Comment aider les « profils atypiques », ceux qui n’entrent pas dans les cases habituelles des banques, à accéder malgré tout au crédit immobilier ? Un groupe de travail, composé d’institutionnels, de chercheurs et de professionnels, a réfléchi à la question. Parmi ses propositions : une extension de la garantie d’Etat et une réforme du taux de l’usure.

C’est un signe des temps : l’emploi dit « classique », sous forme de contrat salarié à durée indéterminé, diminue, au profit de formes d’emploi autrefois qualifiées d’atypiques, mais qui le sont de moins en moins : contrats à durée déterminée, intérimaires, indépendants… « Cet ensemble d’emplois atypiques représentait en 2014 une population de plus de six millions de personnes (dont 45% de non-salariés, 38% de salariés en CDD, le reste étant des intérimaires et apprentis) sur un total de 25,8 millions de personnes en emploi », détaille le rapport (1) publié par un groupe de travail regroupant des représentants d’institutions (Action Logement, Cour des comptes, SGFGAS, etc.), des professionnels (Crédit Foncier, FFB, etc.) et des universitaires.

Pourtant, le système bancaire peine encore à s’adapter à cette nouvelle donne et ferme souvent les portes du crédit immobilier à ces profils atypiques. « Du fait de modèles d’octroi de crédit liés en particulier à la stabilité des revenus, la demande des ménages qui ne sont pas en CDI est plus difficile à instruire », confirme le rapport. Résultat : en 2013, « la proportion de propriétaires [était] de 74% chez les couples salariés cumulant deux emplois stables et de 42% pour ceux dont un conjoint au moins est en emploi temporaire ».

Une extension de la garantie de l’Etat

Comment remédier à cet état de fait ? Le groupe de travail fait quatre propositions. La première est une extension de la garantie du Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS). Celle-ci permet à l’Etat de garantir à hauteur de 50% certains prêts destinés à l’accession sociale à la propriété, comme le PTZ (prêt à taux zéro) ou le PAS (prêt d’accession sociale). Le groupe propose de faire passer cette part à 80%, estimant que « les effets positifs du FGAS pour le financement des ménages modestes ou jeunes pourraient également favoriser le crédit aux emprunteurs à revenus atypiques ».

Le groupe évoque également des « pistes assurantielles et de sécurisation », destinées par exemple à faire face à des baisses de revenus temporaires, ou au risque de dépréciation de la valeur du bien immobilier en cas de revente rapide liée à un changement professionnel. Il propose également des dispositifs de portage, permettant de revendre, en cas de difficultés, le logement à un bailleur social ou à un opérateur privé, tout en en restant locataire.

Réformer les taux de l’usure ?

Troisième proposition : celle d’une réforme du taux de l’usure. Le groupe de travail réaffirme son attachement à son principe, qui permet de caper le niveau des taux pratiqués par les banques, en fonction du type de prêts immobiliers (taux fixes, taux variables, prêts relais) et, à compter du 1er janvier prochain, de leur durée de remboursement.

Lire aussi : Crédit immobilier : les taux à 20 et 25 ans bientôt plus élevés ?

Toutefois, la règle de calcul du taux de l’usure, qui correspond à la moyenne des taux effectivement pratiqués augmentée d’un tiers, trouve ses limites en période de taux très bas, comme c’est le cas actuellement. Elle ne permet plus, en effet, de « couvrir tous les coûts entrant dans le ''TERG/TAEG'' (garantie, assurance, frais de courtier…) », estime le groupe de travail, qui préconise plutôt d’augmenter les taux effectivement pratiqués d’une part fixe, de l’ordre de 1 à 1,5 point.

Les droits de mutation, un frein à la mobilité

Dernière proposition enfin : le groupe de travail appelle à une réforme des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui actuellement « pénalisent les primo-accédants qui ont un apport personnel faible et les ménages amenés à revendre plus fréquemment leur logement en raison d’une variation de revenus ou d’employeur ».

Il propose ainsi de s’inspirer du modèle britannique, qui prévoit des droits de mutation à taux progressif, en fonction de la valeur du bien. Et pourquoi pas de diminuer des droits de mutation « en fonction des années de détention afin de limiter le frein qu’ils constituent à la mobilité, notamment professionnelle ».

(1) « Favoriser l’accession à la propriété des profils atypiques », publié en octobre 2016