La renégociation de crédit immobilier tourne actuellement à plein régime ! Conséquence logique des taux au plus bas, à des niveaux jamais atteints. Une situation dont veulent profiter certains courtiers, quitte à user de méthodes qualifiées d'agressives par les banques.

Fin 2015, un particulier effectue un premier rachat du crédit immobilier qu'il avait contracté en 2014. Et en ce mois de septembre 2016, le courtier revient à la charge : « Les taux ont fortement baissé, à nouveau. Vu votre dossier, vous avez tout intérêt à recommencer ! » Ce démarchage, le client peut éventuellement s’en agacer, il peut aussi en profiter pour abaisser à nouveau ses mensualités, ou la durée de son remboursement.

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La démarche du courtier peut en revanche poser question du point de vue de l’éthique professionnelle. Dans ce scénario, fictif, le courtier démarche un client récent pour ouvrir un nouveau dossier. Il peut ainsi espérer toucher une seconde commission, pour un même client, après la première versée fin 2015 par la banque ayant effectué le premier des deux rachats. Or, ce type de pratiques existe dans le monde du courtage, selon des sources concordantes. Certains courtiers iraient même jusqu’à s’échanger des fichiers clients.

Des courtiers « dé-mandatés » par certaines banques

Qui les pratique ? Evidemment, personne ne pointe nommément un réseau du doigt, d’autant que le marché du courtage comporte aussi une part d’indépendants. Mais les établissements de crédit, eux, n’apprécieraient pas. « Des banques ont dé-mandaté certains courtiers aux pratiques trop agressives », témoigne ainsi Sylvain Lefèvre, président de la Centrale de financement. « Car bon nombre de banques analysent dorénavant les pratiques de leurs principaux partenaires », ces établissements cherchant ainsi à savoir comment les emprunteurs ont été contactés lorsqu’ils réclament une renégociation.

Du côté de la direction des grands réseaux, les sociétés contactées affirment avoir mis en place des procédures strictes, ou avoir adopté une déontologie pour éviter ces dérives. « Nous nous sommes toujours interdit de racheter nos propres crédits », affirme ainsi Frank Levy, directeur général d’AceCrédit. « Si un client récent revient nous voir, nous contactons d’abord la banque prêteuse pour la prévenir », explique pour sa part Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux. « Si la banque fait une proposition de renégociation, c’est alors au client de décider et nous laissons la main. Si le client n’accepte pas la proposition, ou si la banque ne réagit pas, là nous reprenons le dossier en vue d’un rachat. »

Des codes de déontologie internes aux réseaux

Maël Bernier en profite pour souligner que ce type de procédure existe dans d’autres réseaux français. Effectivement, chez Immoprêt, le président-fondateur Ulrich Maurel décrit un code de déontologie interne relativement proche, avec la porte ouverte à la renégociation dans la banque initiale, en premier lieu. « Dans nos professions financières, je pense qu’il est important d’être clair et transparent », plaide-t-il.

Ces codes déontologiques restent toutefois de simples bonnes pratiques décidées en interne, dans chaque réseau (1). D’où certaines pratiques plus agressives, en dehors des cadres établis. Les démarchages « agressifs » ne peuvent toutefois avoir cours que lors de périodes bien spécifiques, comme actuellement avec des taux à 20 ou même 25 ans nettement sous les 2% selon l’observatoire Crédit Logement-CSA. Conséquence : selon la Banque de France, les rachats et renégociations représentaient près de 45% du flux de nouveaux crédits à l’habitat au mois de juillet. Contre 28,5% en mars. « Le flux de rachats et renégociations booste le marché artificiellement : c’est un marché d’opportunité », déplore Sylvain Lefèvre, de la Centrale de financement, qui revendique un positionnement différent, même si les membres de son réseau opèrent aussi quelques rachats : « Nous, notre activité est axée sur l’acquisition. Nous avons noué des partenariats avec des promoteurs en ce sens. »

La commission, principale source de revenu des courtiers

Pour rappel, les courtiers en crédit financent quasiment tous leur activité de la même manière : en percevant une commission – souvent 1% - sur le montant emprunté, la banque récompensant ainsi cet intermédiaire pour l’acquisition d’un nouveau client. En revanche, la facturation d’honoraires n’est pas totalement généralisée et les montants sont peu homogènes selon les informations fournies par ces enseignes.

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(1) L'Association professionnelle des intermédiaires en crédits (Apic), syndicat regroupant les acteurs majeurs du courtage en crédit, n'évoque pas précisément le cas de la renégociation dans sa « charte de bonne conduite » mais indique tout de même, au chapitre « transparence & loyauté » : « Maintenir entre les établissements bancaires une concurrence loyale, (...) ; prévenir immédiatement l’établissement bancaire concerné de tout changement (...) afférent (...) au dossier du client, porté à notre connaissance ».