Dans un rapport publié aujourd’hui, la Cour des comptes s’interroge sur l’avenir de la Poste, entreprise publique confrontée au déclin historique de sa principale activité, la distribution du courrier. Premier relais de croissance, la Banque Postale est un succès mais affiche des fragilités, liées notamment au contexte de taux bas.

Un produit net bancaire (PNB) qui augmente de 2% par an en moyenne depuis 2009 ; un résultat d’exploitation qui croît encore plus rapidement ; près de 11 millions de clients actifs fin 2015 : dix ans après son lancement, la Banque Postale (LBP) fait figure de réussite, selon la Cour des comptes. « LBP a aujourd’hui trouvé sa place dans le paysage bancaire, avec un PNB qui la place au 3e rang des banques françaises », écrit l’institution dans un rapport publié aujourd’hui mardi (1).

C’est d’ailleurs heureux pour sa maison-mère, la Poste, qui fait face à une chute continue de son activité historique, la distribution de courrier, affectant son chiffre d’affaire de 500 millions d’euros par an environ. La banque de détail, avec la livraison express de colis, est en effet un des relais de croissance choisi par l’entreprise publique pour se maintenir à flots.

Une stratégie de diversification inachevée

Jusqu’ici, le plan s’est plutôt passé sans accroc. Mais la Cour des comptes pointe quelques incertitudes pour le futur. La Banque Postale est en effet affectée par les taux bas et par l’évolution du contexte prudentiel. Comme les autres banques de détail, mais sans doute un peu plus qu’elles : LBP a en effet la particularité d’avoir « une structure de bilan atypique, caractérisée par une abondance de liquidités », explique la Cour des comptes. Un héritage de son statut de distributeur historique du Livret A, qui l’a aidé à résister à la crise financière mais qui l’expose aujourd’hui à un « problème de rentabilité particulièrement aigu ».

Pour éviter cette trop forte exposition, la Banque Postale a entamé ces dernières années une stratégie de diversification, qui l’a amené à multiplier les offres de crédits (à la consommation, aux entreprises, aux collectivités locales) et à s’intéresser à la clientèle patrimoniale. Un repositionnement marketing qui n’a toutefois rien d’évident pour la « banque citoyenne », et qui pose la « question de la reconfiguration du réseau des bureaux de poste, pour mieux l’adapter à la stratégie de LBP ».

Le réseau, une force et une faiblesse

Le réseau de la Poste, avec ses 17.000 points de vente, est en effet une force pour la Banque Postale, qui peut servir sa clientèle partout en France. Mais l’accès à ce réseau lui coûte aussi très cher, beaucoup plus qu’aux banques de détail concurrentes. Les trois quarts de ses frais de gestion - environ 3 milliards d’euros annuels - sont ainsi des refacturations payées à la Poste pour les charges de personnel et les opérations de guichet. « La baisse des charges du réseau (…) apparaît donc indispensable à la viabilité du ''partenariat'' entre LBP et les bureaux de poste », estime la Cour des comptes, qui milite également pour une « spécialisation bancaire des bureaux de poste, ou de portions de bureaux », une évolution déjà à l’œuvre.

Car, depuis 2015, les résultats de LBP déçoivent : l’enseigne perd des clients actifs, qui restent par ailleurs trop âgés, et son PNB augmente moins vite que prévu. « Si cette sous-performance devait se prolonger, il serait nécessaire d’engager un plan d’économies permettant de préserver la rentabilité de l’activité bancaire », conclut la Cour des comptes.

La mission d’accessibilité bancaire, trop chère pour LBP ?

Parmi les sujets abordés par la Cour des comptes concernant la Banque Postale figure la mission d’accessibilité bancaire, qui l’oblige à ouvrir un Livret A à toute personne qui en fait la demande. Une mission qui a été récemment prolongée jusqu’en 2020. Qu’en sera-t-il après cette échéance ? La Cour des comptes ne répond pas à cette question, mais rappelle que cette mission a représenté en 2014 un « reste à charge » de 72 millions d’euros. Elle oriente également la réflexion : « (…) Le débat devrait notamment porter sur l’utilité sociale de maintenir ce service de guichet, au regard, à la fois, de l’intérêt pour les bénéficiaires d’évoluer vers des moyens de paiement à plus forte valeur ajoutée et des coûts élevés induits pour la Banque Postale. »

(1) « La Poste. Une transformation à accélérer », rapport public thématique de la Cour des comptes.