Pour la première fois, quelques banques ont franchi le pas et vendent désormais les cartes bancaires à débit différé à un prix plus bas que leurs équivalents à débit immédiat : impensable il y a encore quelques années. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

C’est, à notre connaissance, une première sur le marché français : dans deux Caisses d’Epargne, Picardie et Nord France Europe, la carte bancaire à débit différé est désormais moins chère que la carte à débit immédiat : 41 euros annuels, pour être précis, pour la Visa Classic à débit immédiat, contre 40 euros pour son équivalent à débit différé.

Cette évolution étonne, forcément : le décalage de trésorerie permis par la carte à débit différé est un service supplémentaire rendu à l’usager qui, historiquement, a justifié une cotisation plus élevée. En moyenne, cela reste d’ailleurs encore le cas : selon le comparateur de tarifs bancaires cBanque, la Visa Classic à débit immédiat, la carte la plus répandue en France, est facturée 41,34 euros (1) au 1er janvier 2017, contre 45,54 euros pour son équivalent à débit différé. Un constat qui vaut aussi pour la MasterCard classique (40,43 euros contre 46,31 euros), la Visa Premier (124,37 euros contre 126,67 euros) ou la Gold MasterCard (121,70 euros contre 125,98 euros).

Des évolutions de prix contradictoires

Toutefois, la tendance est claire : l’écart de prix entre les deux types de débit tend à se réduire. Nous l’avions déjà mis en évidence entre 2013 et 2014 (lire : Les écarts de prix entre cartes bancaires se resserrent) puis entre 2015 et 2016 (lire : Le tarif du débit différé de plus en plus avantageux). Ce sera encore le cas au 1er janvier 2017, par rapport à l’année précédente, au vu des tarifs déjà publiés. Ce resserrement s’explique par des évolutions tarifaires très contrastées, voire contradictoires, comme le montre le tableau ci-dessous :

CarteType de débitEvolution du prix
entre 2015 et 2017
Cotisation annuelle moyenne
au 1er janvier 2017
MasterCardDébit immédiat+4,99%40,43 euros
Débit différé-0,34%46,31 euros
Gold MastercardDébit immédiat+2,81%121,70 euros
Débit différé+0,66%125,98 euros
VisaDébit immédiat+5,89%41,34 euros
Débit différé-1,79%45,54 euros
Visa PremierDébit immédiat+1,65%124,37 euros
Débit différé+0,63%126,67 euros

Près de 5% de hausse pour la MasterCard, près de 6% pour la Visa : le prix des cartes bancaires internationales à débit immédiat est en forte augmentation sur les deux dernières années. Une tendance déjà soulignée, par exemple par l’Observatoire des tarifs bancaires du CCSF, et qui rejoint celles d’autres lignes tarifaires, comme les frais de tenue de compte.

Cette inflation, toutefois, n’existe pas pour les cartes à débit différé. Au contraire même : les prix des versions classiques des cartes Visa et MasterCard ont baissé respectivement de 1,79% et 0,34% en deux ans ! Le Crédit Agricole Centre-Ouest a même communiqué récemment sur une baisse de plus de 10% des prix de ses cartes bancaires à débit différé, de manière à les aligner sur le débit immédiat !

Les cartes de crédit plus rentables pour les banques

Une fois le constat posé, reste à en comprendre les causes. L’explication tient en deux mots : commissions d’interchange. Soit les frais forfaitaires payés par la banque du commerçant qui encaisse le paiement à la banque qui a émis la carte bancaire. Un business qui représentait en 2015 un chiffre d’affaires, à l’échelle de l’Union européenne, de 6 milliards d’euros !

Historiquement, le niveau de ces commissions en France était le même que la carte soit à débit immédiat ou à débit différé : encore en 2015, les deux rapportaient en moyenne 0,29% des montants payés à la banque du consommateur. Un niveau plafonnée par l’Autorité de la concurrence.

Une distinction désormais plus marquée entre « carte de débit » et « carte de crédit »

Ce n’est plus le cas depuis le 9 décembre 2015, date d’entrée en vigueur d’un règlement européen « relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte ». Ce texte homogénéise en effet le niveau de ces commissions à l’échelle de l’Union. Il impose également une distinction entre cartes à débit immédiat, considérées comme des « cartes de débit », et cartes à débit différé, désormais assimilées à des « cartes de crédits ». Des nouvelles terminologies auxquelles il va falloir s’habituer : les mentions « débit » et « crédit » doivent en effet désormais figurer en toutes lettres sur la carte. Et les banques commencent à les utiliser également dans leurs brochures tarifaires.

Ainsi, pour les cartes de débit, le nouveau règlement européen impose un plafond de commission à 0,2% du montant payé. Pour les cartes de crédit, il monte à 0,3%. Les cartes à débit différé sont tout simplement devenues plus rentables pour les banques ! Ce qui explique qu’elles veuillent les rendre plus attractives en diminuant l’écart de prix avec leurs équivalents à débit immédiat. Alors, bientôt tous équipés de cartes de crédit ?

(1) Cette moyenne, et toutes les moyennes présentées dans cet article, ne prend pas en compte les banques en ligne, qui offrent pour la plupart la carte bancaire, et les banques qui ne distinguent pas dans leurs tarifs débit immédiat et débit différé.