefour. Ces derniers ont choisi et réussi à faire migrer leurs clients de cartes privatives vers ces cartes universelles.

La carte de magasin, une « capsule » de services

Pourquoi ce choix ? Sans doute parce que ces cartes universelles fonctionnent particulièrement bien comme outil de fidélisation, mieux encore que les cartes privatives. La carte de magasin, en effet, est un « totem, qui marque l’attachement à une enseigne », explique Cécile Gauffriau, directrice de l’Echangeur.

De manière assez paradoxale, c’est particulièrement vrai pour les cartes universelles : le client qui la possède fréquente plus souvent le magasin lié que celui qui possède une carte privative. Ou, pour le dire différemment, « un service qui vous envoie potentiellement à la concurrence s’avère en fait être le plus fidélisant », note Cécile Gauffriau. La raison en est simple : le principal ressort de l’attachement à l’enseigne, c’est la qualité et la quantité des services et avantages attachés à la carte. « Les cartes universelles permettent d’accéder à un double programme d’avantages : on est récompensé quand on achète dans l’enseigne, mais aussi hors de l’enseigne », développe Cécile Gauffriau.

Autre paradoxe apparent : même si 61% des paiements effectués avec ces cartes sont réglés comptant, le service associé qui est le mieux noté par les usagers est l’accès à des facilités de paiement, différé ou en plusieurs fois. En règle générale, plus une carte est enrichie de services, plus elle génère de la satisfaction. « Le service, l’accompagnement global, le bien-être du client est vraiment le relais de croissance des enseignes de grande distribution », note Cécile Gauffriau. « Et la carte va permettre d’encapsuler cela. »