La saga publicitaire de la Caisse d’Epargne, plus ancienne enseigne bancaire grand public grâce au Livret A, est riche de milliers d’affiches et de dizaines de spots télé, qui ont joué un rôle indéniable dans la démocratisation de la banque. Florilège d’une histoire bientôt bicentenaire.

De toutes les grandes marques bancaires françaises, la Caisse d’Epargne est sans doute celle dont la saga publicitaire débute le plus tôt. En effet, dès son origine - qui remonte à 1818 - l’enseigne a communiqué à destination du grand public. Ses publicités étaient alors avant tout des incitations moralisantes à épargner pour sa santé, sa famille ou pour prévenir les accidents de la vie.

L’objectif ici était clair : encourager les travailleurs français, encore payés à la journée, à verser tout ou partie de leur paye sur un livret d’épargne, plutôt que de la dépenser au café, de la perdre ou de se la faire voler. « Ayez l’esprit tranquille, confiez vos économies à la Caisse d’Epargne », explique ce film publicitaire de 1950, qui met en scène des vedettes de l’époque, les Frères Jacques.

L’épargne comme « bouclier contre l’adversité », comme le dit une autre publicité de 1933. Le projet est d’ailleurs gagnant-gagnant : en incitant leurs ouvriers à épargner leur paye plutôt qu’à la boire, les élites comptent bien aussi améliorer la productivité de l’industrie française. Dans les contextes d’après-guerre, en 1870, 1918 ou 1945, un autre impératif prend parfois le dessus : le redressement du pays. Les Français sont alors encouragés à garnir leurs livrets de Caisse d’Epargne qui déjà servent à financer la construction de logements sociaux.

Affiche publicitaire caisse d'épargne
Affiches de la Caisse d’Epargne 1933-1945

Le Livret A, produit phare

Le Livret de Caisse d’Epargne, futur Livret A, est évidemment resté pendant longtemps le produit phare de la communication de la marque. Au 19e siècle et pendant une bonne partie du 20e siècle, la détention d’un compte bancaire est en effet l’apanage des élites. Le Livret de Caisse d’Epargne, qui rapporte déjà des intérêts exonérés d’impôts, est donc la porte d’entrée du grand public vers la banque. Un produit simple et vertueux, que les instituteurs offrent à leurs meilleurs élèves et les mairies à leurs nouveaux administrés.

En 1972 encore, alors que la bancarisation des Français a déjà beaucoup progressé, la Caisse d’Epargne continue à faire, à la télévision, la promotion de son livret, qui permet de percevoir ses revenus et de payer ses factures. Un usage qui n’a pas totalement disparu aujourd’hui : de nombreuses personnes, exclues du système bancaire traditionnel, utilisent en effet toujours le Livret A comme un quasi compte courant. Cette mission d’accessibilité bancaire, toutefois, échoit désormais à la Banque Postale.

Au passage, on découvre l’Ecureuil, mis en scène dans ce spot et présent dans le slogan de l’époque : « là où est l’Ecureuil ». Ce dernier, toutefois, n’a pas toujours été l’emblème de la marque. Il a fallu attendre 1947 pour le voir succéder dans ce rôle à la ruche, puis à la fourmi.

« L’ami financier »

L’implication dans la vie sociale et dans l’économie réelle est certainement le principal trait marquant de la communication de la Caisse d’Epargne à travers les décennies. Un positionnement qui s’incarne, dans les années 1980, dans une signature de marque restée célèbre : « L’ami financier ».

Dans ce spot de 1985, « l’Ecureuil » fait à la fois référence à l’hélicoptère du célèbre jeu télévisé La Chasse au trésor et au thème musical d’Indiana Jones, gros succès du box office de 1984, pour rappeler son engagement financier auprès des collectivités locales.

Mais la Caisse d’Epargne cultive également un autre mot-clé dans sa communication : l’innovation. L’enseigne a ainsi été parmi les premières à proposer un compte courant rémunéré, des produits d’épargne à taux progressifs ou un crédit immobilier modulable. Elle est également la première à s’intéresser à deux clientèles devenues depuis stratégiques : celles des jeunes et des femmes, comme le montre ce spot de 1976.

« Et si une banque vous aidait à vivre mieux ? »

A l’entame du 21e siècle, la Caisse d’Epargne change de signature de marque et opte pour : « Et si une banque vous aidait à vivre mieux ? ». Elle réussit aussi ce qui reste sans doute comme le plus gros coup de son histoire publicitaire, en inaugurant une série de publicités réalisées en images d’animation et mettant en scène des animaux. La saga animalière est née.

La série fait un carton, chaque nouveau spot est attendu avec impatience et commenté dans les cours d’école et autour de la machine à café. Mais ce succès a un revers : le public apprécie la forme, mais n’entend pas le fond et est souvent incapable de citer le produit dont le spot fait la promotion.

« La banque. Nouvelle définition »

La crise financière de la fin des années 2000 se charge de toute façon de mettre un terme à la saga animalière. Après les dérives des subprime, difficile de chercher à faire sourire les clients avec la banque. La Caisse d’Epargne choisit en 2011 de repartir, au sens strict du terme, d’une page blanche.

La rupture est totale : nouvelle signature, « La Banque. Nouvelle définition », mais surtout nouveau « territoire de marque », pour reprendre l’expression marketing consacrée, à l’opposé de la saga animalière : plus moderne, plus apaisé, plus haut de gamme et donc plus compatible avec les clientèles pro et privées, nouvelles cibles privilégiées de la marque. L’Ecureuil en fait les frais : s’il reste présent dans le logo de la marque, il disparaît de ses supports de communication.

« Vous être utile »

Au final, la banque nouvelle définition n’aura duré que 5 ans. Car depuis le mois de mai, la Caisse d’Epargne a de nouveau changé de territoire. Et à l’approche de son 200e anniversaire (l'an prochain, elle boucle, d’une certaine manière, la boucle), sa nouvelle signature « Vous être utile » renoue en effet clairement avec son ADN originel : l’utilité sociale.

Merci à la communication de la Caisse d’Epargne, qui nous a fourni les affiches et les vidéos recensées dans cet article.