Welcome, c’est le nom de la nouvelle offre dévoilée la semaine dernière par Boursorama Banque. Un compte et une carte bancaire pour 1,50 euro par mois, sans condition de revenus. Qu’est-ce qui a convaincu la filiale de banque en ligne de la Société Générale à renoncer au dogme de la gratuité ? Nous avons posé la question à Benoît Grisoni, le patron de la banque de détail chez Boursorama.

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Benoît Grisoni, à l’occasion d’un précédent entretien avec cBanque, fin avril 2016, vous annonciez que « facturer le compte courant [n’était] pas à l’ordre du jour chez Boursorama ». Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Benoît Grisoni : « Il s’agissait à l’époque de réagir au choix d’un concurrent [ING Direct, voir ING Direct : un nouveau deal pour conserver la carte Gold gratuite, NDLR], qui me semble de nature très différente de celui que nous faisons aujourd’hui. »

« Rien ne change pour nos clients actuels. »
En quoi est-il différent ?

B.G. : « Avec Welcome, nous ne changeons pas notre manière de facturer une offre déjà existante, mais nous créons une toute nouvelle offre. Pour nos clients actuels, rien ne change, cela reste gratuit. Par ailleurs, il était déjà possible d’ouvrir un compte Boursorama sans condition, mais il fallait déclarer des revenus pour obtenir gratuitement une carte bancaire. Et cette contrainte nous fermait à toute une partie de la population. »

Aux étudiants et plus généralement aux jeunes, notamment…

B.G. : « Oui, ils sont effectivement la cible prioritaire de Welcome. Jusqu’ici, nous ne les captions pas car notre modèle économique, qui consiste pour une part à placer les dépôts de nos clients, n’était pas adapté à leur profil à faible encours. Mais nous faisons aujourd’hui un pari sur ces clients qui vont s’équiper en produits et services dans le futur. »

« Rentabiliser un compte grâce aux dépôts, c'est devenu impossible avec les taux bas. »
Vous avez toutefois choisi de leur facturer vos services…

B.G. : « Il y a quelques années, nous aurions sans doute pu éviter cette facturation, grâce aux revenus dégagés en plaçant les dépôts de ces nouveaux clients. Mais c’est devenu impossible : les taux sont au plus bas et ces revenus ne représentent plus rien, ou si peu, aujourd’hui. Il était donc utile de facturer, tout en veillant à garder le meilleur positionnement tarifaire possible. »

Au final, Welcome est facturé 1,50 euro par mois. Soit un peu moins que le compte tout compris de Monabanq, par exemple, qui coûte deux euros par mois…

B.G. : « Oui, il était important que rester la banque moins chère, y compris sur cette catégorie jeunes. A 18 euros par an, c’est le cas, si j’en crois les comparatifs que j’ai pu consulter. Qu’est-ce qu’un euro cinquante par mois, à côté du prix d’un paquet de cigarettes, ou d’un abonnement à Netflix ou Spotify… A ce prix-là, nous restons dans une logique d’acquisition, plus que de forte rentabilité. »

« Qu’est-ce qu’un euro cinquante par mois, à côté d’un paquet de cigarettes ou d’un abonnement Netflix ? »
Vous avez annoncé récemment avoir dépassé les 900.000 clients. Est-ce en ligne avec vos objectifs ?

B.G. : « Avant même le lancement de Welcome, notre conquête 2016 est de 50 à 60% supérieure à celle de 2015. C’est le résultat de nos efforts de communication, mais aussi de l’élargissement de notre clientèle potentielle grâce à la baisse progressive de la condition de revenus. D’ailleurs, nous observons déjà, depuis 2 ans, un rajeunissement. Notre nouveau client type actuel est plutôt trentenaire que quarantenaire. »

Vous restez toutefois dans une logique de conquête…

B.G. : « Oui, nous devons encore accélérer la croissance pour atteindre notre objectif : 2 millions de clients en 2020. Pour y arriver, nous devons être de moins en moins sélectifs. C’est ce que nous faisons avec Welcome, et c’est, je pense, le moment de le faire. »

« Nous nous sommes battus pour avoir une offre complète avant les autres. »
Vous avez pointé tout à l’heure la difficile conjoncture pour la banque de détail. N’est-ce pas risqué de croître rapidement dans ce contexte ?

B.G. : « Nous avons une très ancienne conviction : un modèle bancaire fonctionne mieux quand il a plusieurs cordes à son arc. C’est pourquoi nous nous sommes battus pour avoir, avant tous les autres, une offre complète. Ce n’est pas un hasard, par exemple, si nous avons été les premiers parmi les acteurs en ligne à proposer le crédit immobilier, ou si nous sommes les seuls à proposer des crédits à la consommation. Je vous rassure : nous ne sommes pas là pour perdre de l’argent. »

En travaillant sur Welcome, aviez-vous en tête Orange Bank, qui va arriver début 2017 et devrait également intéresser une clientèle jeune ?

B.G. : « Non, la réflexion sur Welcome est plus ancienne et son lancement prévu de longue date, bien avant l’annonce d’Orange Bank. Ceci étant dit, j’ai vraiment hâte de voir comment Orange va concevoir la passerelle entre son activité historique d’opérateur télécom et sa nouvelle activité de banque. C’est assez expérimental, et ça s’annonce passionnant. »